Sam, je suis ton frère *koupschit* (ft Sam)

Une silhouette fine qui arpente la rue. Tu la suis, ça te fait bizarre de sortir sans Watson, mais cette affaire est d’une importance capitale, rien ne doit te distraire. Elle tourne rapidement, et accélère le pas : elle sait que tu la suis. Tu t’es déjà fait remarqué ces derniers jours, tu as fait en sorte qu’elle ne soit pas surprise de ta présence derrière elle. La pauvre doit flippée comme jamais… Quoique, de ce que tu as pu voir, et entendre sur elle, elle n’est vraiment pas du genre à se laisser démonter.

C’est le gène Curtis ça, tu ne le connais que trop bien : vous foncez tête basse, vous ne vous laissez pas surprendre, vous détestez lâcher prise, perdre le contrôle d’une situation. Oui, tu montes déjà son profil psychologique sans la connaitre. Vous êtes réellement surpris ? Eh bien vous n’êtes pas au bout de vos peines avec cet étrange phénomène… Tu es allé jusqu’à attendre qu’elle sorte de l’université, étrangement, tu trouves ça moins étrange que d’aller toquer chez elle… Puis, c’est trop conventionnel de toquer chez les gens ! Les suivre tard dans la soirée, c’est bien plus intéressant. Elle est vraiment sortie tard de l’université, il semblerait que tu ne sois pas le seul Curtis à te plonger dans le travail pour oublier tes p’tits soucis du quotidien. Genre des parents maltraitants ! Cette pensée te tire un petit sourire amer. Tu n’arrives pas à te pardonner de ne pas avoir voulu porter plainte plus tôt : ça leur aurait éviter bien des emmerdes. Tu ne pouvais pas empêcher leur naissance : ils étaient déjà dans le ventre de ta mère quand tu t’es cassé. Tu aurais juste pu empêcher tous les traumas qu’ils ont. Juste. Ça aurait été parfait, tu aurais été le seul qui a toutes ces marques sur le corps, et dans l’âme. Tu aurais été le seul, et ça t’aurait arrangé. Tu détestes l’idée que deux enfants peuvent te comprendre.

Elle doit vraiment flipper. Tu la suis de près, les mains dans les poches, les nombreux bandages qui recouvrent ton corps ne doivent pas être des plus rassurants non plus. Tu te feras pardonner sur le long terme : tu en es certain. Tu te demandes le schéma de pensée qu’elle a actuellement : comment va-t-elle t’appréhender ? Tu espères qu’elle ne va pas directement t’assommer, premièrement, ça fait mal bordel ! Puis, ce serait plus compliqué de s’expliquer… Comment tu lui dis qu’elle a un grand frère caché et que vos adorables parents sont sortis de prison sinon ? Tu te demandes comment elle réagira à la nouvelle d’ailleurs… Tu es le messager chargé de lui annoncer la sortie des malfrats, c’est toi qui fais le sale boulot. Ont-ils encore peur d’eux ? Les parents Curtis sont bien plus inoffensifs qu’ils en ont l’air physiquement ! S’ils se sont uniquement attaqués à leurs enfants, ce n’est pas pour rien. Ils se laissent rapidement dépassés par les évènements, il s’agit juste de les surprendre un peu. Mais tu leur apprendras ça, il y a encore le temps !

Oh et puis tu es tout excité !!! Tu as un petit frère, et une petit sœur aussi ! Et vous allez pouvoir faire plein de conneries ensemble, tellement de temps à rattraper ! Parler de vos jolis souvenirs d’enfance en riant autour d’une bière bien fraiche, au coin d’un joli feu, avec de beaux sourires qui veulent tout dire sur les souvenirs chaleureux qui vous reviennent en tête ! Vous allez pouvoir terroriser les passants en vous cachant dans des poubelles et en sortant subitement en hurlant des : Bouh ! Une vraie vie heureuse, comme dans les films. Tu ne peux retenir un rire. Voilà, t’es encore plus flippant maintenant : un mec la suit, et il se tape ses meilleurs barres en solitaire en plus. Bravo Jack, superbe l’approche, quand je te vois comme ça, j’avoue que j’ai beaucoup de mal à me dire que tu as l’habitude de vivre en société. On ne suit pas les jeunes femmes tard le soir sombre crétin !

Je sais, ce n’est pas n’importe quelle jeune femme, et elle va probablement t’éclater avant que tu aies eu le temps de dire « ouf ! » Puis je sais aussi que tu veux simplement la tester, voir ses mécanismes défensifs, sa rapidité d’exécution, que c’est dans ta nature de détective d’avoir des idées cheloues qui mènent à des objectifs chelous avec des réactions chelous et… Mais merde Jack, arrête de rire, arrête de te payer ma tronche, j’suis sérieuse là ! Il y a d’autres manières de faire, je t’assure ! Si ça se passe mal, tu ne viendras pas pleurer dans mes jupons, j’te préviens !

Le pire, c’est que tu es à deux doigts de commencer de fredonner. Traine-toi par terre pendant que t’y es ? Ou j’sais pas, tu aurais du prendre la hache qui traine dans un de tes placards, et la trainer derrière toi ! Ou préparer une soundtrack de petite fille, ‘fin ce genre de choses, sois original jusqu’au bout, merde ! Ha oui. C’est vrai que tu as toujours ton flingue sur toi. Parfait, tu aurais quand même du penser au sac poubelle et au scotch double face, Sam aurait pu se faire tous les films qu’elle veut comme ça ! Imbécile va.

Elle tourne. A sa manière de faire, tu devines que tu vas bientôt faire la rencontre de l’arme de ton adoraaaable frangine~ Alala, ça vous en fera des souvenirs à raconter ! Elle profite du fait que tu ne connaisses pas l’endroit : elle finira probablement par arriver derrière toi. Tu tournes à ton tour : ha, bah quand on parle du loup ! Tu aurais fait exactement la même chose qu’elle, vous avez déjà le même genre de pensée, tu craaaques !

Te voilà donc contre le mur. A l’odeur, tu n’as pas spécialement envie de savoir ce qu’il s’est passé contre. Plus que l’arme contre ton foi, cette simple pensée te fait grimacer : ton pauvre manteau, tes pauvres cheveux. Une douche s’impose quand tu rentreras chez toi ! Tes bandages tiennent l’impact : tu les fais vraiment comme un chef maintenant ! Un petit sourire étire tes lèvres lorsqu’elle t’ordonne de ne pas bouger. Elle appuie sur tes nerfs : même si tu le voulais, tu pourrais difficilement. Elle le sait très bien.


Elle va tirer Jack, ne commence pas à provoquer. Tu comptes sur le fait qu’elle veut savoir qui tu es, mais tu ne la connais pas encore, ne fais pas comme si tu maitrisais parfaitement la situation, tu sais toi-même que ce n’est pas le cas. Tu as rarement vu d’albinos : son regard ne te déstabilise pas, bien au contraire, il te fascine. Regardez ce que vous avez fait, papa, maman. Admirez. Un chef d’œuvre, une putain d’œuvre d’art ! Elle est agile. Forte. Encore mieux que tu ne l’espérais ! Vous allez faire une famille d’enfer !

Elle est cernée aussi. Se tuer à la tâche, au point de ne pas en dormir. Tu ne connais que trop bien, et encore une fois, tu es tout ému que vous vous ressembliez autant sans pour autant vous connaitre : le sang y joue-t-il quelque chose ? Non. Ce sont probablement les traumatismes que vous partagez qui font de vous des personnes aussi proches sans que vous ne vous soyez jamais vu. Elle n’est pas de bonne humeur ? Ooooh, il va falloir que tu arranges ça !
La pression de l’arme augmente sur ton foi, tu retiens un rire. Tes anciens collègues ont raison, t’es totalement barge. Mais c’est ce qui fait de toi l’homme que tu es, la vie ne serait pas drôle sans une touche de folie :

Ton regard s’illumine. Ça y est, tu l’as dit ! Et sans sourciller, sans bégayer, chapeau Jack ! Tu es fier de toi, et tu adores la manière que tu as eu de le dire. Ça pète ! Tu es pratiquement certain que personne n’aurait penser à l’annoncer comme ça, c’est grave original ! Au départ, tu pensais essayer de refaire la scène dans Star Wars là. En espérant simplement qu’elle soit plus heureuse que Luke quand il l’apprend…

Il n’a rien demandé, lui. Le pauvre est dans le corps d’un abruti suicidaire qui adore jouer avec le feu. Tiens, jouer avec le feu ! En sachant que ta coéquipière est une démone spécialisée dans l’allumage de barbeuc, c’est hilarant comme expression ! Tu n’arrives pas du tout à te concentrer sur une seule pensée à la fois, c’est terrible d’être dans ta tête.
Ça va lui faire beaucoup d’informations à digérer. Eh ouais, elle a un grand frère, qui est terriblement classe et charismatique qui plus est ! Tu aurais adoré être ton propre grand frère ! Heureusement que tu n’es pas seul dans ta tête, tu te ferais vraiment chier sinon…

La vérité Jack, c’est que tu camoufles ton angoisse sous un tas de blagues à chier qui t’occupes l’esprit. Tu ne veux pas te poser sur la contemplation de la ruelle, ou de cette nouvelle sœur que tu vois enfin en vrai après avoir décortiquer son dossier. Tu paniques, tes jambes ont envie de fuir. Ce n’est pas tant le fait qu’il y ait une arme braquée contre toi, tu t’en fous. Elle va découvrir qu’elle n’a pas été la seule à vivre cet Enfer, et que des personnes auraient peut-être pu l’en tirer bien plus tôt. Tu n'étais vraiment pas prêt à affronter tes parents à cette époque-là. Si tu avais eu conscience de leur existence, tu l’aurais probablement fait. Mais… Tu ne l’as su il y a un mois, et tu n’as jamais eu la curiosité d’enquêter sur ce que sont devenus tes parents après ton départ. Tu as fait confiance à IsabeL… Et peut-être que tu n’aurais pas dû.

« Quand on ne maitrise pas la situation, il faut faire comme si, pour déstabiliser l’autre ». Ce qui est amusant avec toi, c’est que tu as totalement conscience que tu n’es pas maître de la situation mais… tu agis naturellement là ! Tu ne cherches pas spécialement à la déstabiliser, ni à prendre le dessus, tu es juste agaçant à la base. Tu ne rajoutes aucune extravagance dans tes gestes, dans tes mots, dans tes réactions. C’est juste toi quoi, avec une pointe d’angoisse, certes, mais elle n’est même pas assez développée pour que tu en aies réellement conscience.

Elle se fige à la suite de l’annonce de votre affiliation familiale. Eh ouais, elle partage le même sang que ce fou qui la suit dans la nuit épaisse et fraiche ! Elle appuie un petit peu plus : moooh, croire que ça va te calmer~ Elle ne te changera pas, pas même avec une arme braquée contre ton foi, pas même en t’éclatant l’épaule, pas même en te broyant les os. Tu n’en as rien à foutre de ton enveloppe corporelle : elle a déjà vécu bien des traumatismes, un de plus ou un de mois… Tu ne ressembles déjà plus à rien de toute façon ! Un os cassé n’impactera jamais la flamme amusée qui brûle dans ton regard ! Même si, pour l’instant, elle est absente. Tu es déjà suffisamment détestable comme ça.

Olala, heureusement qu’elle n’a pas les yeux révolvers, tu serais criblé de balles sinon ! Ne t’en fais pas Sam, avec le temps, on arrive à le supporter, je te le promets ! Ton arme se fracasse sur le sol, et elle l’éloigne. Tu n’as pas regardé l’action : tu t’en contre fous royalement en même temps. C’était logique qu’elle finisse par le faire. D’un geste agile, tu sors la plaquette, et la lui tends. Elle est simple, contrairement à toi. Quelques usures témoignent de son vieil âge : il faut dire que ça commence à faire un certain temps que tu es dans le métier ! Tu es si heureux qu’un des jumeaux soient aussi un détective, elle doit avoir le sens du détail ! Pour l’instant, ça doit surtout être un beau bordel dans sa tête. Tu commences à être vraiment mal à l’aise contre ce mur : ces ruelles puent la pisse, la gerbe, la drogue, et le sang. Tu détestes l’odeur du sang. Il te ramène à elle, à Scarlet. Ton visage s’assombrit pendant quelques instants, tes yeux se braquent sur un des lampadaires, tu es à la recherche de lumière. Tu ne crains pas le retour de tes parents. Non, ce dont tu as peur, c’est de son retour à elle. Recommencer à devoir la surveiller de manière intense, laissant ta santé de côté. Tu détournes le regard deux minutes, elle est déjà en train de tenter de faire tomber quelqu’un dans ses filets. Tu as eu suffisamment d’échec avec elle, tu ne supporterais pas que ça recommence. Elle est la seule capable de faire réellement disparaitre ton sourire. Elle est la seule à avoir réellement compris que frapper ton corps ne te fera strictement rien : c’est l’esprit qu’il faut toucher, avec violence. Cet esprit qu’elle veut par-dessus tout.

Tu entends ses questions que d’une oreille discrète. Jusqu’où Scarlet serait-elle capable d’aller pour te faire du mal ? Ton regard se pose sur ta sœur. As-tu déjà peur pour elle ? Il semblerait bien que oui… En même temps, tu crains pour la vie de n’importe quelle passant que tu croises, du moment qu’elle a vu que vos chemins se sont entremêlés, même pendant quelques instants. Alors, Sam… Tu secoues la tête, et murmures un :


Tu toussotes pour éclaircir ta voix. Le petit moment de faiblesse coïncide avec la demande de souvenirs de Sam, elle pourrait croire que c’est le retour en arrière qui te rend aussi amer. En apprenant à te connaitre, elle se rendra rapidement compte qu’il n’en est rien : tu t’en fous vraiment de tes parents.

Tu jettes un coup d’œil à ton bras droit, qui était de très loin son préféré pour éteindre ses clopes. Tu as encore des traces cachées sous ces multiples bandages et ce manteau.

Toi, ironique ? Oui, totalement. Vous jouez un peu à la roulette russe là. Il y a un monde dans lequel ils ont changé leurs habitudes entre les enfants. Il suffirait que la peau des jumeaux marque différemment de la tienne pour que votre père ait changé de marques. Pour ta mère, tu es déjà un petit peu plus sûr de toi : tu la vois mal changer ces habitudes-là, ça ne relève que de ses goûts personnels. Elle a vraiment de la chance que tu aies une bonne mémoire : tu étais vraiment jeune. Tu n'as pas de souvenirs d’adolescences avec eux.

Son comportement change. La sentence est tombée : vos parents n’ont pas changé d’un enfant à un autre. Ce n’est pas une bonne chose. Tu aurais préféré finir avec une balle dans le foi. Dès que son arme retourne dans son étui, tu te décolles de cet ignoble mur, un frisson de dégoût traversant la totalité de ton corps. Tu fais de petits sauts, et retires le manteau, le tenant à bout de bras. Tu l’aimes beaucoup ce manteau, il a connu bien pire que de l’urine, mais ce n’est vraiment pas ce dont tu avais envie maintenant. Elle aurait pu choisir une route plus propre nom de Zeus ! Tu pourras tenir le froid quelques minutes : tu savais où elle habite bien avant de commencer à la suivre, c’est inscrit dans son dossier. Peut-être que tu n’as pas obtenu ces dossiers de manière totalement légale mais ça, ce n’est qu’un détail ! Les risques du métier !

Tu ramasses ton arme, et la ranges agilement. Pardonne-la petit gun, elle ne sait pas ce qu’elle fait, c’est la panique ! Elle ne t’aurait jamais fait de mal sinon, elle sait à quelle point une arme est importante pour son détective ! Tu plies ton manteau, de manière que l’intérieur soit contre ta chemise : tu ne veux pas que l’extérieur te touche, ça te dégoute trop. Tu joues avec le feu aussi, ne sois pas surpris ! Tiens, le feu. Encore elle, décidément, elle s’acharne. Tu secoues une nouvelle fois la tête. Arrête de revenir Scarlet, s’il te plait.

Tu la regardes attentivement pendant qu’elle commence sa mini tirade. Un millier de questions… C’est tout ? A sa place, tu en aurais eu un petit peu plus que ça. Tu espères qu’elle ne t’en voudra pas trop… Tu n’étais qu’un enfant, tu n’as pas pensé aux conséquences que ta disparition pourrait avoir. Tu voulais juste oublier, apprendre les codes de ce monde, apprendre le langage. Ne plus craindre la violence, la tirer hors de toi. Tu n’as pas pensé aux conséquences, et tu t’en veux terriblement, mais… Tu n’avais que 7 ans, la tête remplie de traumatismes, de règles que tu as mis des années à effacer. Certaines persistent encore aujourd’hui.


Wah, putain Jack, une phrase normale. ‘fin, si on oublie les grands gestes qui ont accompagné tes paroles, évidemment. Est-ce un pic qu’elle t’a lancé ? Tu auras largement le temps de lui prouver que tu es un excellent détective, détesté de tous, mais on t’appelle toujours pour tes services malgré tout ! Un vrai petit Sherlock, de A à Z. Tu te lances à sa suite, elle dégage énormément de fatigue. Encore plus que ces derniers jours. La première question tombe. Elle concerne son frère. Elle s’inquiète directement pour lui. Ça en dit long sur le lien qu’ils entretiennent :

Un dossier obtenu de manière totalement légale encore une fois, je tiens à vous le rappeler. Comment ça j’angoisse ? Mais pas du tout, je rapporte juste les faits et gestes de mon personnage, je suis omnisciente moi messieurs, vous ne pouvez pas contredire ma parole ! C’est injuste, mais c’est comme ça, alors bouclez la avant que je vous fasse disparaitre de mon récit ! Bref, vous me déconcentrez ! Du coup, Jack… Jack putain, je détourne l’attention deux minutes, je te retrouve en train de siffloter en sautillant gaiement ? Epuisant ce gosse, je n’en peux plus ! Bref, vous arrivez à hauteur de l’immeuble dans lequel Samantha loge : une grande bâtisse grise, ce quartier ne donne vraiment pas envie. Vous grimpez les marches. Sur la porte, une décoration, avec un petit lapin… Comme c’est mignon… Pas comme ce qu’elle t’a montré d’elle pour l’instant. Tu retiens une réflexion à ce sujet, et tentes désespérément de dissimuler ton sourire. Quoi, ce n’est pas habituel qu’il se retienne de la sorte, c’est normal que vous ayez l’impression qu’il a un balai dans le cul ! Sam ouvre la porte, et vous vous engouffrez dans son appartement. Elle ne perd pas son temps pour te donner un ordre, tu te contentes d’acquiescer. Tu regardes autour de toi, rejoignant doucement le canapé. La décoration est simple. Elle a un joli début de bibliothèque : qu’est-ce que tu aimerais lui montrer la tienne ! Il faudra que tu la rapatries un de ces quatre. Tu te laisses tomber sur le canapé : elle a eu le temps de revenir. Elle ne contrôle pas trop ces gestes vu la violence avec laquelle elle a posé ce pauvre verre sur la table : et dire que tu n’as même pas soif… Toutes ces pauvres secondes gaspillés pour rien. Toute cette énergie… Tu la plains la pauvre. Tu n’as pas eu le temps de scruter les alentours réellement, et tu veux focaliser toute ton attention sur elle. Il va falloir que vous ayez une discussion sérieuse, et tu n’as même pas révisé avant !

Tu lâches un petit rire. Elle feint réellement d’avoir oublié ton prénom là ? C’est une insulte à votre profession, mais tu ne feras aucun remarque.


Tu es la piqure d’un rappel qu’elle veut oublier. Elle ne l’a pas explicitement dit, mais ses gestuelles, son langage corporel ne trompe pas : elle est encore traumatisée. C’est plus compliqué à dire que tu ne l’aurais pensé : tu ne veux pas la brusquer plus que ça ce soir, mais tu vas y être obligé. C’est même ta mission de base. Tu pousses un long soupir, et te masses doucement les tempes. C’est un putain d’enfer pour toi de rester assis, de canaliser toute cette énergie qui fait que tu as tout le temps besoin de bouger. Tu n’arrives pas à ordonner tes pensées. Tu clos les yeux, et fais des petits gestes de la main, un peu comme si tu dirigeais une harmonie, pour ordonner le tout, chassant celles qui sont parasites, et conservant les plus utiles. Tu les rouvres, les braques sur ta sœur, et continues :

Elle pourrait les retenir une éternité si elle le voulait. Mais là est le soucis, ce qu’elle veut elle, c’est semer le trouble, et s’en délecter. Elle veut te pousser au bord du gouffre pour que ton âme soit la clef de tous les tourments qu’il peut y avoir dans ta vie : ce n’est pas la première qu’elle fait ça.  

Tu as envie de t’excuser, mais tu as aussi l’impression que ce n’est pas réellement ta place à l’heure actuelle. Tu fais en sorte que le détective soit le seul à parler actuellement : le frère serait déjà bien trop inquiet, et est trop rongé par la culpabilité. Encore une fois, c’est le boulot qui te sauve. Tes doigts pianotent énergiquement sur ton genou, tu ne la quittes pas du regard. Haaa, mais c’est une torture de rester assis, ça te donnerait presque mal à la tête ! Puis, Watson te manque ! D’ailleurs, c’est lui ton véritable coéquipier, tu t’en voudrais place que Scarlet prenne sa place dans les présentations, mais tu dois avoir l’air suffisamment fou comme ça.

Des éclats de verre. Tu poses un regard calme sur elle, observant ses réactions. 10 ans qu’ils se sont sortis de ce bourbier, la plaie est tellement vive qu’elle arrive même à en créer d’autres. Des visibles. Tu observes le sang s’écouler, et balayes du regard la pièce. Quelque chose pour la soigner. Tu n’as pas réellement le temps de réfléchir à autre chose…
Ton regard finit par se poser sur les bandages qui te recouvrent. Ce n’est pas spécialement propre, mais ça fera l’affaire. Tu te lèves, t’approches doucement d’elle pour ne pas la brusquer. Tu te mets à genoux à côté d’elle, et commences à défaire tes bandages. Tu détestes voir tes plaies. Non pas parce que tu crains encore tes parents, tu n’aimes juste pas les sillons qu’ils ont laissé sur ton corps, ça te pourrit la vie, tu ne vois que ça. Tu n’oses même pas la regarder, tu te contentes simplement de prendre suffisamment de bandages pour soigner sa plaie, et empêcher le sang de faire davantage de dégâts.


Qu’elle profite, elle te verra rarement aussi calme. Tu préfères la prévenir de tes gestes, pour ne pas te prendre de balles perdues. Tu attrapes délicatement ses doigts, et commences à bander sa main. Le sang imbibe rapidement le tissu, te tirant un petit soupir. Ça t’agace. Ça t’agace que des gens aient eu à être plonger aussi jeune dans cet Enfer-là. Ça t’agace que des adultes soient terrifiés au point d’éclater un verre juste parce que deux croulants sortent de prison. Tu n’as pas prévu assez de bandes : tu continues d’en dénouer, dévoilant toujours un petit peu plus tes faiblesses. Tu prends soin d’elle. Ta voix finit par briser le silence, elle se veut douce.

Tes mains retournent sur tes cuisses. Tu n’entends plus que les pulsations rythmées de ton cœur, tes yeux n’arrivent pas à se détacher de ton bras à découvert. Très peu de places libres, tu ressembles un peu à un cahier de brouillon qu’un enfant aurait griffonné frénétiquement. Tu les caresses du bout des doigts, puis sers les poings. Voilà que tu trembles aussi, mais par pour les mêmes raisons.

Des flashs. Scarlet. Le sang. Anton. Tu secoues la tête, effaces la pensée d’un signe de la main, mais rien n’y fait. Le sang de ta sœur a rougi tes doigts, n’apaisant pas les tourments de ton esprit. Un hurlement. Des larmes. Est-ce l’enfant en toi qui pleure ? Une bombe. Une vive lumière. Leurs corps désarticulés. Son rire. Sa main tendue vers toi. Tu pousses un râle, tes tremblements s’amplifient réellement. La culpabilité. L’impuissance. Le couteau qui se lève, le sort qui s’abat. Qui s’acharne. En poussant des cris sordides, tandis que le corps déjà inanimé soubresaute sous la pluie incessante de coup de poignards. Un cauchemar. Est-ce un rêve ?

Ils jouent un requiem, habillés tout de noir. Le chef d’orchestre dirige sa dernière symphonie : ses os sont saillants, va-t-il s’effondrer sur la scène ? Les violonistes s’acharnent sur les pauvres cordes, jouant des triolets dissonants qui donnent mal à la tête. Les cuivres imposent leur marche, s’apaisant petit à petit. Perdent-ils leur souffle ? La scène s’embrase, les musiciens jouent. Les flammes dévorent les trilles, dévorent les cuivres, ne laissent que des cendres. Au milieu de ce paysage apocalyptique, une partition. Tu la saisis : tu n’y comprends rien. Elle n’a ni début, ni fin. Un miroir. Ton reflet. Tic, tac, tic, tac. La bombe s’enclenche : pourquoi les secondes passent-elles aussi lentement ? Le glas ne sonne pas. La mort a pris tout le monde autour de toi. Elle passe à tes côtés, ricane de ton triste sort, et continue son chemin. Tu te retournes. Tout bascule. Te revoilà face à Sam, ensanglantée. Sa plaie semble être hémorragique. Tu lèves la main. Le couteau se trouve dedans. Tu sens un souffle contre ton cou, une main qui glisse le long de ton bras, jusqu’à saisir ta main. Une chevelure flamboyante, un sourire que tu ne connais trop bien, tu n’as pas besoin de la voir pour le savoir. Dans un rire, elle murmure :


Tu lui donnes un coup de coude, et te prépares à la tuer. L’arme blanche part en poussière, sous le rire de la démone.
Retour à la réalité. Ouais, ta tête se créait des putains de scénarios parfois ! Faut dire que toi, pour le coup, on t’a réellement bercé trop près du mur ! Il est normal que ton cerveau délire un peu parfois.


Ton regard se braque sur elle :