Years passing by like birds
Eagle's flight of loneliness soars so high
Around its sigh, no more alone the sky
Other birds remain away, clouds pass by
Between shrouds of life and haze sun rays die
L'écran de l'ordinateur éclairait blafardement la pièce. Ses pixels se reflétaient sur tes yeux, sur les murs et la matière abîmée du canapé. Il ronronnait froidement. Seules les touches perçaient le rythme constant de sa légère vibration.

Tu avais coupé ton téléphone pour ne pas être dérangé, concentré dans tes lignes de code. Les heures défilaient, glissaient entre tes doigts pianotant. Elles n'avaient plus aucune importance... Le temps s'était figé depuis longtemps chez toi.

Ce sont tes yeux qui t'intimèrent une pause dans ton travail. Tu l'avais presque fini, par ailleurs. Tu pris une inspiration en le sauvegardant puis refermas lentement le capot de ton ordinateur. Tu massas tes paupières avec deux doigts pour finir par te pincer l'arête du nez.

Tu ressentais le besoin de sortir, et par là même une vague curiosité quant à l'heure qu'il était. Tes volets étaient fermés. Le crâne encore un peu douloureux, tu jetas un oeil à ton téléphone... avant de te rappeler qu'il était éteint.

Qu'importait l'heure au final. Tu avais besoin de marcher.
Tu restas encore quelques instants à fixer vaguement ta table basse.
Tu te passas une main dans les cheveux puis te relevas lentement. Tu enfilas ton manteau, tes chaussures, mis ton écharpe puis sortis.

C'était le crépuscule.
Tes pas t'amenèrent au parc à côté de chez toi. Cela faisait un moment que tu avais dépassé l'heure où le monde rentre du travail. À cette heure-ci, le souper est certainement déjà servi chez certaines familles. Les lumières sont chaudes dans le froid distant de Novembre.
Tu as les mains dans les poches de ton blouson, le menton enfoui dans ton écharpe crème.

Aujourd'hui, cela fait neuf ans que tu es coincé dans ta spirale. Le temps, les heures défilaient. Tu venais à peine de te rappeler de cette date qui t'était si importante quand tu étais enfant. On était le 11, aujourd'hui. Tu attendais ce onze impatiemment auparavant. Depuis neuf ans, tu t'étais mis à contempler de plus en plus ces chiffres avec le même désintérêt que les autres jours de l'année.

Le souffle que tu sortis d'entre tes lèvres se transforma en buée insaisissable.

You're losing the track.

Celle du temps, celle du fantôme meurtrier.
Tu aimerais dire comme il y a quelques mois que seul ce dernier comptait. Mais, les choses étaient en train de changer. C'était l'effet du temps qui passe. Rien ne reste toujours le même... Rien de vivant, tout du moins.
Ce qui t'amena à te poser la question : étais-tu encore ce qu'on pouvait appeler de vivant ?

Tu respirais, tu bougeais. Mais qu'est-ce qui t'habitait ?

Tu haussas mentalement les épaules à ces pensées dérangeantes et ton regard contempla vaguement les alentours.

Tu pensas au lendemain, comme cela t'arrivait rarement. Tu étais plus du genre à regarder en arrière.

Tu avais presque fini ton service à la Croix-Rouge. Tu te doutais que tes supérieurs te réservaient d'autres missions caritatives pour te maintenir occupé. Cela ne t'étonnerait pas de découvrir que c'est aussi dû par quelques mots soufflés par ta mère. Cela t'agaçait. Mais n'était-ce pas s'enfoncer un peu plus dans l'égoïsme que de demander qu'on te laisse te démerder avec tes problèmes ? La vérité, c'était que tu préférais t'enfoncer dans les deux plutôt que de lâcher l'affaire. Car même si tu as fait profil bas ces derniers temps, ta haine envers celui qui a tout détruit dans ta vie reste la même... Ta haine envers le tueur et toi-même, au final.

Quelque chose se crispa dans ta poitrine, se crispa à t'en faire mal à cette pensée. Tu te calmas après quelques respirations profondes, trouvant soutien dans les pas que tu accomplissais. Tu avais du mal à ne pas voir rouge quand tu remuais cette crasse attachée à ton passé, même après les évènements des derniers mois. Tu reposas tes yeux sur le chemin devant toi.

Demain... C'était une notion qui ne t'inspirait franchement rien.

Le soleil continuait de décliner dans le ciel. Tu étais parti pour marcher encore une bonne heure. Ou peut-être plus. Tu t'en foutais des heures à vrai dire.

Tu aimerais t'enfoncer dans des bois pour une poignée de ces heures insignifiantes. Le parc ne te suffit pas, pourtant tu t'en contenterais.

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