Greenfield Liam ⁍ Bubblegum bitch

Chuis né vers les années deux milles. Pas trop sûr de la date ni même du jour étant donné que j'ai jamais connu autre chose qu'un orphelinat sordide. Pour commencer du moins. Eh, j'allais tout de même pas rester dans ce trou à rat jusqu'à la fin de ma vie. D'ailleurs, plus vite je me barrais et plus vite ça arrangeait les nonnes en fait. Si j'étais pas passé par cet endroit, je n'aurais jamais cru que des personnes aussi coincées existaient ! Bon, certes, j'ai fait pas mal de conneries, tiré les cheveux des autres gamins, pissé dans un coin de la salle d'études, pillé le garde-manger pendant la nuit (j'avais faim moi !), volé les doudous de mes copains, échangé la pâte à dent avec du lait concentré (diabète assuré), cassé trois chaises à force de me balancer dessus, tapé sur les fesses de la direct- .....
Ouais, j'en ai fait, des conneries. C'était le bon vieux temps ! Nan, je déconne. Je serais mort soit d'ennui soit étranglé par une des sœurs si j'étais resté un jour de plus là-bas.

Mais heureusement, il y eut mon sauveur ! Ma sauveuse. Une putain de badass à l'air ténébreux. Pas besoin de prince et de cheval blanc ; j'avais la motarde et sa Honda orange.
Elle a débarqué un jour avec ses lunettes de soleil, l'air dur et droit au but. J'étais en train de martyriser un des abrutis qui traînaient dans l'orphelinat et j'avais même failli finir avec une touffe de cheveux dans la main. En fait, si, j'avais fini avec une petite tresse. La sœur avait déboulé avec la visiteuse dans le couloir au même moment, comptant l'emmener dans le bureau pour discuter de ce qui serait très certainement des procédures d'adoption. Alors que la bigote me regardait avec un air affligé et honteux, j'ai regardé droit dans les yeux la nana et je lui ai fait un très, très, très grand sourire.
Je lui ai fait un coucou de la main tenant la tresse. L'air de dire "Salut, t'es sûre que tu veux t'encombrer d'un môme, pouffiasse ?"

Ou peut-être qu'au final je ne faisais que cacher mon désespoir de ne jamais pouvoir me barrer d'ici avec un caractère aussi merdique que le mien. Maintenant que j'y repense, mon côté exécrable de l'époque était peut-être dû à la jalousie de voir les autres se barrer avant moi.
Qui voudrait d'un petit chinetoque même pas foutu de parler sa propre langue après tout. C'était comme en animalerie : les petits blancs disparaissaient toujours en premier. Haa, quelle tragédie.
Tu me diras, j'aurais pas aimé finir dans une petite famille de cathos toute propre. Nan.

Je me souviendrai toujours de ce moment où, alors que la petite sœur essayait de tirer la nana loin de ma scène de crime vers le bureau, cette dernière avait planté ses pieds sur place en me scrutant de son regard perçant. Elle avait même baissé un peu ses lunettes de soleil pour mieux m'analyser, ignorant totalement la potiche qui était devenue rouge d'embarras à côté. Ça s'était passé assez rapidement.

- Pas la peine de faire le tour.

Son index pointa une direction, résolu.

- C'est lui que je prends.

. . .

Vous avez connu ce genre de moments ou ni toi ni ceux qui t'entourent êtes sûrs que c'est bien de toi dont il est question ?
C'était exactement ça à cet instant.
La sœur bredouilla.

- V-vous... Vous êtes sûre ?

Elle s'était lentement tournée vers la bigote et avait baissé ses lunettes de soleil pour planter ses yeux dans les tréfonds du sien, durement.

- J'ai une tête à faire des décisions en l'air ? Ne me faites pas me répéter.

Elle avait alors retourné son regard vers moi, replaçant ses lunettes tellement classes.

- Toi là. Oui, l'asiat'. C'est quoi ton nom ?

Je devais avoir l'air un peu éberlué sur le coup. Non, je ne m'attendais pas à ça.

- T'es sourd ??
- J'm'appelle Liam m'dame.

Je m'étais redressé et avais libéré de mon poids le chiard que j'étais en train de tabasser quelques instants plus tôt.
Mon air était très certainement abruti à souhait, mais pas plus que celui des témoins de la scène.

- Dorénavant, tu t'appelleras Liam Greenfield. Suis-moi.

Et c'est ainsi que je sortis de prison, vécus une vie libre et heureuse, fin de l'histoire et salut les cons !
Quoi, comment ça vous ne me croyez pas ?

Ouais, bon, d'accord, ça ne s'arrête pas là. La nana badass, Caris Greenfield, c'était une Bones. Mais dans le genre bien vénèr' tu vois ? Le genre que t'as encore moins envie de faire chier qu'un Bones random. Elle m'a appris à encore mieux casser des gueules et m'a même cassé la mienne à l'occasion quand je jouais trop au con. Et j'savais déjà faire de la moto à quatorze ans grâce à elle !
Et l'école dans tout ça ?... Bwaarf, c'est pour les baltringues ça non ? Je sais lire et faire les calculs de base, qu'on m'fasse pas chier.

Le maquillage et la mode, c'est beaucoup plus intéressant. Non mais qui aurait cru que la façon dont l'on s'habille vectorise aussi fortement la façon dont les autres nous perçoivent ?? Quelques mèches en rab, de la paillette, de l'eye-liner et des faux boobs et boom, on te prend pour sexy woman. Ma "daronne" était assez pote avec un gars qui gère un cabaret où défilent drag-queens et drag-kings, alors je me suis plongé assez jeune dans cet univers de fifou. Sérieusement, c'est totally ma came. D'ailleurs, parce que j'ai arrêté à seize ans les cours et que je ne voyais pas l'utilité d'avoir ma Prom, c'est vers ce métier que je me suis tourné.

Vers ce métier, et vers celui de garde du corps ! Hé ! Vous pensez que le surnom de Bruce Lee n'est qu'une mauvaise blague raciste ? Bon, ça l'est. Surtout que je connais aucun art martial moi, juste faire la brutasse furax. Mais c'est suffisant pour défoncer en deux-deux ceux qui cherchent des noises aux Bones.

Quoique je comprends pas trop pourquoi ils prennent un humain avec eux quand ils ont des démons super-puissants dans leurs rangs. Sérieusement, je vaux quoi face à un ange décidé à tous nous tuer ? Quoiqu'en général, les tarés sont plutôt de notre côté.
C'est en écoutant des conversations que je n'aurais pas dû surprendre et en fouillant dans la vie privée de ma daronne que j'ai découvert le pot-aux-roses. Parce que, figurez-vous : Caris, c'est une démone elle aussi. Je l'ai su un peu après mes treize ans.
D'ailleurs elle a vite capiche que je savais, la nana. J'ai juré que j'dirais rien ni à quiconque ni à personne. J'avais intérêt : soit je finissais dans les égouts en état de décomposition, soit je retournais à l'orphelinat avec un esprit pas dans un meilleur état. Ouais non, les Bones, c'est bien tout compte fait. Ils me laissent vivre ma vie et je les laisse vivre la leur ; easy frère.

Et sinon, non pas que ça me dérange de parler de moi, mais et si vous me parliez de vous ? Vous voulez tâter de mes poings, me reluquer ou vous taper des barres pendant des heures ? I'm your human.
Ah et, pas touche à mon âme. La poisse, c'est pour les perdants, nah !