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" Titre RP "






🐦 Solo 🐦




Luke donnait des coups, s'acharnait, bondissait, comme s'il eut été entouré d'ennemis invisibles. Sa sueur dégoulinait comme s'il en pleuvait, et son corps bouillait, après des heures d'entraînement intense. Son regard était féroce ; il n'était pas difficile de mettre des visages à ses adversaires, piochant dans sa grande réserve d'ennemis. Alors il frappait, poings, pieds, coudes, genoux, il enchaînait, droite gauche, bas, haut, revers, il vidait son esprit, l'affûtait, l'acérait, dégageait les émotions inutiles.

Les dégager...
Il était fébrile, beaucoup trop à son goût ces derniers temps.
Droite, droite, gauche, gauche.
Ses émotions, beaucoup trop fortes, beaucoup trop épuisantes.
Kick, crochet, crochet, kick.
Il ressentait le besoin de se renforcer, de faire face à lui-même.
Salto avant, pied renversé, salto arrière, pied redressé.

Grognements de douleur à chaque coup cognant l'air en un bruit de fouet de cuir.
Chorégraphie martiale entrecoupée d'exercices de renforcement musculaire et de cardio.

Ce lieu, cette forêt, ils y allaient souvent pour qu'il s'entraîne. Son père et lui. C'était leur coin. Ils avaient repéré un endroit que les touristes et la grande majorité des personnes ne connaissent pas, et c'était devenu leur repaire.
Le nombre de conneries qu'ils avaient pu faire en dehors des entraînements. Toutes les aventures riches en adrénaline et éclats de rire.
Son père...

Des nuages gris étouffaient le bleu du ciel, au-dessus du couvert des arbres.

...

C'était le seul endroit, le seul moment où il pouvait tout relâcher. Tout relâcher sans que ça n'explose de partout, ou, même, tout simplement n'implose.
Dès qu'il s'arrêta de gesticuler méthodiquement, il sentit monter la vague. La vague. Celle qu'on ne retient pas, celle qu'on ne peut retenir. Celle qui déborde.
Ça dégoulinait, ça coulait, avec la douceur d'une rivière et la puissance d'un torrent. C'était sucré de nostalgie, salé de souffrance, et amer de ce vide qui lui rongeait le cœur depuis tellement longtemps  – beaucoup trop de temps. Ce fardeau, qu'il portait depuis près de dix ans. À quoi tout cela rime ?





Pff, Aigle Pourfendeur, tu parles... Pourfendeur de mon cul oui.   , soufflait-il difficilement, pris dans l'essor du désespoir et de la honte.






La peine n'avait-t-elle donc pas de fin ? Sa peine ? Pourquoi ? Pourquoi ne s'atténuait-elle pas après tout ce temps ? Après toutes ses actions ? Pourquoi ? N'est-ce pas à ça que sert le temps qui passe, qui défile, qui marque les rides sur les visages, qui détruit les paysages ? Ou ne servait-il qu'à alimenter sans cesse cette rage qui le détruisait aussi efficacement qu'un bûcher infâme ?
Il se mit à genou, près d'un arbre, se tenant le cœur, ce cœur si agité, si maltraité.
Ces larmes lui brûlaient le visage comme si elles avaient macéré pendant tout ce temps où elles avaient été contenues.




...







Sentant le besoin irrépressible d'une présence, il enserra l'arbre dans ses bras et se mit à pleurer comme s'il s'agissait d'une épaule amicale. Il se libérait. C'est comme si des chaînes retenaient ses ailes depuis toutes ces années, des chaînes qui lui meurtrissaient les plumes et qui avaient manqué de faire pourrir ses rémiges.




Dieu ...







C'est tellement dur, d'être incarné, quand on subit une telle douleur pendant une si longue durée... Si seulement il pouvait percevoir la présence de l'âme de son père. Mais, il n'y en a pas une trace. Ce n'est pas manque d'avoir cherché, de lui avoir demandé de se manifester, de le rassurer comme il savait si bien le faire quand il était là.
Mais il n'était plus là.
Il n'était plus là... et à jamais.
God, ça faisait tellement mal, toujours aussi mal.




... ne me laisse pas sombrer. Pitié.







Il étouffa un sanglot alors qu'il resserrait son étreinte autour de l'arbre, qui semblait pencher ses branches avec compassion sous l'action du vent. Le chant de ses feuilles chatouillait les oreilles de l'ange perdu, de cet enfant confus et si seul.
Seul...

Il ne s'était jamais permis aucun relâchement. Jamais. Il avait pris sur lui, se refermant dans sa coque, n'acceptant pas ces fissures qui parfois apparaissaient juste sous ses yeux. Il les refoulait, faisait mine de ne pas les voir, confiant en ce que l'avenir lui promettait : la vengeance. Cette vengeance qui rejoignait sa mission angélique de détruire les démons. Cette vengeance qui était censée les libérer, cette planète et lui.
Sauf qu'il avait l'impression que rien ne changeait.

Il commençait à croire qu'il ne s'agissait que de foutaises.


Des fois, les barrages se brisent sous les assauts des tempêtes.

Ses soupirs étaient agités, il fermait les paupières, silencieux, n'arrivant plus à arrêter cette fuite minérale qui mouillait incessamment ses yeux.

Dix ans...

Il eut un petit rire jaune.
Cette carapace n'avait pas tenu longtemps avant de se fissurer, avant d'éclater. Comment allait-il la recoller, maintenant ?

« À ce qu'il paraît, l'accident a été manigancé par les Bones »

...
Luke frappa du poing cet arbre qui l'avait accueilli avec tant de quiétude, ressentant encore cette insupportable fièvre qui agit comme un ulcère, cette colère qu'il tolère. Tolérait.
Le choc vibra dans toute la splendide structure du végétal, et un couple d'oiseaux s'envola en couinant férocement d'inquiétude. Un mouvement vers le haut du même arbre attira les yeux brouillés de Luke. Qui s'écarquillèrent.

Un nid était en train de tomber, comportant quatre œufs proches d'éclore au vu de la saison.
Il pouvait voir cette course au ralenti malgré sa vision éprouvée par les larmes. Ils tombaient, ils tombaient, ils tombaient... et il chutait.

Ses bras se tendirent d'eux-mêmes, dernier rempart avant la collision avec le sol.

Non.


Il se jeta au sol, acceptant l'impact qui secoua sa poitrine, les paumes vers les cieux, les yeux déterminés et pleins d'espoir, levés vers le ciel assombri par ce nid qui tombait.
Il les ferma.

Non.

Piqûre des brindilles sur sa peau.
Rouvrit lentement un œil, visage encore rougi par ravages intérieurs.
Soulagement soupiré.

Non.

Il se releva précautionneusement, comme s'il tenait la chose la plus précieuse et fragile au monde – ce qui n'était pas faux, en soi – maîtrisant les tremblements de ses muscles exténués par son entraînement de plus tôt.

Il se dressa, s'éleva sur la pointe des pieds, et déposa avec la plus grande des délicatesses cette nouvelle et future génération d'oiseaux, prenant garde à ce que le nid soit installé de façon stable.
Quatre petits œufs.

Non.

Peut-être s'était-il trompé. Peut-être que l'oisillon était sorti trop tôt du nid, de ce nid rassurant, réconfortant, de cette maison si chaleureuse. Sa maison. Sa famille.

Non.
Il chutait, oui. Il chutait de la falaise.
Mais ce n'était que pour mieux prendre son envol.


Des rayons de soleil percèrent les nuages, et traversèrent avec douceur la verte toison de l'arbre pour déposer des taches de lumière sur les œufs, dont les parents étaient revenus, rassurés. L'amour de ces parents était palpable, moelleux, vibrant, intense.
Inaltérable.



Le Père, le Fils, et beaucoup d'esprit ⌖ Solo Nid10






Inaltérable.




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