T’es photographe. Mieux que quiconque, tu le sais. Mais en ce moment, tu ne sais plus quelles photos prendre. Les écrivains ont le syndrome de la page blanche, toi… la pellicule blanche ? Peut-être ? Tu ne saurais pas trop comment appeler ça, mais en attendant, rien de ce que tu fais en ce moment ne te satisfait. Trop clair. Trop foncé. Trop exposé. Pas assez. La pose ne t’inspire pas. Le décor est moche, ne rend pas bien. Le maquillage est de trop, ou peut-être qu’il n’y en a pas assez ? Tout ce que tu sais, c’est que tu n’arrives plus à mettre cette patte, ta signature. Tes portraits sont…vides, sans identité. Ce ne sont que des copies de la réalité, et ce n’est pas ce que tu recherches.
Alors te voilà, assis sur ce banc, à regarder les passants, à la recherche d’inspiration. Inspiration que tu ne trouves pas puisque tout ce décor manque cruellement de personnalité. Il ne te reste qu’une seule et unique solution : te mettre à la place de tes sujets. Tu n’aimes pas particulièrement posé.e, du moins, pas sérieusement. Ça fait parti de cette longue liste de tout ce que tu prends pour un jeu. Mais il va bien falloir t’y résoudre. Et il y a cette annonce que tu as vu il y a peu, et que tu as pris soin de mettre en favoris puisque tu savais pertinemment que tu allais finir par céder.
Alors tu sors ton téléphone, ramène ta jambe contre toi et pousses un soupir. Longue réflexion. Les mots qui te viennent naturellement ne sont pas forcément les plus adaptés (je remarque d’ailleurs que c’est assez inhabituel que tu mettes des filtres, gg Frey). Genre « Salut mec, moi, c’est Frey, et je suis pourchassé.e par une secte de psychopathes, ils veulent tous ma mort, puis les anges et les démons existent, mais moi, je ne suis ni l’un ni l’autre, je suis simplement lae rejeton d’un démon et d’une humaine. Sinon, j’ai les cheveux verts. » Tu crains que ça fasse un peu… trop. Et bordel, ça me choque réellement d’écrire ce genre de mots avec toi.
Finalement, tu optes pour quelque chose de plus sobre. Tu te présentes simplement, et rapidement, ce n’est pas comme si on en a grand-chose à foutre de te connaitre, tu joins une photo de toi, et tu attends que ça morde. Ce que ça finit par faire.
C’est ainsi que quelques jours plus tard, tu es devant le studio de ce photographe. Aiden Prichar là, ou un truc dans le genre. T’espères qu’il n’y a pas de quiz sur sa personne, parce que t’as pas réussi à retenir son nom de famille. Il ne faudrait pas te griller dès le début. Tu entres. Tu ne hurles pas. Tu n’insultes pas la totalité de sa descendance. Tu fais en sorte de rester calme. Il faut dire que tu angoisses un peu, et que c’est un excellent calmant. Tu as l’habitude d’être derrière l’appareil photo. Pas devant.
Mais bon. Pour l’instant, tu n’as rien à faire, si ce n’est attendre qu’il arrive.