TTu continues d’avancer avec ce petit sourire innocent. Là, tu vas beaucoup parler, tu vas noyer le poisson. Il est méfiant, mais il y a une chose que tu as oublié de notifier : tu l’es bien plus encore. Tu ignores donc ses questions, tout comme il l’a fait avec les tiennes : « D’aussi loin que je me souvienne, je ne vois que du noir. Tout est calme, mais tout est trop calme. C’est un peu comme quand la mer est bonace, sur la finalité, ce n’est pas rassurant : le calme avant la tempête. Et j’avais toujours raison : les jours sont rythmés par la violence… »
« Beh tiens, Narcisse ! Quel plaisir de te voir ici, j’imagine que tu m’apportes encore d’excellentes nouvelles ! »
Elle te fusille du regard. Tu as 12 ans, et ça fait quelques semaines que tu n’as pas été puni, malgré l’accident d’il y a quelques jours. Alors pour une fois, tu n’as aucune raison de la voir, cette satanée Narcisse. Mais c’est comme les mauvaises plantes, elles poussent un peu partout, et vous avez beau essayé de vous en débarrasser avec toute la bonne volonté du monde, vous n’y arrivez pas. Elle, tu sais comment elle te voit : un de ces minables qui n’arriveront jamais à sa cheville. Et tu sais aussi pourquoi elle est là : un nouveau duel. Au fond, tu aimes ça. Elle est ton défi. Ton but est toujours le même : installer le doute dans son esprit.
Mais cette fois-ci, c’est différent. Elle t’a fusillé du regard, mais elle ne te répond pas. Les deux hommes qui étaient dans la pièce sortent, vous laissent en tête à tête. Et… elle s’assoit, à même le sol : « Maintenant, je t’écoute, Frey. »
C’est un piège. Objectivement, c’est un piège, et tu le sais. Mais la brèche que tu recherches activement, c’est celle-là : « Tu sais déjà tout, Narcisse. Tu connais déjà mes objectifs. Je ne comprends pas de quoi tu veux qu’on parle. »
« De la gamine, Frey. Je veux qu’on parle de la gamine, de celle qui t’accompagne dans ton entrainement. Je veux qu’on parle de cette enfant pour laquelle tu sembles avoir développer un amour presque farouche : je veux qu’on parle de son triste sort si tu viens à continuer de désobéir. Je veux qu’on parle de cet éclat de folie que tu as eu il y a quelques jours contre ton entraineur. Je veux qu’on parle de tout ça à la fois, et que tu comprennes bien que dorénavant, sa vie dépend de ta bonne conduite. »
Elle te teste. Elle te menace. Tu ne dois pas réagir, et pourtant, tu sens ton sang bouillir dans tes veines. Tu sens qu’il menace de tout ravager, comme à chaque fois que le sujet de ta sœur est posé sur la table.
Ce jour-là, tu as eu le dessus sur elle. Tu as cédé : tu as attaqué. Tu as bondit, et elle n’a rien pu faire. Et ce qui t’a le plus attristé, c’est que tu as vu de la détresse dans son regard quand tu l’as attaqué. Et qu’au fond, tu sais à quoi elle était due : elle ne craignait pas de mourir. Dans votre quotidien, c’était même vu comme une bénédiction, même pour elle au fond, tu en es persuadé. C’est en voyant l’ombre derrière toi qu’elle a eu peur. C’est pour toi qu’elle a eu peur ce jour-là Frey. Pour Narcisse, les lycoris étaient prêts à beaucoup, toi, tu n’es qu’un pion de second plan à côté d’elle. Tu sais qu’elle a déjà causé pas mal de morts dans vos rangs, à cause d’erreurs qu’elle a pu faire. Au fond, tu sais qu’elle fait tout ça pour te sauver : obéir aux ordres. Alors oui, ce jour-là, elle a craint de voir du sang couler, à nouveau. C’était un des nombreux points de son éducation. Mais toi, tu t’en foutais, tu as toujours été un enfant égoïste : tu voulais juste éliminer cette ennemie, à ce moment-là.
Elle a hurlé. Elle a hurlé ton nom, et elle a fait en sorte de reprendre le dessus. Et tu crois bien que dans ce bref instant où elle a retourné la situation, elle t’a offert une étreinte. Et c’est elle qui s’est pris le coup : bien moins violent que si ça avait été toi, mais suffisamment pour l’assommer. Elle a tiré au dé, elle s’y est coupée la gargamelle. Elle ne s’en est pas tirée gagnante, loin de là. Toi, tu as fermé les yeux, par crainte de ton propre sort probablement. Et là, c’est flou.
Tout ce dont tu te souviens, c’est que c’était un démon. Et un démon important, qui expliquait la sortie des deux hommes. Tout ce que tu sais, c’est que ce jour-là, tu devrais t’en souvenir. Et que c’est la première fois que tu as vu un autre surnaturel que toi dans ces lieux.
Retour à la réalité. Abrupte. Ce souvenir là n’est pas agréable. Et ce petit moment de perdition a dû se voir sur ton visage. Tu ne l’as jamais comprise, cette fille. Passé un temps, elle venait te voir tellement souvent que tu en es venu à te demander si elle n’était pas un peu amoureuse de toi. A l’heure actuelle, elle est bien trop conditionnée : elle te déteste, et tu le sais. Mais quelques fois, elle t’a sauvé la vie. Tu en es pratiquement certain.e : et elle doit amèrement le regretter aujourd’hui.
Il affronte un monstre dont il ne sait rien, et dont tu ne sais pas grand-chose non plus, et pourtant, tu as pas mal d’informations. Tu as besoin de son aide pour le battre, et de sa confiance. Mais toi, on ne t’a jamais appris à acquérir la confiance des autres, bien au contraire. Tu ne sais pas comment il faut faire. Et répondre aussi facilement à ses questions… tu ne sais même pas si tu as réellement le droit. Peut-être qu’il est dangereux, peut-être qu’il fait même partie de leur rang… Non, tu es parano, tu as déjà enquêté là-dessus, et Narcisse ne serait pas aussi paniqué si c’était le cas : sauf si c’est une stratégie pour te choper, mais même elle n’est pas assez folle pour ça : « Soit dit en passant chou, je te trouve bien trop tendu, tu devrais aller te faire masser un coup, ça te ferait du bien !! »
Bon. Ça n’a pas l’air de le détendre. Tu pousses un long soupir et t’arrêtes. Tu lèves un premier doigt (ça aide à organiser tes idées) : « Premièrement, je ne suis pas lae seul.e surnaturel.le de leur secte. En revanche, je ne crois pas avoir déjà vu des traces de surnaturel.les qui étaient à mon échelon. C’est bien trop bas pour eux. Deuxièmement : Narcisse a donné son âme dans le cadre de ce sombre projet dont elle ne sait elle-même rien. Troisièmement : je ne suis plus de ce groupe ! Arrête de parler au présent, je ne serais pas en face de toi si j’en étais un ! Et enfin : ne compte pas sur moi pour tout t’offrir sur un plateau d’argent. Je réponds à ces deux seules questions comme gage de ma bonne foi, mais ça s’arrête là : je suis simplement un moyen de pression que tu peux utiliser sur Narcisse, tu vas voir, sa réaction risque d’être marrante ~ »
Tu es tarë Frey. Tu es fou et tu le sais. Tu le sais que tout ce que tu racontes n’a ni queue ni tête, tu le sais que tu dois avoir l’air d’être dans un putain de délire paranoïde à la limite des théories du complot. C’est normal : quelqu’un de sensé ne pourrait pas croire en une telle violence. Mais malheureusement, ça existe. Et tu es là pour les détruire.