Une cigarette, puis deux, puis trois. Mon regard vairon se pose toujours vers ce jeune garçon, dans la rue, qui me fait des grands signes pour que je descende de mon appartement, que je laisse mon nid douillet qu'est ma chambre. Le problème, ce n'est pas que je n'ai pas envie de savoir pourquoi il vient à ma fenêtre chaque soir quand mon père n'est pas là/quand il dort, c'est juste que je n'ai pas envie de lui parler ce soir. De lui sourire.

Je... Je ne vais clairement pas bien. Il faut juste voir les paquets de cigarettes vides qui trainent dans mes manteaux en ce moment. Je me suis faite... larguée? Enfin, je ne comprends pas trop. Vraiment pas. On était dans ce genre d'entre deux, et il m'a largué pour une nana qu'il appréciait plus. Plans culs, à ça de devenir un couple... et tout se brise.

En y repensant, je fronce légèrement des sourcils et je tire une autre taffe. Les cigarettes ont son goût. Je devrai prendre des vogues : il n'en fume pas. Au moins, je sais que dans quelques temps mon instabilité émotionelle sera de nouveau de retour, ayant plus de choses à penser que cette personne, mais...Non.

Ce n'est pas lui qui m'a fait du mal, nous restons amis, totalement amis... C'est juste que je suis toujours celle du second choix. Celle maudite. Je suis toujours celle qui sera la dernière à être heureuse, mais la première à souffrir et à mourir: voici ma condition de maudite. Aucune liberté, toujours à avoir peur que mon heure sonne et expédition l'enfer. J'observe la cendre tomber de la fenêtre pendant que je réfléchis... et quelque chose me tape en plein coeur.

Je vais mourir. Je le sais que je vais mourir, je le sais bien, mais des fois quand on y pense clairement surtout quand il ne vous reste que quelques années à vivre (normalement, j'en avais parlé à d'autres maudits), et que vous n'avez rien fait de votre vie... Oui, ça fait mal. Mon père me verra mourir, ma "soon belle-mère mais pas trop mais si quand même quand je vois mon père la regarder comme ça" aussi. Mes amis aussi, ceux bâtards et démons, voir anges. Je sais que je vais mourir avant eux.

Une larme coule, puis deux, et je commence à trembler. Je sens une crise d'anxiété arriver. Oh, mais c'est une crise existentielle ça. Je n'en avais jamais eu, comme quoi, je pourrai la noter sur ma liste des répercussions de mes traumatismes. Je tremble, j'écrase ma cigarette après une dernière bouffée. J'ai l'impression de suffoquer. Mon père, je vais perdre mon père. Lui qui m'a toujours aidé. J'espère juste qu'il viendra me voir en enfer. Juste... Juste lui. J'ôte mon bas, j'ôte mon haut pour avoir un peu d'air, un peu plus confortable dans mon corps et je m'étale sur mon lit, avant de me mettre en boule. Les larmes coulent à flots, tandis que j'étouffe mes sanglots dans mon coussin.

Seule.

Je suis totalement seule.

A vrai dire, je ne le suis pas vous voyez? J'ai un père aimant, des personnes qui m'apprécient, des amis, mais... Je suis seule? Je suis née entourée de personnes qui m'ont fait du mal, mes uniques réels amis (sauf Polaris, cette petite étoile) sont tous démoniaques... Je suis juste... seule? Dieu ne voudrait pas de moi, lui? Pourquoi il ne veut pas de moi? Il a déjà prit mon frère, mon grand frère qui me manque chaque jour de ma vie. Il a prit aussi mes souvenirs (pour le meilleur? Je ne sais pas) de la moitié de ma vie... Alors pourquoi moi? Je prie très souvent chaque soir, pas parce que je crois en lui spécialement, mais parce que je veux une once d'espoir. Je demande qu'une chose: que quelqu'un d'autre que mon pauvre père (qui frôle le burn out) puisse... être là pour moi...?

Genre, réellement là pour moi.

Pas pour profiter de moi.

Je veux dire par là: pour qu'il m'aime pour mon coeur, mon esprit, et pas uniquement pour mon corps et mes capacités à lire l'avenir. Je continue de trembler, que mes pensées vont dans strictement tous les sens et...

Un saut dans le passé.


"Vous pensez réellement qu'elle n'est pas un danger?"

"Non, ne vous inquiétez pas. Vous pouvez la léguer à Monsieur West ici présent."

Je joue avec des cubes. Des cubes en bois exactement. Bleus, verts, roses. Je les empile, puisque je ne sais pas comment jouer avec ce genre de trucs. J'ai 10 ans, certes, mais je ne savais que lire la bible et les écritures de la secte où je suis née, mais pas du tout... des choses d'enfants? Je ne savais même pas ce qu'était une poupée. J'essaie de comprendre les cubes, tandis que les adultes continuent de parler de mon cas, apparemment. J'écoute à moitié leur discussion, puisque je suis épuisée de ces derniers jours où j'ai été une sorte de "patiente-expérience" pour les fédéraux. Une maudite, qui est considérée comme une prophète, il faut surveiller tout ça.

Je n'ose même pas regarder les adultes, je me concentre uniquement sur les jolis cubes et j'essaie de les empiler.


"Ses résultats psychologiques sont désastreux, vraiment. Cependant, il y a quelque chose qui me fascine."
"Quoi donc?"
"Elle ne ressent rien, on dirait."
"C'est le choc émotionnel ça Keres."
"Non, mais oui je sais, mais... Ca me fascine comment une gamine de son âge peut être aussi... passive?.. Regarde la. Elle est super sage avec ses cubes."
"Keres."
"Ok, ok, je me concentre. Les résultats alors?"
"...Les résultats sont qu'elle est stérile en plus de tout ça. Elle n'aura jamais d'enfants."

"..."

Je continue de jouer avec mes cubes.

Stérile?

Je ne m'en souviens plus.

Où est mon ami? J'aimerai bien lui parler. Il me manque tellement...


"...Et ensuite?"

"Il va falloir faire de la thérapie de choc. Pour essayer qu'elle fonctionne... un peu correctement. Sinon, elle va se souvenir de tout. Elle n'aura jamais une réelle vie sociale, ni une vie normale."
"Putain... C'est obligatoire? Aloy, t'en penses quoi?"

Je n'ai pas écouté la réponse de mon père. J'avais fait tombé un cube.

Je reviens à moi-même, tandis que je suis désormais dans mon placard. J'ai... bougé lors de ma rêverie? Cela ne m'était jamais arrivé. Cette rêverie, je ne l'avais jamais réellement eu, et je ne sais pas quoi en penser sur le moment, mais je me doute bien de ce qu'il s'était passé ensuite: que ce soit par la volonté de mon père (qui n'était même pas mon père à ce moment-là), c'était sûr que les fédéraux ont voulus que je suive des thérapies de choc. Je regarde alors les jolis tableaux dans mon placard, les petites guirlandes lumineuses et je prends un coussin et mon plaid.

Il est désormais quatre heures du matin. J'enlace ma peluche en forme d'étoile, et je reste en train de fixer le vide.

Oui, il va falloir que je me bouge: Que je vois des gars, ou des meufs. Que j'aille en soirée. Que je me fasse accepter par la société. Surtout que mes hormones travaillent de trop. Il faudrait aussi que j'aille voir ce psy là en ville...un polonais.

Dans tous les cas... Je rêve de ne plus être seule. La solitude me ronge, je suis totalement seule... alors que mon père est à côté. J'ai envie d'aller le voir, mais il a besoin de repos. Mes paupières deviennent alors lourdes, et je ne vois plus rien.



Why am I such a sad mess?..




Pure loneliness
I want to change things, but I cannot stop crying.
by xion of sonder