L'histoire
d'un comédien fou
Son souffle qui s’accélère. Un mouvement brusque. Tout son corps se met à se mouvoir. Le silence est pesant. Il s’agite dans cet espace qui est le sien, il ne voit plus rien, plus rien d’autre que cette petite poupée qui lui fait face : son objectif. Il tourne sur lui-même, agilement, gracieusement. Il s’arrête soudainement. Son regard se braque en hauteur, comme s’il ne craignait qu’un quelconque dieu se dégage de la tempête : coup de théâtre.

Il recule, d’un pas, de deux, de trois, de quatre. Sa respiration est saccadée. Il saisit ses cheveux, ses cheveux si longs qui sont dorénavant en batailles à cause des mouvements vifs qu’il a fait. Les mouvements de son corps se font de moins en moins fluides. Soudainement, il court. Occuper l’espace. Il se frappe la tempe. Réfléchis. Réfléchis. REFLECHIS !! Le soleil est à son zénith, prêt à le dévorer. Feu ardent. Chaleur presque insupportable. Tu tombes à la renverse, te relèves rapidement. Danse mal habile. Souffle frénétique. Regard perdu. Larme. Elle roule sur ta joue. Ce soleil, ce soleil. Il l’obsède. Il lui pèse, réduit en cendres le peu qu’il lui reste de raison.



« Appolon, de grâce, ayez pitié, mon humanité est ma plus grande erreur : je ne voulais point vous offusquer. Ce n’est pas juste ! » —Un nouveau pas en arrière. Il regarde à droite. A gauche. Il lui semble voir un serpent pointer le bout de son nez : est-ce là le châtiment qui lui est réservé ? Sentir le poison envahir ses veines doucement ? Une mort lente, douloureuse, sous les rayons de ce soleil. Cela manque d’originalité. Il recule. Encore une fois. Un pas. Deux. Ses mains tremblent, puis c’est son corps entier qui semble dévorer par cette folie aussi douce qu’enivrante.

Délire. Non. Il n’y a ni serpent, ni Appolon. Personne, si ce n’est lui. Lui et ces quelques instants de perdition.

Et là, c’est toi qui t’arrête. Trou noir. Tu relèves tes yeux vers ces projecteurs que tu as assimilé pendant tout ce temps au soleil. D’une voix ferme, tu demandes à ce qu’on les éteigne, puis tu te couches sur ce plancher de la scène. Lila sort de l’ombre, vient s’asseoir en tailleux à côté de toi :

« Trou de mémoire ? Encore ? »

Tu tournes les yeux vers elle :

« Il semblerait que ce soit de plus en plus fréquent en ce moment Helios. Tout va bien avec Sélène ? » — Lorsqu’elle prononce le nom de ta douce, un petit sourire étire tes lèvres :

« Oui. Tout va très bien, ne t’en fais pas… Je ne sais pas, je trouve simplement que cette fin ne correspond pas au personnage. Et ça me bloque… J’ai l’impression de jouer quelqu’un d’autre pendant cet instant, et je n’arrive pas à aller plus loin. Tu comprends ? »  

« Helios, si tu veux la thune, va falloir y arriver mon gars. »



« Je sais… » Un soupir. Tu te redresses :

« Ok. On y retourne. »

Les projecteurs se rallument, tu reprends une grande inspiration.

Son souffle qui s’accélère. Un mouvement brusque. Une sensation de déjà vu, rapidement balayé par le jeu : Helios n’existe plus.  

{}Première fois que
tu as peur du soleil
cactus