such a lovely way to burn, burn, burn (luke)

Vous étiez trois en patrouille du côté d'Intercity quand l'appel résonna dans vos têtes.

"Escouade Uno, Lys et Mike ! Vite, du côté de l'allée Gravel !"

C'était la voix d'une supérieure archange. En quelques images, à peine une seconde, elle vous informa d'un appel inquiétant de la part d'un de vos collègues. Il n'y avait aucune parole, juste des bruits de lutte avant que la ligne ne coupe, le téléphone certainement rendu H-S pendant le combat.
Vous filâtes en direction de l'allée Gravel, donnée obtenue par les bons soins de la géolocalisation. Cela vous prit plus de temps que vous n'auriez voulu - la situation puait l'urgence.

Vos semelles crissèrent sur le macadam tandis que vous fonciez à la rescousse de votre camarade Eagles.
Cela faisait plusieurs semaines que votre vigilance s'était accentuée, avec le début de ces attaques mystérieuses.
Vous déboulâtes dans ladite allée.

L'Eagles était étalé au sol. L'odeur du sang s'infiltra abominablement dans vos narines. Mike se dirigea vers lui tandis que Lys et toi surveillâtes les alentours.

Il était défiguré mais encore en vie. Son badge gisait non loin de lui.
L'agresseur semblait avoir fui.

- Il vit encore mais il faut le soigner d'urgence. , annonça gravement Mike.

Toi et Lys étiez les seuls anges de votre patrouille. Celle-ci s'avança automatiquement vers le blessé pour lui apporter des premiers soins - Mike était un cousin de la famille Grayson, il était au courant du "secret".

Un mauvais frisson te balayait l'échine, comme s'il traînait encore quelque chose dans l'air. Quelque chose de... familier.

- Je vais appeler la cheffe pour lui dire que nous l'avons trouvé et que nous le ramenons au QG. , fait Mike en brandissant son téléphone.

Toi, tu observais les contours auriques de l'endroit. Tu... cherchais.
Il y avait comme... une odeur. Une... trace...

Tu gardais un œil sur ce qui vous entourait, dans le cas d'une attaque surprise. Ton regard se posa sur le badge esseulé sur le béton.
Tu t'avanças vers lui et t'accroupis. Tu le ramassas et l'observas. Tu fermas les yeux.

Il te sembla tirer un lien à ce moment-là.
La trace était encore légèrement présente sur le badge taché de sang.

Cette trace...

Tes poings te brûlèrent inexplicablement tandis que tu essayais d'en remonter le fil.

Feu.

Tu rouvris brusquement les yeux. Une contraction te prit au diaphragme. Tes cheveux s'étaient légèrement dressés.

Tu connaissais cette marque.

Tu te relevas.
Des questions te vinrent face à cette aberration mais, seul, tu n'y trouverais aucune réponse. Ton poing se referma machinalement sur le badge.

- Partez devant. Je dois vérifier quelque chose. Tu cherchais la direction que prenait le fil.
- Je ne pense pas qu'il soit prudent que tu te promènes seul après cette attaque. , s'enquit placidement Lys pendant que Mike s'entretenait avec votre supérieure.
- Je ferai attention. Ton visage était plus fermé que jamais.

Caught you.

Tu quittas la ruelle sans plus de formalités, partant à la poursuite du démon. Ton cœur battait la pulsion d'une adrénaline naissante tandis que tu t'élançais dans les rues. Tu n'y avais pas réfléchi à deux fois, à vrai dire.

Si tu voulais l'attraper, c'était maintenant.

Vos âmes semblaient apprécier ce jeu de traque à répétition.

Il t'emmena loin de la ville, une nouvelle fois.

Tu arrivas, le souffle court, devant un hangar abandonné.
Tu avalas ta salive et fermas les yeux.
La lune ne baignait nullement les lieux.
Les nuages tachaient le ciel étoilé.

Tu lâchas le badge, que tu avais gardé dans ton poing serré.

Cling.

Tu pénétras dans le domaine marqué par sa fumée.

Son aura t'enveloppa, te piqua en plein épiderme.

C'était silencieux.

Tu avanças prudemment tandis que la porte grinçait sinistrement derrière tes premiers pas.
Ce n'est pas comme si tu pouvais te cacher - il savait que tu l'avais suivi.

Tu cherchais à le localiser. Son odeur était plus forte ici que jamais.

Plic.

Tes yeux semblèrent tourner au ralenti vers ton épaule, comparés à la vitesse du coup qui te fit momentanément perdre ton équilibre. Tu avais la tête qui bourdonnait ; c'était là qu'il t'avait frappé.

Tes muscles se bandèrent immédiatement tandis que tu portais ta main à ton crâne, rassemblant rapidement tes pensées.

Vous vous trouviez face à face.

Il grondait, le démon ; il grognait.
Il te menaçait, là où il aurait pu te trancher la gorge avant que tu ne puisses y parer.

Tes azurs le perçaient calmement, malheureusement, il était plus difficile de percer ce qu'il se passait derrière le regard de la bête.

Les grognements s'étalèrent avec le silence.
Tu ne bougeas pas.

Tes muscles étaient prêts. Mais tu n'étais pas venu pour te battre. Il y avait une certaine dureté dans ton regard. Tu ne comprenais pas.

- Pourquoi.

Tu avais grogné, toi aussi.

Pourquoi.
Pourquoi sa réponse t'était si importante ? Importante au point que tu le pourchasses jusqu'à ce lieu isolé où tu ne pourrais que finir mal ?
Il n'y avait pas de forêts à brûler dans ce hangar, mais tes mains se souvenaient encore bien de la morsure enragée de ces flammes-là.

Tu le regardes reprendre forme humaine et lancer des tirades brûlantes qui t'effleurèrent sans que tu n'en comprennes le sens fondamental. Tu ne comprenais pas de quoi il te blâmait. Certainement de l'avoir vraiment blessé... Tu avais cependant le sentiment que ça avait touché quelque chose de plus profond. Mais il y avait une chose que tu comprenais : son sentiment de rejet. Tu n'étais en aucune légitimité de lui parler. Tu devrais plutôt essayer de le tuer comme il te le reprochait. Après tout, il s'en était aussi pris à des anges et maintenant à un Eagles. Qu'il se transforme en un fantôme meurtrier comme celui qui t'avait volé ton père, il ne restait qu'un pas.

Mais tu étais là, face au démon. L'idée qu'il puisse te calciner ou te détruire ne te touchait pas. Ton âme était axée sur autre chose.

Il était paniqué. Pourquoi maintenant ?
Tu te souviens de cette première fois où il avait épargné ta vie, sans ironie. Qu'est-ce qui avait changé pour qu'il parte en vrille et se fasse remarquer de la sorte ? Il sortait de l'ombre, mais ce n'était pas pour rejoindre la lumière. Il allait se faire trucider.

- Tu agis comme une bête apeurée. C'est la solution que tu as trouvée ?

Oui, tu avais refusé de t'associer avec ce démon. C'était un fait. Mais ses actions récentes étaient celles d'un suicidaire, pas celles de quelqu'un qui veut accomplir ses objectifs.

...
Un peu comme toi, au final.
Vous étiez trop semblables.

Tu étais étrangement calme. Tu serais pourtant peut-être amené à devoir défendre ta vie pour sortir de ce hangar maudit. Le vent coulissait par les failles du métal. Tu ne lâchais pas des yeux ton reflet au nom manquant. Tes mots étaient détachés.

- Ils vont tous te tomber dessus.

Parce que ça ne semblait pas assez évident.

- Reprends-toi.

Qu'est-ce que tu en avais à foutre ?
Tu avais conscience qu'en disant à quelqu'un de se calmer, tu t'offrais à la violence de son ire entretenue.
Mais il pouvait bien essayer de te détruire après tout. Ce qui était cassé ne pouvait l'être une deuxième fois. C'était une douleur qui restait, comme des éclats de verre enfouis sous la peau. Il le savait aussi bien que toi.

- Que cherches-tu à accomplir au juste ?

Et toi petit ange, que cherches-tu à accomplir au juste ? Cette justice auquel tu es lié par ton temple ? La justice de l'égoïste qui ne pense qu'à lui ?

Tu pris à la gorge cette voix insidieuse qui te tourmentait dans les pires moments. Des fois, tu avais l'impression d'être à la place de ces bâtards qu'on te demandait d'éliminer pour cause de folie. Ta conscience te torturait mieux qu'un démon ne le ferait jamais. Mais jamais elle ne se taisait.

Tu veux jouer au guide pour démon, l'ange ?

À l'extérieur, tes azurs étaient toujours fixés sur l'enfant de l'ombre.

Ou peut-être que tu cherches des réponses chez lui que tu n'oserais jamais déterrer chez toi. Peut-être que tu ne comprends que trop bien sa peur. Mais ça ne te donne pas le droit de te mêler de ses affaires, tu sais ?
Tu vas te brûler les ailes...

Fuck it, it's already done.

Tu as conscience du regard du démon, tu connais ta position.
Tu ne cilles pas quand il rompt la distance. Quand il te renvoie tes propres questions. Tes yeux le suivent quand il te contourne. Vos regards sont de biais.

Non, tu n'avais pas pitié de lui. Ce n'était pas quelque chose que vous acceptiez, l'un et l'autre, la pitié. C'était autre chose qui t'avait poussé ici-bas. Une chose que tu n'arrivais pas à formuler avec des mots, pour l'instant. Tu parlas à voix basse, les paupières légèrement plissées.

- La panique fait faire à n'importe qui des erreurs fatales comme celle de tout à l'heure. Je connais les miens. Les Eagles enquêtent depuis plusieurs semaines sur ce démon qui attaque d'autres démons, mais surtout des anges au hasard. Les patrouilles vont se multiplier, la traque va se resserrer.

Tu serres les dents.

- Je suis là pour comprendre. N'était-ce que ça ?

Tu les serres, parce que toutes les questions qui passaient par ton cerveau te ramenaient trop violemment à tes propres choix. Parce que les réponses que tu y trouvais les rendaient soudainement puériles si elles osaient dépasser le seuil de ta bouche.

- Pourquoi cette urgence ? Pourquoi maintenant après des années de profil bas ? Tu tournes légèrement le buste vers lui.

Quel est ton ennemi ?

Tu voulais savoir. Tu avais besoin d'un nom. Du sien, de ce qu'il poursuit... ou de ce qui le poursuit.

Ta main fouilla dans le revêtement de ta veste pour en sortir lentement un item significatif. Tu le laissas chuter contre le sol poussiéreux, yeux dans les yeux.

Cling.

Tu n'étais pas ici en tant qu'Eagles.
Alors en tant que quoi te trouvais-tu là ?
Il t'avait dit que tu avais loupé ta chance d'avoir ce genre de discussion avec lui, et pourtant tu continuais de marbre comme s'il n'en était rien.
Tu devais savoir. Quel adversaire le poussait soudainement à chercher des fragments de pouvoir parmi les essences des autres ? Sa puissance actuelle ne suffisait plus, tout d'un coup ? Il te parlait comme s'il maîtrisait la situation mais vous saviez tous deux qu'il n'en était rien.

- Je suis venu pour avoir des réponses. Je ne te forcerai pas à me les donner.

Mais il semblait que jusqu'ici, vous ne pouviez pas vous cacher grand-chose sur vos états d'âme.

Tu ne bronchas pas à ce fait. Tu compris à la suite qu'il acceptait finalement de te parler. Tu ne bougeas pas, écoutant attentivement ce qu'il avait à te dire. Il semblait déjà un peu moins tendu. Tu relâchas toi-même un peu plus les muscles de tes épaules.

Ce qu'il te dit te rafraîchit la nuque à la négative.
...
Ainsi, c'était lui, son adversaire.
Tu frissonnas.

Tout commençait à s'éclaircir.

Il avait pris la décision d'aller contre tout ce monde. Il ne touchait pas les humains, uniquement les créatures qui le conditionnaient à un état qui ne lui correspondait pas.

Survivre ou crever.
Devenir le néant, ou être réduit à néant.
The logical order.

Tu assimilas le tout. Tu observas sa main guérie.
Ton visage n'exprimait pas grand-chose, pour ne pas changer. Mais il te semblait comprendre.

- Tu vises le trône. Tu relevas le menton. Est-ce pour le renverser ou pour instaurer un nouveau règne ?

Pourquoi souhaitais-tu savoir ? Tu n'avais pas de curiosité malsaine normalement.
Il y a eu tellement d'humains par le passé qui, prétendant renverser le régime précédant, déclaraient le révolutionner alors qu'ils ne faisaient que passer le flambeau du même régime pourri à la génération de pourris suivante. Vous n'étiez pas humains, mais la différence sur cette question du trône gardait la même importance.

Tu réduis lentement la distance entre toi et le démon.
Tu marquas une pause.

- Imaginons que tu les vainques tous. Anges, démons, princes, bataillons. Quelle serait ta première décision ?

Why do you act like you care ? He would die anyway.

Tu étouffas cette voix insidieuse. Tu ne voulais pas l'entendre actuellement. Tu avais besoin...
Besoin de quoi d'ailleurs ? D'entrapercevoir ce que pourrait être le monde si quelqu'un le changeait ? Souhaitais-tu le changer, toi, d'ailleurs ? Tu n'étais qu'un petit vengeur parmi tant d'autres, à côté tu avais été dressé depuis ta vie précédente à obéir aux ordres.
Peut-être que tu apprendrais à y désobéir cette vie-ci.

Il se passa plusieurs choses dans ton âme à ses déclarations. Quelque chose de violent, tout d'abord, qui donna des impulsions plus stressées à ton cœur, comme un lien que l'on tire brusquement un peu plus fort. Il te sembla le reconnaître.
Ensuite, une peur sourde, plantée dans le creux de ton cerveau comme une aiguille qui déverserait son poison glacé. Tu ne savais pas d'où elle venait. Il ne t'était jamais venu à l'esprit de t'en prendre à ton créateur. Aux démons et à leur chef tout-puissant, oui, mais... À ton Père ? Quelque chose s'agitait au niveau de tes tempes à cette simple évocation, avec toujours ce petit rythme stupéfait. Non, tu ne veux pas t'en prendre à ton Père. Un malaise naquit en toi.

Ce démon te perturbait. Souhaitait-il réellement s'en prendre à son propre créateur alors qu'il risquait d'en sortir broyé comme tant d'autres avant ? Pensait-il que seul, sa puissance suffirait à renverser celui qui tient sa laisse ?
Il allait finir pulvérisé. Tu en étais persuadé. Ce n'était jamais seul que ces choses-là se réussissaient.

- Ce n'est pas en précipitant les choses que tu vaincras. Tu avais murmuré. Tu vas finir détruit si tu prends cette voie-là.

Quelque chose résonnait en toi, comme quelque chose de familier. Ton cerveau te semblait désagréablement froid, et ce froid descendait sur ta nuque. Plus cette sensation se faisait forte et plus tu la détestais.

- J'ai déjà...

Tu as déjà quoi ?

L'impression disparut, te laissant sans mots un instant.

Tu secouas la tête, de plus en plus perturbé malgré ton attitude stoïque.

- Écoute. , fis-tu, la voix légèrement rauque. Je ne sais pas comment les choses fonctionnent en-bas. Mais il te faut des alliés dans ce camp aussi. Sinon tu vas te faire détruire. We're only grains of dust currently... Remember ?

Cette fois, tu avais un début de sueurs froides. Qu'est-ce que tu racontais, aussi calmement ? Tu ne pouvais pas aller en Enfer. Et tu aimais trop les tiens pour t'en prendre à ton propre royaume. Tu ne servirais à rien dans le plan de ce démon. Pourquoi parlais-tu comme si tu voulais qu'il réussisse à semer son chaos dans son propre camp ? Ce rôle binaire te pesait, à toi aussi ? Les méchants et les gentils... Le stoïcisme se plissa. Tu lâchas une courte exhalation à peine perceptible, les yeux toujours dans les siens.

Qu'est-ce que tu fichais, sérieusement ?
Tout ça ne pouvait que mal finir.