Eagle's flight of loneliness soars so high
Around its sigh, no more alone the sky
Other birds remain away, clouds pass by
Between shrouds of life and haze sun rays die
Dans ce brasier infernal, tu vis les étoiles. Pas celles du ciel mais celles qui bouffèrent ton regard à la bouffante de douleur de ton genou malmené. La douleur se bloqua dans ta gorge, te coupant la respiration et intensifiant la fureur de ton regard tel qu'il ne ressemblait plus ni à celui d'un ange ni d'un humain. Ni même d'une bête haineuse. Ton visage se plissa, ton cerveau choqué par la brutalité de cette cassure.
Tu finis au sol, écrasé par le poids de la bête démoniaque que tes paroles avaient rendue plus enragée que jamais. À peine vis-tu ses mains fumantes que tu ramenas tes forces pour l'expulser d'un violent coup de pied dans les côtes qui te coûta autant qu'à elle. Ta jambe blessée te faisait vivre un supplice tel que tu avais du mal à récupérer la maîtrise de tes sens. Des larmes que tu ne contrôlais pas s'évaporèrent à peine montèrent-elles à tes yeux - tu te mordis violemment la lèvre pour reprendre tes esprits.
Tu te redressas sur un genou alors que le fauve prenait position à quelques mètres de toi, te posant sa question.
Ce n'était même pas pour qui tu te prenais ; non, c'était pour quoi.
Jamais on ne t'avait posé de questions ni dit de paroles aussi justes.
N'était-ce pas un peu ironique que ce soit un démon qui s'en fut chargé ?
Tu te relèves, chancelant et te raidissant pour rester campé sur tes deux pieds - sur ton pied valide du moins. Des gémissements sourds s'étouffaient dans tes poumons maltraités par la fumée s'intensifiant, sous l'impérative de ton mental en feu.
T'eus à peine le temps de racoler assez ton genou pour ne pas que tu t'écroules à la moindre brise de vent que le démon revenait à l'attaque avec encore plus de violence et de folie que ce que tu n'avais jamais donné dans un combat.
Ses poings incandescents te cognaient de toute part, ajoutant de nouvelles constellations aux brumes noires de ton regard fou. Où allais-tu chercher toute la hargne qui te permettait encore de te tenir sur tes deux jambes dont une à moitié branlante ?
Ses flammes s'imprimaient dans ta peau, dans ta chair, dans ton âme comme si elle n'avait jamais fait que d'être à nue depuis le début de cette confrontation. La souffrance commençait à te submerger, commençait à faire remonter des tourments plus profonds, plus internes, plus enracinés que ce que tu aurais cru. Tu résistais comme tu pouvais, grondant et soufflant quelques dioxydes de carbone qui se mêlèrent à l'air pollué de cet enfer artificiel. T'étais à la fois sonné et tout à fait conscient de ce qu'il se passait.
T'eus l'image des cieux d'Orient, celle de la neige du Caucase ; t'eus l'image des lances, t'eus celle de la mitraille. Les crépitements des flammes devinrent le roulement du sable ; les gémissements des arbres les cris des oiseaux des massifs. L'odeur de brûlé fut remplacée par celle des plats de ta mère, l'amertume de l'air par celle des liens brisés. Tu suffoquais. Tu voulais t'échapper, tu voulais fuir ; faire que cela cesse. Fuir, fuir, ne plus subir, ne plus faire subir. Plus de choix, plus d'avenir. En finir avec cette ire qui ne te lâche pas, qui te bouffe et te pourrit jusqu'au plus profond de toi.
Les coups du démon te faisaient reculer, pas après pas. Tu songeas à quand, serais-tu dos au mur. Et c'est là que tu tiltas.
Ce n'était pas dans le silence, ce n'était pas dans la soumission que tu te libérerais du carcan que tu t'étais créé. Ce n'était pas en laissant cette douleur qui t'irradiait du cœur à la peau gagner sur ta volonté que tu pourrais t'élever et t'approprier celui que tu étais réellement devenu.
Ce n'était pas en refusant à la douleur le droit de te faire sienne durant le temps qui lui était dû que tu guérirais.
Tu vis les poings enflammés arriver de nouveau sur toi.
Au lieu de les laisser te cueillir pour la énième fois, tes paumes vinrent les saisir et les harponner comme des serres.
Tu embrassas la souffrance toute entière, sentant les flammes du démon dévorer tes mains avec une avidité féroce, et serras, les empêchas de se retirer maintenant que tu avais la force mentale de les accepter pleinement au lieu de les subir faiblement.
Tu avais tellement mal que tu avais du mal à te souvenir même de ton propre nom ; tu tremblais de douleur, le souffle presque inexistant. Il était tellement rauque que tes mots furent à peine perceptibles à travers tes mâchoires crispées de douleur.
- Rien... ni personne...
Ta prise se renforça sur les jointures brûlantes de ton opposant. Tu aspirais l'air comme tu pouvais, la gorge irritée, sèche et pantelante.
- RIEN... Je ne suis RIEN... ET C'EST ÇA, LE PROBLÈME !!
T'étais juste une petite merde qui faisait mine d'avoir un semblant d'ego. Tu serrais les crocs, les montrais, ta colère se retournant contre toi-même et s'amplifiant par là-même, intensifiant les traits rougis et bleuis par endroits de ton visage. Ta poigne s'accentua encore et tu fis un premier pas en avant, ne regardant pas tes paumes qui étaient déjà couvertes de cloques.
- ... pas foutu de trouver son chemin tout seul !... pas foUTU DE SE RELEVER ET DE SE REPRENDRE EN MAIN POUR DE VRAI !!... PAS FOUTU D'ÊTRE LÀ POUR CEUX QUI L'ONT TOUJOURS ÉTÉ POUR MOI !!! PAS FOUTU DE REGARDER LES CHOSES EN FACE ET DE QUITTER LA BOUE DU PASSÉ !!!!
À chaque pas, ta voix s'amplifiait, n'ayant même plus cure de l'air qui te manquait et de la rocaille qui glissait sous tes mots. Tes paumes noircies exerçaient une pression toujours plus forte sur les poings du démon ; tu ne t'en rendrais même pas compte si tu finissais par les réduire en bouillie.
- JE NE SUIS RIEN !! MÊME PAS UN CLOPORTE !!! JE NE SUIS RIEN ET JE VEUX FAIRE BOUGER LES MONTAGNES !!!! RIEN, ET JE VEUX RENVERSER L'ORDRE DES CHOSES ET TOUT RÉASSEMBLER À MA MANIÈRE !!!! JE NE SUIS MÊME PAS UN FOUTU ANGE DE LA JUSTICE OU DE LA PAIX : je suis une PUTAIN DE BÊTE qui ne sait même PAS OÙ ELLE VA !!!
Tes gencives te brûlaient sous l'assaut de la chaleur et de tes propres paroles. Il était loin, le glacier insensible.
- JE NE SUIS RIEN, TU M'ENTENDS ?!! RIEN !!! JUSTE UNE PUTAIN DE BUSE QUI RESTE CLOÎTRÉE DANS SES PROPRES PENSÉES !! JE STAGNE, JE SUIS FAIBLE, JE FAIS TOUT EN VAIN !!! TOUT POUR RIEN !!!!
Tu tremblais de plus en plus comme si tes jambes ne demandaient qu'à lâcher, mais tu continuais d'avancer, d'écraser ces mains avec les tiennes, oubliant tes lamentations physiques pour hurler l'acidité qui te rongeait les tripes.
- JE SUIS UNE POUSSIÈRE QUI SE PREND POUR UN AIGLE MAIS QUI N'EST MÊME PAS FOUTUE DE REGARDER AUTRE CHOSE QUE SES PROPRES PLAIES !!!!
Tu voulus continuer, mais le souffle te manqua, tes cordes vocales te lâchèrent. Tu étais juste là, pantelant, haletant, n'arrivant même plus à faire la différence entre ton corps et ton environnement.
T'avais envie de dire à ce démon "Vas-y, crame-moi, fais de moi une torche humaine, qu'on en finisse une bonne fois pour toute, réduis-moi à ce que je suis vraiment".
Tu repris ton souffle, t'arrêtant dans ta marche mais ne lâchant toujours pas les mains du suppôt. T'avais l'impression que tu allais t'évanouir - comment se faisait-il que ça ne soit toujours pas arrivé d'ailleurs ? Tu t'accrochais toujours à ces poings, mais tu avais comme la sensation que quelque chose cédait en toi. Tu baissas la tête, tendu par des émotions que tu pensais disparues à jamais.
- Je ne peux même pas prétendre être un des rouages de ce monde.
Monde qui flambait autour de toi sans que tu ne fasses autre chose que te préoccuper de ton sort et de te lamenter en crachant dessus.
code by EMME