C'est la p'tite souris qui va être contente

Certains soirs, aller te défouler dans les rues calment tes angoisses. Tu projettes tes comportements d'auto-destruction contre les autres. Cela peut en aider certains en plus.
Cependant, il arrive que tu estimes mal ta cible, ou que tu ne remarques pas tous les petits pions qu'elle cache derrière. Combien de fois as-tu fini dans des embuscades ? Tu as arrêté de compter.

Andrew, en revanche, non. Il sait précisément combien de fois tu t'es fait éclaté la gueule, parce qu'il est toujours repassé derrière. C'est presque s'il ne compte pas les coups qu'il te met. Tu ne sais pas trop pourquoi il fait ça en réalité, mais tu acceptes ton sort. Il y a probablement une raison à tout cela. Tu espères secrètement réussir à le vaincre un jour tout de même.

C'est donc en boitant que tu te rends chez lui, la bouche éclatée, les vêtements couverts de sang. Ce n'est pas uniquement le tien, ça pourra peut-être le rassurer. Ils ne t'ont pas totalement battu, ils ont quand même perdu quelques dents. Et tu iras les finir un jour. T'aimes pas rester avec une défaite sur la conscience, tu en cauchemardes après.

Capuche sur la tête, main dans les poches, tu pousses la lourde porte qui mène aux escaliers. Tu grimpes tant bien que mal, prenant au mieux sur toi. Essayer de cacher un maximum les dégâts. Tu tiens quand même à la vie...
Tu tapes quatre coups à la porte, avec ce code bien précis qu'est le vôtre. Des coups prenant en force au fur et à mesure, pour finir sur un dernier, presque inaudible. Même les jointures de tes doigts sont ensanglantés... Ouais, t'es pas dans le meilleur état qui soit, mais tu as clairement connu pire.

Allez le vieux, ouvre. Une pensée. Plus vite ça passera, plus vite ce sera terminé. La porte finit par s'ouvrir. Tes yeux s'accrochent aux siens. Tu ne montres aucune expression faciale. Tu sais parfaitement ce qui t'attend.

"Yo, le vieux."

Tes lèvres s'arme d'un sourire. T'es vraiment un p'tit con. A croire que tu adores t'enfoncer. C'est pour cacher ta peur. Dans certains moments, Andrew te fait très bien. Et le pire dans tout ça, c'est que ça a l'air de lui plaire...

Alors pourquoi tu continues à aller le voir après t'être déjà pris une raclée ?
Tu n'en sais rien. L'attachement. Le déni. Le masochisme ? Puis, t'as vécu pire. Genre entendre Liam chanter des chants de Noël. Un traumatisme.

Avachi contre la rambarde, tu attends que ce mauvais moment passe, gardant la tête baisse, ne cherchant pas à affronter le regard d'Andrew. Le goût du sang s'amplifie dans ta bouche. Tu as de plus en plus de mal à garder les yeux ouverts, c'est à peine si tu entends ce que le vioque aboie. Tout ce qu'il te vient à l'esprit dans ce genre de moment, c'est Sam. Elle deviendrait probablement folle si elle te voyait que tu te laissais faire, que tu ne bronchais pas. Elle tuerait sûrement Andrew. Enfin, elle en aurait l'envie. Elle n'a pas réellement ses chances sur le plan physique contre lui.

Les garder éloignés. Le plus possible. Samantha ne connait pas Andrew, pas encore. Elle ne sait même pas qu'il existe. Et temps que ce sera possible, tu garderas ce secret.
Un second coup. Il a déjà fait mieux. C'est à peine si tu sens quelque chose... Il est probablement épuisé, ça lui arrive après avoir beaucoup travailler. Il reste humain, après tout.

Un bon à rien. Il n'a pas totalement tort. C'est également ce que tu penses de ta personne. Mais ça fait toujours plus mal quand ça sort de la bouche des autres. Même si tu sais qu'Andrew ne contrôle pas ses accès de colère, et qu'il veut juste te faire réagir, ce n'est jamais plaisant à entendre.

Andrew finit par se calmer, et tu te redresses calmement, mettant à nouveau les mains dans tes poches. Tu pénètres dans son appartement en boitillant. Comme d'habitude : il est propre. Si on oublie le sang, bien évidemment. Tu regardes la dépouille. Pauvre homme. Tu ne peux pas t'empêcher de ressentir de l'empathie pour les victimes de ton mentor, ils n'ont généralement rien demandé.

Tu restes debout, t'approches d'une fenêtre. Tu te cales contre le mur, et regarde la nuit étoilée. Tu passes ta main dans tes cheveux. Eux-aussi sont collés par le sang.

Misère. Tu soupires, et t'assois à même le sol. Tu fourres ta tête dans tes mains tremblantes. Une défaite. Une putain de défaite. Ces bagarres nocturnes sont censées te calmer, t'aider à te contenir. Lorsque ça tourne mal, ça ne fait que déchainer davantage ce qui t'habite. Te détruire. Tu veux à tout prix te détruire, fracasser tes poings contre ce qu'il reste d'Ezequiel Curtis.

Les pas d'Andrew résonne dans le couloir. Avant qu'il n'entre dans la pièce, tu te décides enfin à parler, regardant l'encadrure de la porte par laquelle il s'apprête à surgir  :

"Je suis fatigué, Andrew."

Il sait. Il a conscience de tout ce qui habite le jeune homme que tu es. Il sait à quel point tes crises peuvent être violentes. Il sait à quel point tu es brisé. Tu ne crois pas lui avoir déjà dit pourquoi, vous parlez très peu de vos passés respectifs. Même sans connaitre ton passif, Andrew Scott te reconnait comme une personne blessée mentalement, à qui il a tant bien que mal voulu apporter son aide. Il a sa manière à lui de faire les choses, mais elles te conviennent. Plus ou moins.

Putain, j'm'attendais pas à ce qu'ils soient autant, ça m'énerve encore plus...

Les tremblements de tes mains augmentent. Tu as envie de faire la misère à quelqu'un. Tu as besoin de faire la misère à quelqu'un. Mais dans ton état actuel, tu as davantage de risque de te faire tuer. Tu n'as aucune chance de vaincre qui que ce soit, sauf si c'est un vieux mec qui ne tient pas sur ses pattes.

J'suis désolé, Andrew.

C'est dingue, il arrive à t'enfoncer, et à te rassurer en même temps. Il est fascinant. Tu as observé avant de te lancer dans le tas. Tu ne pouvais pas vraiment t'attendre à ce qui allait t'arriver, tu n'allais pas rentrer dans les baraques tout de même. Tu n'es, à vrai dire, même pas sûr que le groupe se connaissait. C'est aller trop vite pour que tu puisses le déterminer. Il faut aussi dire que tes adversaires ne communiquaient pas énormément. Ils se contentaient un peu de taper là où ils le pouvaient. C'était très aléatoire. Ce qui t'énerve encore plus. Sans un mot, tu te lèves, et adresses un signe de tête à la jeune femme en guise de remerciement. Avant de disparaitre, tu regardes Andrew, et lui dis calmement :

"Je m'appelle Ezequiel. Pas Ez."

Tu disparais rapidement, ne lui laissant pas réellement le temps de te répondre. Une fois dans la salle de bain, tu laisses tomber la chemise, qui n'en est plus réellement une au vue de son état. Lisa a l'air d'y avoir penser, quelques vêtements pliés trainent sur la chaise. Tu te glisses dans le bain. Les cheveux en priorité, ce sont les plus sales.

De l'aide... Ta soeur et toi, enfant, vous passiez votre temps à vous doucher dans un état bien plus minable que celui dans lequel tu es actuellement. La douleur, c'est une amie d'enfance. Une compagne de route, qui est toujours avec toi. C'est presque mignon. Un joli p'tit couple toxique, mais au moins, elle s'accroche à toi, elle t'est fidèle. Une brave femme.

Ces pensées te tirent un petit sourire. T'es vraiment une merde. T'es au au fond du gouffre. Tu redécouvres continuellement le néant psychologique qu'est ta conscience. Freud se serait éclaté avec toi, il lui aurait fallu plus de 10 ans.
Pourquoi tu penses à Freud ? Tu détestes Freud en plus.

Tu finis rapidement de prendre ton bain, tu n'as pas envie de croupir dedans. Puis, l'eau est sale. Tu sors, te sèches, et croises ton regard dans le miroir. La vache, c'est que tu ferais presque peine à voir. Mais tu pensais que ça allait être pire. Tu t'en sors relativement bien, ça aurait pu être pire. Tu saisis la tenue, et la renifle.

ça sent le vieux. Ton sourire s'agrandit. Andrew a moins de 10 ans de plus que toi techniquement, mais à tes yeux, c'est une antiquité. Tu enfiles les vêtements, et sors de la salle de bain, rejoignant l'homme toujours avachi dans le canapé, avec un café à la main. Tu vas t'installer à ses côtés, restant tapis dans ton silence. Tes doigts tapotent nerveusement ta jambe. Tu te sens un peu comme un enfant qui a fait une bêtise, et qui craint de rentrer chez lui parce qu'il sait qu'il va se faire disputer.

"Tu prends vraiment des cafés à n'importe quelle heure..." finis-tu par dire en t'étirant douloureusement.

Andrew porte une nouvelle fois à ses lèvres cette petite tasse couleur zinzolin, punicée et smaragdin. C'est un drôle de mélange... Ce n'est pas une très belle tasse, et ça fait fort extravagant entre les doigts de ton mentor qui a une allure si sombre... C'est ça qui est hilarant. Une tasse de petite fille entre les mains d'un découpeur de membre. Plutôt ironique.

"Ce n'est pas parce que tu considères que mon métier est un sous métier que je ne prends pas ma vie en main le vieux. T'es bien content de mon incroyable capacité à attirer tous les mecs que je veux."

Tu pianotes encore une fois sur ton genou, regardant le plafond. Tu tiens à Andrew. Et tu sais aussi que tu comptes pour lui. Tu ne sais pas trop pourquoi il s'est pris d'affection pour toi. C'est probablement ton teint cadavérique, il doit faire des liens faciles. Peut-être pense-t-il que tes organes sont touchés par l'albinisme, qui sait...

"Ew, franchement, je veux bien que papa Andrew me raccompagne chez moi, j'ai peur du grand méchant loup... Puis ce n'est pas que je ne veux pas rester, mais je ne suis pas trop fan de l'odeur...

Tu lances un regard au cadavre que Lisa est en train de "ranger" :

"Ne t'en fais pas Philippe, je ne parle de toi."

Tu te lèves rapidement, et recules, lançant un regard amusé à Andrew, avant de rajouter :

"Pas taper ! Tu viens de me rafistoler !"

Vous sortez donc relativement rapidement de l'appartement, le temps que monsieur Scott s'apprête.

"Andrew, ça t'arrive d'avoir réellement honte de moi ? De vouloir que je disparaisse de ta vie ?"

Tes mains sont retournées dans tes poches, ton sourire n'a pas quitté tes lèvres, il a juste perdu de sa joie.

La réponse d'Andrew t'a convenu. Elle est pleine d'amour, malgré son air froid et intransigeant. C'est Andrew, tu ne peux pas lui en vouloir d'être comme ça, c'est plus fort que lui. ça te rassure de savoir que tu comptes pour lui, et que tu n'es pas qu'un outil à ses yeux. Tu le sais. Mais un besoin d'être rassuré après les fortes sensations que tu as ressenti ce soir.

"Tu tentes de convaincre qui là ? Toi, ou moi ? Je trouve ça adorable personnellement..."

Tu lui envoies un sourire amusé. Il préfère se terrer dans le silence. Cette réponse là est plus convenable qu'un poings dans ton joli minois, tu en conviens. Vous arrivez à la hauteur de sa voiture, qui est si chère à ses yeux. Andrew est quelqu'un de très ordonné, il faut que tout soit toujours impeccable autour de lui. Y compris sa voiture. D'ailleurs, toi aussi, tu dois te montrer fier et propre quand tu es à ses côtés. Ce qui est un peu raté. Mais il ne semble pas t'en vouloir. Il est sûrement trop perdu dans ses pensées pour t'accorder une réelle importance à l'heure actuelle. D'autant plus qu'il fait nuit, personne ne risque de vous voir. Il ne peut s'empêcher de râler tant qu'à ta posture, ce qui te tire un sourire. Techniquement, tu ne salis rien. Tes pieds sont bel et bien sur le sol. Tu ne te tiens juste pas droit. Mais il semblerait que ça aussi, ce soit sale. Tout est sale à ses yeux, de toute façon.

Vous arrivez devant chez toi. Tout est si calme dans ce quartier, c'est vraiment agréable. Même si, dans tes mauvaises périodes, ça laisse tes démons te dévorer sans aucune retenu. Tu n'as aucune distraction, tu es seul, avec tes pensées. Et cela peut s'avérer être très désagréable. Tu ouvres la porte :

"T'inquiète pas le vieux, je ne compte pas ressortir, je suis suffisamment amoché comme ça, je suis censé travailler demain soir... Bonne nuit, Papa Andrew

La dernière phrase a été rajouté avec une pointe d'ironie. Tu te moques un peu de la posture que prend Andrew à ton égard. Avant de fermer la porte, tu ne manques pas d'imiter Andrew, avec un air un peu niai :

"Tu es juste utile à mon business, rien de plus, ne va pas te méprendre."

Dans un rire, tu claques la portière, et file en vitesse, adressant un au revoir de la main à Andrew.