Carmichael Jane - Poulet pas trop grillé

Des vies, j’en ai vécu en toutes ces années sur terre. Je me souviens vaguement de ma première vie. Une vie de misère dans un coin d’Angleterre miséreuse. Pas eu le temps de savoir beaucoup plus que de tenter de survivre malgré cette période si prompte au changement. Une maladie est passée par là et mon corps. Ce corps qui se battait contre la maladie. Une maladie qui me rongeait de l’intérieur tels des rats, comique quand on sait qu’ils sont les premiers transmetteurs, emportant ma force, mon esprit. Pourtant, j’ai voulu m’en sortir. Mon côté angélique se battait contre quelque chose de fort. Mes pouvoirs s’épuisaient, je suis partie si vite. Trop vite. Incapable de lutter contre ce qui était inévitable. La peste. Même avec aidé par les humains et leurs inventions. Il serait certain que cette lutte, je la perdais. Il ne me restait qu’à lutter avec cette force. Cette volonté de voir son monde changer. Juste changer. 

Puis quand j’ai ouvert mes yeux après une nuit, le monde était redevenu flou. J’étais morte une fois. Ça me laissait un goût un peu amer. Cette maladie n’était plus. Et ma situation était bien meilleure que celle d’avant. Ce n’était pas très compliqué, il faut dire. De la miséreuse avec peu souvenir de ses parents, me voici avec des parents commerçants. Des commerçants. Mieux que rien. Mais ce n'est pas mon kiff. J’ai essayé. Tu sais, être à la hauteur, faire mon commerce, mais je suis trop gentille. Être la femme au foyer parfaite pour un mari aimant. Mais je n’aime pas voir que les inégalités si vicieuses. L’humain aime s’y complaire. Si je n’ai pas compris lors de ma première vie mon attribution. Celle-ci est d’une évidence. La Justice. Ça me va. J’aimerais lutter pour ce monde. Lui montrer que des choses belles se trouve si proches. Une fleur, un chien, un papillon. Pas qu’on frappe une femme sous prétexte qu’on est censé être faible. La faiblesse… Le patriarcat… Je défie tout homme d’avoir des enfants. Je l’ai toujours vu de façon extérieure. Tout ça parce que le tuyau qui pend ou la feuille de salade, ça ne m'attire pas de base. Juste que je n'aime pas. Mère disait souvent que c’était normal. Que ça faisait partie de ma nature. Je n'étais souvent pas bien vu. Mais je l’ai aimé cet homme. Ce gars qui voyait en moi plus que la commerçante. Pourtant, quand je sentais l’âge avancer. Plus ma faiblesse grandissait. Cette faiblesse que même mes dons ne pouvaient stopper. J’aurais voulu partir avec lui. Lui sourire juste une dernière fois. Juste une fois de plus. Je m’endors…

Toujours ce monde flou, des vagues souvenirs me restent de cette vie. Je me souviens de choses brèves. De ce chien que j’avais réussi à avoir en insistant auprès de mon père. De ces années où j’ai été si seule, puis il y a eu cette fille. Une voisine qui adorait ce chien. Une brave bête qui m’a soutenu lors de cette vie. Face à des parents absents. Je ne sais pas si devait leur en vouloir ou non. Je m’en souviens. Il reste juste en mémoire ses heures avec le chien, cette fille, son sourire. Son rire qui zèbre le ciel. Cette vie est partie si lentement, alors que mon sang nourrissait le sol. Les flammes bouffant le reste de mon corps. Même avec mes capacités, lutter ne servait à rien. Je me suis juste laissé partir. 

Je me souviens bien clairement de celle-ci. Mes parents étaient aimants, présent cette fois. Mais je me suis pris d’affection pour les plus jeunes. Ne voyez rien de pervers. Mais les aider semblait être quelque chose qui me plaisait. Je me voyais déjà à cette époque institutrice pour les petits comme les grands. Ce contact social m’avait manqué lors de la vie précédente. Je l’avais en me consacrant au plus jeune. Ces jeunes qui parfois avaient bien moins de chance que moi. Je suis un ange et les humains sont parfois si fragiles. Je ne peux pas dire si j’ai croisé des jeunes démons. Peu veulent s’embarrasser de ces moments. De cette innocence. De cette beauté qu’était une jeune vie. C’était peut-être cela qui peut leur faire peur. Je ne suis pas à leur place. Si je retiens si fort cette vie en contact avec les plus jeunes. C’est à cause de cet enfant. Je pense qu’il a laissé pour toujours une marque. 

Marque indélébile. Celle de son décès. C’était un jour comme un autre. J’étais devenue travailleuse sociale pour une ville d’Angleterre, dans un orphelinat et lieu de loisirs pour ceux qui veulent. Si certaines de mes collègues pouvaient être encore plus vaches que certains démons. J’aurai pu parier sur qui était un vrai ou était juste un humain avec un caractère détestable à mes yeux. Je ne pouvais pas m’empêcher de m’inquiéter pour cet enfant. Cet enfant qui avait été frappé, enfermé, puis blessé par un père alcoolique. L’alcool, bien que j’apprécie parfois sa danse. Je l’ai jamais autant détesté que dans cette vie. Je ne pouvais pas retirer la garde de cet enfant. Tout ça parce que l’argent qu’il avait le protégeait. Je travaillais pour ce gouvernement pourri jusqu’à la moelle. Je me battais au côté de certains révolutionnaires. Je pense que je n’abandonnerai pas de sitôt. J’ai travaillé encore à cet endroit avec des mauvaises comme des bonnes histoires. L’orphelinat avait sûrement eu quelques anges. Sûrement, mais mes souvenirs sont flous. Comme cette nouvelle vie après des années qui s’éteint. 

Marquée par cette vie, je pense que j’ai jamais été aussi proche des jeunes. Bien sûr, j’ai vécu encore une vie, celle où j’ai croisé mes semblables, cachés. Mais aussi les démons. Bien sûr, j’aurai pu leur en vouloir. Être leur opposé, mais seulement être moi. Malgré ma force. Malgré mon caractère, je ne pouvais pas être comme certains attendaient. J’ai dû décevoir ces jeunes dans cette vie. Si proches des jeunes que j’ai traîné dans les rues. Croisant la misère à nouveau. Un souvenir de ma première vie m’a appris à me battre. Continuer à avancer. Cette volonté. J’aurai pu la mettre autre part. Mais les humains malgré leurs défauts étaient adorables. Puis si je pouvais laisser ces enfants s’éteindre stupidement, je le ferais. Bien sûr, j’étais prise pour une sorcière. Parce que j’étais forte. Une femme ne devait pas être forte. Je l'ai regardé, j’ai souri. Je ne pouvais pas leur vouloir. Mais même noyée, je sais qu’il y a des gens bien. 

Encore une vie, encore un moment où le monde changeait. Je me souviens de la fumée épaisse qui s’échappe de longues cheminée. De ce travail dans une usine où j’étais. Travaillant à la chaîne. Rejoignant des jeunes enfants. J’en étais une. Si jeune, à peine adolescente. Cette robe qui grattait. Je n’ai jamais compris pourquoi c’était comme ça. On ne pouvait pas avoir plus de droits ? Juste un peu. Avais-je le droit à la parole où cette fois encore, j’allais finir au bûcher ? Finir au bras d’un mari qui finirait par exploser dans une mine de charbon. Si proche et si loin des jeunes. Proche des humains. Je n'en étais pas une. Même si je ne montrais pas. J’aidais ces femmes qui souffraient. Le poison dans l’air les rongeait. Même avec tout mon pouvoir, je ne pense pas vivre aussi vieille que la dernière fois.

C’est dans cette vie que j’ai traversée la mer, dans un bateau. Pas en première classe. Je m’en fichais. Je voulais voir cette terre pleine de promesse. Cet el dorado tant promis. Je voulais aussi montrer aux gens que le monde avait besoin de ces jeunes gens. Mais aussi de moi. Me mettre en avant s’il fallait sauf que le monde politique ne correspondait pas. J’ai essayé. Mais je me suis cassé les dents. J’ai fini quelque part en Amérique. Servir des gens. Une nouvelle sorte d’esclavage. Moderne. Mais s’en était. Mais je n’avais encore aucun poids. Cette traversée n’avait pas changé la place de la femme. Cette place à laquelle j’étais. Un jour, peut-être, je renaîtrais en homme. Ou pas. En voyant comment certains hommes se comportent, j’aime bien être une femme. Malgré les inconvénients. 

Une nouvelle vie, pas besoin de traverser la mer à nouveau. J’étais né ici. Dans ce monde qui bouge lentement. Au moins, j’avais évité les grandes guerres. Je pense que je n’aurai pas supporté de vivre cet enfer sur terre. Même si je sais que je serai battu bec et ongles pour protéger le plus de monde. Ces jeunes gens qui se tuent pour des idéologies. Un retour à la haine primitive. Cette colère qui parfois empoissonnait les meilleurs humains. Peut-être que j’avais regardé la première. Mais la deuxième, j’en tendais juste parlé par les journaux. Quelques pièces pour le lire. Ni riche, ni vraiment pauvre. J’étais une personne presque normale. Presque. Je ne le serai jamais en vérité. Je me faisais une raison.

Je vais parler de cette vie, celle que j’ai commencée il y a des années. Bien sûr, je suis aux états-unis. Bien que je suis né là. Une part de moi restera dans cette Angleterre ou Irlande. Je ne sais pas où je suis morte lors de ma première vie. Ça me donnait une excuse pour trainer dans les bars quand j’étais adolescente. Mais je pense que le métier de policier m’es tombé dessus. Bien sûr, je ne pouvais pas refuser. Mais c’est là que je me rendais compter que la plupart des miens migraient au nord. Le froid ne m’avait jamais fait peur. Cette crainte de la température. Je lui faisais face, si pour ça, je dois repartir de zéro. Je le ferai. Après le départ d’une collègue, plus rien ne me retenait. Elle avait été là. Se battant comme une lionne. Pas angélique, mais si gentille. Avec un amour pour les âmes les plus perdues. Mais mon choix de partir dans le nord plus assuré depuis qu’elle est partie. Ne laissant aucune trace. Aucune, même en suppliant le chef, aucune réponse. Rien. Me voici au Canada. Le pays du sirop d’érable. Qui sont très bon sur des pancakes. Je suis déjà adulte, la trentaine. Mais je n’ai pas froid aux yeux. Régulariser ma situation, aucun souci. Je serai une habitante de ce pays. Il avait cette bonté qui me correspondait tant. Un pays de cœur. Celui que j’avais fini par adopté. Bien sûr, je croisais des anciennes têtes, mais des nouvelles. Comme Luke, fils de ce garçon que j’ai rencontré il y a quelques vies. Je ne sais plus combien précisément. Et cette fouineuse qui était trop proche du commissariat. Pourtant, je ne pouvais pas lui en vouloir, elle est adorable. Petite princesse. La mienne malgré elle. Adorable. Les Eagles ? Ce n’était pas pour moi. La police était bien. Puis défourager les démons, alors qu’il y avait les humains au milieu, c’était un peu irresponsable. Je ne pouvais pas les laisser. Car sans moi, peut-être qu’ils seront perdus. Ou simplement se dévierait du droit chemin. Je ne suis pas toute-puissante, mais chaque goutte dans cet océan pouvait tout changer. Comme des dominos qui s’enchaînaient.