Ouin

is the end of our story

Mommy

Tu as rarement eu aussi peur d’un appel. Peu de choses te font peur, mais celle-ci, tu la redoutes par-dessus tout. Tiens, je t’en supplie, tiens encore un peu. Tes poings se serrent. Ta gorge se noue. Ton cœur tabasse dans ta cage thoracique. Tout va bien trop vite, tu ne t’y attendais pas. Une larme glisse sur ta joue tandis que les paysages défilent. Tu as le droit d’être faible pour l’instant. Tu as le droit de pleurer. Face à elle, tu devras être fort. Tu ne veux pas laisser place aux larmes alors qu’elle vit encore.

Ta mère. Ta maman adorée. Cet être que tu aimes par-dessus tout a fait une grosse crise. Elle a été hospitalisée. Et comme à son habitude, elle a refusé les soins. Sa maladie a avancé, voilà qu’elle est mourante. Réellement mourante. Tu es fort. Mais cette épreuve-là est des plus compliquée à affronter.

Ton train arrive en gare. Tu cours à l’extérieur. Tu n’as même pas pris d’affaires, tu es parti dès que tu l’as appris sans prévenir personne. Il faudra que tu envoies un message à Sam. Mais ce n’est vraiment pas ce à quoi tu as envie de penser pour l’instant. Tu lèves la main, un taxi s’arrête. Tu demandes l’hôpital. En quelques minutes, tu y es. Tu arpentes les couloirs, l’air sombre. Tu as senti cette odeur bien trop souvent ces derniers temps.

Tes doigts saisissent la poignée. Puis, un soupir. Tu as affronté la mort un bon nombre de fois. Celle-là est de très la plus terrifiante de toutes. Il faudrait que tu ailles voir le médecin, et tu le sais. Mais tu veux la voir avant. Tu veux te rendre compte toi-même de son état. Puis, elle sait probablement déjà tout ce qu’il a à te dire. Vous avez toujours été plus ou moins honnête l’un envers l’autre, si on oublie les jumeaux qu’elle t’a caché pendant quelques années. Mais tu ne lui en tiens pas rigueur. Encore une fois, elle ne pouvait pas vous assumer tous les trois. Et tu as été un enfant vraiment compliqué… Tu ouvres enfin cette porte, un grand sourire a balayé toutes les craintes qui habitaient ton visage jusque-là. « Franchement, celle-là, tu ne t’y attendais pas, j’ai le point ! »

Sa voix est faible. Mais ses yeux… cette force. La force de vivre. Elle s’est accrochée à la vie si longtemps, pour toi, son fils, son miracle. Tu t’assois à côté d’elle, te taisant pour l’instant, et la fixant simplement. Ton sourire disparait. Son sourire disparait. Vous vous fixez. Puis, elle grimace : « Arrête, tu me gènes. Parle. » Tu continues de la fixer. « Fils indigne. » C’est compliqué de ne pas rire. « Tortionnaire. » Elle détourne le regard, et tu daignes enfin pousser un petit cri de victoire : « Tu devrais avoir honte Jack ! » Elle te donne un petit coup sur la main, d’une faiblesse étonnante. Tu attrapes sa petite main et déposes un petit baiser sur cette dernière. Elle tremble. Ce n’est pas habituel. « Eh oh, les tremblements, c’est ma marque de fabrique normalement ! Vous allez vous dépêcher de vous reprendre en main mère ! » Son rire cristallin résonne dans la petite pièce, puis elle pointe sur toi un doigt accusateur : « Ne commence pas à m’appeler mère toi, tu sais que je déteste ça ! »

« Ne commence pas à vouloir me lâcher alors, c’est bien trop tôt, je ne suis pas prêt. »
Oui, parce que c’est bien gentil de rigoler, mais il faut peut-être aborder le sujet, un jour ou l’autre. Malgré ton grand sourire, tes yeux débordent de tristesse, de peur. Tu ne veux pas la perdre. C’est normal, Jack. C’est terrifiant de perdre ses racines. Ta mère ne cesse pas de sourire pour autant. Cette folle se fout totalement de mourir. « Mon chat… Tu sais aussi bien que moi que c’est inévitable, ça fait plusieurs années que la Faucheuse me colle à l’arrière-train… Alors faisons exactement comme ces dernières années. Je veux être moi jusqu’à la fin. D’accord ? Tu le comprends ça mon grand ? » Tu acquiesces doucement. Elle ajoute : « Alors, ils sont comment ? Dis-moi tout ! »

Tu souris. Elle a toujours pensé aux autres avant de penser à elle. Même aux portes de la mort, elle s’inquiète pour des personnes qu’elle ne connait même pas. Tu poses ta main contre sa joue dans un geste délicat, te redresse, et lui offres un baiser sur le front : « Nous en parlerons plus tard, Maman. Je dois te montrer quelque chose avant tout ça. Je veux te montrer tout ce que j’ai pu découvrir ici. En passant par les jumeaux… Je te fais sortir d’ici, et on parlera autant que tu le veux. »


Faniahh/Lala/Cyalana