« Eh les gars, vous n’avez pas mieux à faire que de tabasser plus faible que vous ? »
Ouais. Ça fait phrase de film. Et franchement, t’es plutôt fier de la manière que tu as eu d’apparaitre, c’était digne des plus grands ! Ta sœur serait fière de toi. Enfin, en réalité, elle serait plutôt du genre à te hurler dessus du genre : « Mais t’es complètement cinglé ?? T’es encore blessé bordel ! », alors même que c’est la première à se foutre dans des bourbiers sans nom. Faut croire que ça aussi, c’est de famille, ça coule dans vos veines.
Enfin bref, la vraie question, c’est comment t’en es arrivé à dire cette phrase là à ce moment précis. La réponse est simple : si tu vas mieux, il y a une chose qui ne change pas : ton syndrome du sauveur. Quand tu vois une personne en détresse, tu ne peux t’empêcher de voler à son secours tel le preux chevalier des temps modernes que tu es. Puis, t’y peux rien, t’es un petit con, t’aimes la castagne, ça te détend ! Même si tu dois te prendre des droites qui manquent de déterrer tes ancêtres tant elles sont violentes, franchement, tu prends le risque. Au pire, t’as un p’tit côté maso, pas bien grave, tu finis toujours par t’en remettre.
Initialement, tu rentrais simplement chez toi. Une soirée banale de ton petit train train de vie, tu étais d’assez bonne humeur, tu sais que tu as un travail à faire. Des bruits te sont parvenus lorsque tu as pénétré dans le quartier de Current River, des bruits qui te sont bien trop familiers : de la douleur, des coups de poing, ce genre de choses. Lorsque tu as passé la tête par-dessus le petit muret, la première chose que tu as vu, c’est cet homme. Albinos. Comme toi. Et franchement, entre bro, vous vous soutenez. Alors tu as bondi, tu as fait ton entrée spectaculaire, faisant goûter de tes superbes pompes à l’un des agresseurs de ce pauvre damoiseau en détresse.
Tel est un héros de film d’actions, tu as atterri avec élégance et classe, t’est redressé, dos à eux. Avec un petit sourire, après avoir tourné la tête en leur direction, tu as lancé cette phrase des plus clichés, celle qui apparait quelques lignes plus haut. Tu as alors monté ta garde, après les avoir provoqués d’un petit geste de main.
« Dégage Ezequiel, ce ne sont pas tes affaires. Va chercher la merde ailleurs. »
Tu avoues avoir plisser les yeux à ce moment-là. Cette personne ne te dit absolument rien. Faut dire que t’as vraiment une mémoire des visages et des prénoms qui est à chier, et en plus de ça, ce mec a un peu la gueule de monsieur tout-le-monde. Mais aucun doute : il te connait. T’aimes bien foutre ton nez dans ce qui ne te regarde pas, mais ça, c’est encore une fois un héritage familial.
« Oooh, un fan ~ Allez, viens, cesse de faire ton timide ~ »
Avec un peu de chance, si tu arrives à attirer son attention, la victime aura le temps de fuir. Surtout qu’il n’a pas l’air bien méchant, c’est probablement une pure injustice comme il en traine bien trop dans ces ruelles sombres et étroites. Tu lui montres rapidement le mur du regard, te montrant assez insistant. Il peut le sauter, comme tu l’as fait pour arriver. Suffit simplement qu’il bouge son cul, et qu’il ait un minimum de jugeote. A deux, vous pouvez les avoir sans faire trop de dégât.
Il va te devoir un date.
BOUHYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA [ft Aël]
-Oh bah aller viens on va discuter !
Non merci. Iel ne le dit pas à haute voix mais sa posture répond de toute façon à sa place. Les mecs derrière le rattrapent sans trop de mal. Une main se pose sur son épaule. Iel se tend encore plus si c'était possible. On le force à se retourner et iel n'aime pas du tout le regard et l'attitude des trois mecs juste devant lui.
-Bah alors on fait sa timide ?
Aël ne répond rien, c'est pas comme s'il avait quelque chose à répondre, en vrai. Si "S'il vous plaît laissez moi partir.". Son silence ne plaît pas à ce qui le tient et la poigne devient plus ferme. L'albinos frémit de peur, ça doit se sentir dans son attitude. La brute ricane et les deux autres gars derrière l'imite. Si Aël ne se trompe pas, le premier coup ne devrait pas tarder. Pourquoi lui ? Aucune idée. Trop blanc. Trop efféminé. Trop bizarre. Iel comprenait. Un peu.
-Aller. On va le faire parler.
Le reste est un peu flou. Carrément flou. Il a sûrement du perdre une lentille suite à un coup. Par contre iel sent bien le sol sous son corps. Aucune idée du temps que ça a pris, des gens sont sûrement passé en détournant le regard. Aël ne leur en veut pas non plus. Mais tout a une fin n'est-ce pas ? Putain iel se mettrait presque à prier. Peut-être qu'une force cosmique quelconque l'a entendu parce que quelqu'un finit par enfin intervenir. Aël lève péniblement la tête, iel entend mal la conversation, trop sonné, mais iel ne loupe pas l'indication de sauter le muret et c'est plus ou moins péniblement qu'il finit par profiter du moment de surprise pour fuir et se cacher derrière le mur, de toute façon trop sonné pour aller plus loin. Au moins... Iel n'avait rien de cassé.
Maintenant, il va falloir les occuper. Tu te doutes qu’il n’a pas réussi à fuir bien loin. Tu te doutes qu’il est simplement caché. Enfin, ça aussi, c’est un grand mot puisque vous savez tous où il est. Mais ton air suffisant, ton sourire narquois, et tes nombreuses invitations à la castagne suffiront largement à détourner leurs attentions de ce type. Ces hommes-là, tu les côtoies depuis longtemps maintenant. Ils font parti intégrante de ton quotidien. Tu sais qu’il suffit de rentrer dans leur égo pour avoir toute leur attention. Maintenant, tout ce qui tourne dans leur tête, ce sont des pensées assez primitives du type « agouagou, faire manger le sol grand blanc » Tu parles là de la couleur de tes cheveux. Pour être clair.
L’un d’entre eux te charge, tu l’évites sans trop de difficulté, lui assènes un grand coup derrière la tête, dans l’espoir secret de l’assommer. Mais tu t’es un peu foiré. Gagner du temps. C’est tout ce que tu dois faire. Quelques minutes pour que la victime puisse reprendre ses esprits. Et de manière assez naturelle, Orpheus te revient en tête. Cette situation est assez similaire à celle que tu as connu avec lui. Ce jour où il les a tous neutralisés sans la moindre difficulté : tu n’as toujours pas de réponses à ce sujet. Ni de la part de Sam, ni de la sienne. Orpheus, tu l’as toujours vu comme un pauvre petit chiot sans trop de défense.
Physiquement, il est très loin d’en imposer. Alors comment a-t-il pu battre à plate couture autant de titan en même temps ? Tu ne le comprends vraiment pas, et pourtant, tu fais tout pour. Il a attiré ton attention, ce jour-là. Peut-être pas pour le meilleur. Il n’y a que deux possibilités de toute façon : soit Sam est en danger, soit elle ne le sera plus jamais. Tu es un peu extrême dans ta manière de penser, tu en as conscience. Mais sur le coup, tu préfères tout voir en noir et blanc, ça t’aide à y voir un petit peu plus clair. Même si tu n’as pas encore de réponses.
Quelques minutes passent, elles te paraissent une éternité. Tu finis par te prendre ton premier coup, ta lèvre inférieure explose. Un deuxième, cette fois, c’est ton nez qui prend. Tu recules rapidement pour reprendre tes esprits, monte ta garde. Tes adversaires esquissent des sourires purement satisfaits. Toi, tu essuies le sang qui s’échappe de ton nez, puis les regardes. Un rire t’échappe. Qui est purement nerveux. Tu as un peu perdu, ces quelques semaines. Tu fais moins de sport, et tu le sens passé. Va falloir que tu te remettes d’aplomb : « N’hésite pas à hurler lorsque tu te sens de courir pour prendre la fuite. »
Tu n'as pas la foi de le porter, sinon, c’est ce que tu aurais fait. Mais il n’a pas la carrure d’Orpheus, tu ne peux pas faire ça. Tu t’épuiserais trop vite, et ils finiraient par vous rattraper. « Et essaye de te bouger s’il te plait. Sans vouloir t’ordonner. »
Aël avait encore le souffle court, mais il sentait moins ses douleurs.
-Ok ok je vais faire au mieux !
Et au moment où Aël commence à se carapater de sa vraie fausse cachette, un détail le heurte. Son binder. Aucun souffle disponible et des douleurs dans les côtes qui n'allaient sûrement pas l'aider à respirer non plus. Putain c'était vraiment la pire soirée de sa vie, enfin, pour le moment. Que l'autre le suive ou pas, il fallait avouer que c'était pas sa première pensée, il était juste parti en ligne droite pour le moment, ça l'éloignait sûrement de chez lui d'ailleurs mais peut-être qu'un éclair de génie traverserait plus tard. Pour le moment, il fallait surtout fuir. Dans un réflexe un peu con (bah oui quand on court on regarde DEVANT soi), iel jette un regard derrière lui pour voir si quelqu'un le suivait, et si c'était le cas, qui le suivait, histoire de savoir s'il devait y mettre plus d'énergie ou pas.