Hellborn Brian ¤ They speak strangely, but i understand

Maman. Papa. Deux êtres si différents, mais qui se complètent si bien. Tu sais que quand ils se sont rencontrés, ils se sont détestés. Elle, elle le trouvait lourd. Lourd, inintéressant, et qu’est-ce que ses grosses lunettes ne lui allaient pas. Elle les détestait, ses grosses lunettes rondes qui lui faisait des loupes ! Lui, il l’aimait déjà. Il a flashé sur elle, lors de cette colonie dont ils étaient tous les deux animateurs. Elle était si belle. Il a eu envie de la dessiner. Il a eu envie de lui composer des musiques. Il a eu envie de la marier, de faire d’elle la femme la plus heureuse du monde, de lui offrir la vie dont elle a toujours rêvé. Lui, il ne l’a jamais regardé avec un seul soupçon de haine. De colère. De mauvais sentiments. Il ne lui a toujours voulu que du bien. Oui. Il l’a aimé depuis le premier regard, et lorsqu’elle lui a adressé la parole de manière sincère pour la première fois en haut de cette petite colline, sous le ciel étoilé, alors il a su que c'était elle. C’était inexplicable. Plusieurs fois, il a cru que son cœur allait le lâcher.

Sous ce sublime ciel étoilé, ils se sont embrassés pour la première fois. Puis, ils ont dû se séparer pendant quelques temps, parce que Sylvain (son père) a dû partir à l’armée. Mais il lui a écrit, oh oui, tellement de lettres ! Ils ont beaucoup correspondu. Enormément. Lui rajoutait quelques dessins, elle ses plus belles lignes de poésie. Même artistiquement parlant, ils se complètent. Et lorsqu’il est revenu, il lui a offert ce qu’il lui a tant promis à travers ses lignes. Une vie heureuse. Un mariage. Et le 23 octobre 1997, un enfant. Toi, Brian. Leur trésor. La prunelle de leurs yeux. Ils t’ont tout de suite donné un amour sans fin, incommensurable. Et toi, tu as grandi en les voyant s’aimer plus que tout. Et vous les verriez chevaucher tous les deux ! C’est la plus belle des danses.

Enfant, tu les regardais avec des étoiles dans les yeux. Parfois, tu les suivais avec ton petit poney, et vous dansiez à trois. Et tu riais, si fort ! Et eux aussi ! Oui, tu étais heureux. Et tu as eu la plus belle des éducations : jamais ils n’ont élevé la voix sur toi, et encore moins la main. Ils t’expliquaient calmement les raisons de leur colère, et toi, tu faisais tout pour que tout ça ne recommence jamais. Parce que décevoir tes parents serait la pire des punitions. Et tu crois qu’au fond, c’est pour ça que tu leur as caché ce que t’a fait subir le meilleur ami de ton père. Par peur de décevoir. Depuis tes 8 ans, tu subis des abus sexuels de ce monstre. Et c’est à partir de ces 8 ans que tes parents ont petit à petit senti leur garçon s’éteindre.

Sauf dans le refuge ! Oui, parce que le refuge dont tu parles tant à tes proches, c’est celui de tes parents. Tu baignes là-dedans depuis gamin, et ton premier rapace, tu l’as tenu dans tes mains à quoi, 4 ans ?  C’était une petite buse, tu t’en souviens très bien ! Elle ne pouvait plus voler. Et ça, c’était un peu triste. Mais ta famille et toi avez tout faire pour lui offrir une vie de rêve malgré tout. (Puis, faut pas le dire, mais parfois, tu volais quelques bouts de viande pour aller lui apporter dans le dos de tes parents.) Un peu plus tard, une petite pie venait régulièrement te rendre visite. Tu ne sais pas trop pourquoi, mais tu aimais te confier à cette petite pie. Puis, tu t’y sentais particulièrement attachée. Mais d’un jour à l’autre, elle a disparu.

Oui. Hormis le meilleur ami de ton père, tu as vécu une enfance de rêve, entouré d’animaux, d’amour, de rire, et de blague de merde (ouais parce que les blagues de ton père sont du genre : tire sur mon doigt. Prout.)

C’est lorsque tu es entré dans le monde des grands que tu as réalisé que le monde n’était pas aussi rose. Autour de toi, les adolescents se disputaient pour des filles. Toi, tu semblais les attirer. Mais… Non, strictement aucun intérêt. Et tu n’avais pas spécialement d’amis. Tu restais dans ton coin, à lire des grosses encyclopédies sur les oiseaux, ou à dessiner l’ossature exacte d’un rapace de tête. Tu t’es exclu volontairement, et au lieu de te laisser dans ton coin, tes camarades ont décidé de t’enfoncer. Encore et encore.

Mais franchement ? Tu ne ressentais rien à ce sujet-là. Les abus continuaient à côté, et même ça, c’était devenu le cadet de tes soucis. Non, ce qui t’importait le plus entre tes 11 ans et tes 15 ans, c’était Nix. Nix, c’était une femelle vautour que tu as retrouvé prise dans un piège en revenant de l’école par un chemin un peu broussailleux. Tu t’es alors baissé, et elle, elle s’est débattue. Et lorsque tu l’as pris, c’était pire que tu ne le pensais. La bichette s’était fait torturer, il semblerait que des humains s’étaient « amusés ». Oui, comme tes camarades avec toi à l’école. Et elle avait si peur… Elle te regardait de ses petits yeux, et tout son être semblait te supplier de l’achever. Et toi, tu as fondu en larmes, tu l’as attiré à toi et l’as collé contre ton torse, t’accroupissant. Et tu as pleuré. Encore et encore, en la suppliant de te pardonner. De te pardonner de la stupidité de ces gens à deux pattes qui te ressemblent tant. Puis tu t’es relevé. Et tu as couru, aussi vite que tu le pouvais, jusqu’à ta maison. Lorsque tu es entré dans la maison, tu as hurlé le prénom de tes parents alors que la jeune vautour avait cessé de se débattre. En attendant que tes parents descendent, tu l’as regardé, et tu lui as promis que tu allais la sauver. Oui. Toi. Le jeune garçon de 11 ans.

Tes parents sont arrivés, ont voulu la prendre en charge. Et tu as hurlé. Tu as hurlé que c’était à toi de la sauver. Ils ont tenté de te raisonner, t’ont dit que tu ne savais pas t’y prendre. Alors, avec une force qu’il ne connaissait plus chez leur petit garçon depuis un long moment, tu as répondu qu’il n’avait qu’à t’apprendre. Alors… ils t’ont appris.

Et toi, tu as sauvé Nix. Et tu as été son miracle. Et elle a été le tien. Elle n’était plus censée pouvoir voler. Mais avec tes soins, ta volonté à toute épreuve, tu l’as sauvé. Maintenant, imaginez l’émotion quand elle a pris son premier envol pour la liberté. Tu as tellement pleuré. Et hurler de joie aussi, l’encourageant.

Et le mieux dans tout cela ? Elle a continué à venir te voir, régulièrement. Elle venait se percher sur le rebord de ta fenêtre, attendait que tu reviennes de l’école et venait foutre le bordel dans ta tignasse brune. Et c’est aussi dans tes bras que la vie a effectué son travail. C’est dans tes bras que 4 ans après l’avoir trouvé, Nix est morte. Tu l’as trouvé en revenant de l’école, couché dans l’herbe. Tu as lâché ton sac, couru jusqu’à elle en hurlant son prénom. Tu l’as prise dans tes bras, et dès que tu as vu son regard… Tu as compris. Tu as compris que c’était la fin, mais qu’avec les dernières forces qui lui restaient, elle a réussi à rentrer à la maison. Alors tu as murmuré, en la caressant pour la rassurer :

« Vas-y, ma belle… Tu as mon autorisation. Merci d’être entrée dans ma vie. Merci pour tout Nix. Je t’aime. Vas en paix, ma guerrière. »

Et tu l’as gardé contre toi. Tu as continué de la caresser jusqu’à son dernier souffle, et elle ne t’a pas quitté des yeux un seul instant. Elle a poussé un dernier petit cri. Un remerciement bref, qui t’a touché en plein cœur, puis s’est éteinte. Tu l’as alors serré contre toi, et la voix brisée par les sanglots, tu as gémis : « C’est moi qui te remercie… »

Nix est aujourd’hui gravé sur ta peau, elle enjolive magnifiquement ton dos, étendant ses grandes ailes. Ce qui marque autant son premier envol à elle que le tien.

Après la mort de Nix, tu t’es encore plus battu pour ces bestioles que tu aimes tant. Tu as étendu ton champ d’action, et toi aussi, tu es devenu un chasseur. Mais pas comme on l’entend, non, tu traquais les plus belles photos. Et c’est comme ça que ta carrière a débuté dans le journalisme. C’est comme ça que tu t’es fait remarquer. Et sur YouTube aussi d’ailleurs. En parlant de Nix. Même décédée, elle continue de te guider, tu le sais.
Tes études se sont globalement bien passées. De manière générale, tu es quelqu’un qui réussit tout ce que tu entreprends. Que ce soit dans le dessin, la photographie, le monde équestre, le journalisme, YouTube. Bon. Sauf dans le social du coup. Et ça ne s’est franchement pas amélioré au fil des années, et tu n’as cessé de te renfermer un peu plus chaque jour. Mais faut dire que quand tu touches à la protection animale, que tu vois chaque jour ce que l’être humain est capable de faire subir à la planète en générale (d’ailleurs, ça va sans dire, mais t’es vegan), c’est un peu normal que tu finisses dégouté.

Enfin bref. Toutes ces péripéties, c’est toi Brian. Aujourd’hui, tu pleures encore un peu en pensant à Nix. Tu souris, aussi. Chaque sauvetage que tu fais, tu le fais en partie pour elle. Et tu sais qu’elle est fière de toi. Elle restera à jamais l’être vivant qui a le plus compté pour toi, qui chaque jour, t’aide à te lever, à prendre la parole sur ta chaîne, à aller au travail. Tu t’es un peu éloigné de tes parents, parce que le meilleur ami de ton père squatte pas mal. Il te semble qu’il est parti en voyage d’affaire pour le moment, mais tu n’es sûr de rien. Tu as repris l’association, et tu fais en sorte que ta vie soit bien remplie. Tu passes aussi une formation pour avoir les diplômes officiels de soigneur animalier sauvage. Parce que ton père t’assiste encore beaucoup là-dessus, faute d’avoir un titre professionnel (parce que touchant à ça depuis que tu es tout gamin, tu as toute la théorie et la pratique, il n’y a pas de soucis.) Tu ne peux pas dire que tu es fier de ce que tu es devenu. Tu peux simplement te dire que tu fais ce que tu peux. Et qu’à défaut d’avoir trouver ta place dans la société, tu l’as trouvé aux côtés de tes animaux à plume, ou à quatre pattes. (Parce qu’un bon galop en bord de plage, ça n’a pas de prix.)