Alerte au chat - Aël

Quand nous avons reçu le coup de fil de quelqu'un de West Fort William signalant un chat coincé sur un toit, la patte entre deux gouttières, nous avons été très réactifs et avons sorti le camion. Les sauvetages animaliers faisaient partie du métier après tout. Quand l'animal est en danger, c'est à nous de l'en sortir.

Comme il s'agit du quartier le plus proche de la caserne, nous y fumes en un rien de temps. Un jeune homme aux cheveux blancs se trouvait à l'endroit indiqué, probablement l'humain de ce chat. Je me dirige vers lui.

- Bonjour, c'est bien vous qui avez appelé pour le chat coincé ?

Je regarde les toits alentours.

- C'est lequel ?

En d'autres occasions, j'aurais certainement souri sous la pelletée d'insultes. Mais j'avais assez l'expérience pour savoir qu'il ne s'agissait que de l'expression de son anxiété pour sa boule de poils.
Je suis son doigt du regard pour tomber sur la "patate grise". Je réfléchis, analysant l'environnement. J'avais un autre collègue avec moi. Il allait falloir mettre le camion là pour déplier l'échelle. Je secoue légèrement la tête.

- Ne vous inquiétez pas, nous allons faire attention.

Je n'avais pas peur de me faire griffer les bras ou la face. Je pose une main qui se veut rassurante sur son épaule en m'avançant vers mon collègue.

- Mets le camion là, je me charge d'aller le chercher.

Je resserre mon catogan pendant que le camion fait ses manœuvres et que l'échelle se déplie. Tout est fait tranquillement pour ne pas faire d'erreurs, mais avec efficacité. Je profite d'un instant pour glisser une œillade sur le jeune homme désemparé.

- C'est la première fois que ça vous arrive j'imagine ?

Essayer de le rassurer en attendant. Mais il devait bien sentir dans nos gestes que nous avions l'habitude d'opérer et qu'a priori son chat était entre de bonnes mains. Pas aussi bonnes que celles de son humain j'imagine.

Je pose un regard calme sur son faciès.

Tiens, je n'avais même pas remarqué ses yeux rouges. C'est particulier. Je lui souris tranquillement.

- Ne vous inquiétez pas monsieur. Votre chat est... ou plutôt sera bientôt entre de bonnes mains. Ce sont des choses qui arrivent. Vous avez bien fait de nous appeler. Cela aurait été dommage de devoir en plus vous transporter jusqu'aux urgences. Certaines personnes préfèrent parfois faire par elles-mêmes, se mettant inutilement en danger.

Le dispositif est terminé d'être installé. Le chat continue de miauler à la mort. Je fais un léger clin d'œil au jeune homme, toujours dans l'optique de l'apaiser, puis me dirige vers l'échelle. Mon visage reprend son sérieux.

J'avançai tranquillement, concentré. Quand je fus assez proche du chat, je me mis à lui parler à voix basse et douce pour ne pas qu'il soit trop paniqué par ma présence. J'y allais petit bout par petit bout.

Je me bénis malgré tout d'avoir pris mes gants avec moi. Le chat ne chercha pas à fuir, mais comme m'avait prévenu son humain, ses griffes traversèrent le tissu de mon uniforme. Il avait le poil gonflé et tremblait un peu. Heureusement, il ne semblait pas s'être tordu la patte dans la gouttière.
L'échelle descendit tranquillement jusqu'à me ramener à terre avec le chat dans mes bras. J'adressai un sourire au jeune homme.

- Le voici, en un seul morceau.

Mon sourire tourna un peu en grimace parce que les griffes du félin s'enfoncèrent un peu plus encore dans mon vêtement, touchant ma peau.

- Je crois qu'on va avoir du mal à le décrocher de moi par contre, c'est une vraie boule de bardane.

J'entendis Pierre rigoler en voyant le chat se faire décrocher de moi littéralement griffe après griffe.

- Hé, tu rigolerais moins si on te prenait pour une branche d'arbre.

Je souris légèrement moi-même en voyant la bardane changer d'épaule dans un juron.

- Il s'appelle comment ?

Habitués que nous étions, le matériel était déjà rangé. Nous allons retourner en direction de la caserne dans quelques instants mais je l'avoue, j'aimais bien ces scènes de réunion entre humain et animal. C'était touchant.
Aussi, c'est l'un des cas les plus simples que nous ayons eu à traiter sur le sujet. Une fois, le chat s'est barré trois toits plus loin. C'était d'une galère pour le sortir de là...

Je secoue légèrement la tête. Je trouve ça plutôt mignon. Puis le jeune homme repart. J'ai un petit pouffement et un vague haussement des épaules.

- Merci, à vous aussi.

C'est vrai que ça brûlait pas mal. J'allais mettre un bon coup de désinfectant dès que je le pourrai. Je me tourne vers mon collègue et lui lance :

- C'est bon Pierre, on peut redécoller !

Le reste du dimanche se passa sans urgences à régler.