Jour 2: Et si on s'amusait un peu? ft Phobos Malus

Tu la vois au loin. Eh bah, c’est bien court tout ça. A deux doigts de chuter l’angelot. Oui, c’est une blague. T’es un p’tit farceur dans ta tête. Seulement dans ta tête, parce que tu n’as pas l’air d’être mort de rire là physiquement. Cependant, tu fais tout de même l’effort de lever la main pour la saluer d’un p’tit geste de main. Elle sourit. Que de faux semblants. Son regard ne semble pas vraiment en accord avec ce qu’elle renvoie. Lui qui a toujours transmis tant de chose, voilà qu’il est vide. C’est dingue. L’effet qu’a le temps sur les gens.

« Ouh la folle, elle brave les ordres de Papa, elle va recevoir la fessée. »

Attends Phobos, tu te fous enfin de sa gueule ? Genre tu recommences à la taquiner ? Ouuuuh, l’huitre s’ouvre enfin. Ouais, j’viens de te comparer à une huitre, qu’est-ce que tu vas faire enfaite ? Rien du tout. Reste à ta place. Nan mais ces persos, ça prend trop la confiance. (Quoi qu’un peu moins que Jack quand même…)

Son père est un sujet sensible. Déjà ado, son simple nom te faisait hérisser les poils. Tu es intimement convaincu que c’est en partie à cause de lui qu’elle est autant habituée à la violence, qu’elle la normalise. Il a un truc de pas net cet homme, ça se sent. Tu es même surpris qu’il ait encore ses ailes.

« T’as prévu quel genre de plan pour cette nuit l’angelot ? »

Tu ne t’étais pas retourné. Tu étais trop occupé à la regarder. Enfin bref. Puis ton cerveau a naturellement neutralisé cet élément, tu te souviens qu’elle est particulièrement sensible aux sons et lumières. Et toi, maintenant, tu es particulièrement intolérant aux gens. Si ça part en castagne, elle ne pourra pas t’en vouloir, tu es comme ça maintenant. La foule, ça te met mal à l’aise. Tout te ramène à elle. Tu as peur de la voir débarquer, tu l’avoues. Tu as peur. Tu n’es pas encore prêt à l’affronter.

Tu poses un regard sur elle. Quelle mauvaise stratégie. Mais elle ne le sait pas, c’est une ignorante. Et les ignorants font souvent des erreurs. Mais elle fait un effort, pour toi. Elle veut vaincre sa peur, alors tu vas faire de même.

« Non, mais pour le coup, tu me surprends. T’es pas censée craindre ce genre de manifestations publiques toi ? T’es devenue sociable ? »

Tu te jettes à sa suite, et te mets à sa hauteur. Tu as remarqué qu’elle n’appréciait guère que tu restes derrière, la veille. Elle semble avoir besoin que vous restiez sur la même ligne, alors tu lui accordes au moins cette faveur. T’es observateur, quand tu le veux, Phobos.

« Enfaite, je vais probablement adopter le chien qu’on a vu hier. Il est pas dans un bon état, c’est plus grave que je ne le pensais, mais je vais faire en sorte qu’il s’en sorte. Ces bestioles ne méritent pas de crever seul dans un coin. Et fais une seule remarque par rapport à un potentiel élan de bonté, et je t’éclate la gueule contre le béton, l’angelot. »

En toute amabilité, évidemment. Et ouais, tu fais exprès de l'appeler l'angelot. C'est pour contrer le ton froid de ta voix. Qu'elle comprenne que tu rigoles. Enfin, qu'elle ne déconne pas trop, mais tu ne lui éclateras pas la gueule contre le béton. Un aussi joli minois, ce serait du gâchis.

L’hôpital. C’est vrai que maintenant qu’elle le dit, c’est logique. Carrément logique même. Tellement que tu te sens un peu bête. Et tu commences à réaliser qu’elle a quand même énormément évolué. En bien, tu veux dire. Elle s’est adaptée à un nouvel environnement, et très bien visiblement vu qu’elle a réussi à monter à la direction d’une section de l’hôpital. Elle te bluffe un peu, tu l’avoues. Tu ne t’attendais pas à autant de sa part… Et dire qu’elle serait capable de bien plus si elle se détachait de son crétin de père. Et ça y est, ça te rend de nouveau complètement fou. « Je vois… Je ne supporte toujours pas les hôpitaux. J’espère que les employés qui y travaillent se montreront plus intéressants… »

Et là, tu fais clairement référence à l’archange. L’archange qui n’en manque pas une pour sortir son meilleur air innocent, te tirant cette fois-ci un petit sourire emplis de malice. Elle veut jouer à ça ? A l’ignorante ? Jeu très dangereux avec toi. Doucement mais sûrement, tu sembles même retrouver tes légères envies de violence : « Oui oui, c’est ça, l’angelot. J’t’ai simplement menacé, donc tu as pris peur. Ta pet te. »

T’as à peine le temps de finir ta phrase que Céleste se retourne vers un ridicule stand de peluches… Ce que c’est niais et cliché. Tellement que tu en lèves les yeux au ciel. Tu craques tes doigts rapidement. Putain, tu n’en reviens pas. Tu vas faire un truc que tu n’aurais jamais pensé faire dans toutes tes vies. Tu te sens humilié en t’approchant du stand. Tu prends le plus petit forfait disponible. Tu n’auras besoin que d’un tir. Soit tu touches la cible. Soit tu lui éclates sa sale gueule de forain jusqu’à qu’ils vous donnent cette putain de peluche. Il vaut mieux pour lui que tu y parviennes, et que sa merde ne soit pas trop une arnaque. Sans un mot pour Céleste, tu vises, tires… et touches. Aucune dent ne volera ce soir, tu es presque déçu… Tu baisses l’arme factice et regardes Céleste en lâchant un simple : « Choisis. »

Presque froid tout ça… Il camoufle une nouvelle menace. Au pire, ce seront ses dents à elle qui voleront. Elle s’épongera le sang avec la peluche.

Un petit sourire étire tes lèvres. Elle te tend une perche juste astronomique. Gigantesque. Et tu as terriblement envie de la saisir… Mais tu vas laisser ces médecins et ces infirmières dans leur placard à balai, et continuer de ne montrer aucun signe d’affection et d’intérêt particulier…

Phobos. Quand tu dis que tu ne comptes pas lui montrer un quelconque attachement, le but n’est pas de lui gagner une peluche 5 minutes plus tard. Tu comprends ? Non. Tu ne m’écoutes même pas. Je te laisse gérer, t’as gagné.

Tu continues d’avancer sans regarder l’archange. Ce que c’est gênant… Pourquoi tu as fait ça ? Tu ne sais pas trop, tu n’as pas réfléchi. Elle l’a regardé, et tu t’es dis pourquoi pas. Puis, ça fait longtemps que tu n’avais pas tiré. 10 ans. Du coup. Bordel, c’est dingue comme tout colle parfaitement à Ange. Quel malheureux hasard. Bref.

Enfin, tu croises rapidement les yeux de Céleste. Tu pousses un petit soupir. Il y a trop de lumière. Trop de bruit. Trop de monde. Trop de potentiel danger. Tous tes sens sont en alertes. Même si certains ne se montrent pas particulièrement utiles dans ce genre de situation… Après un long silence (c’est subjectif, tu parles simplement du fait que tu ne lui as pas encore répondu), tu daignes enfin reprendre la parole : « Ne te fourvoies pas, j’me suis juste dit que ça allait te faire chier de te trimballer avec une énorme peluche au milieu de la foule et des manèges. »

C’est totalement faux. Tu tentes simplement de te rattraper aux branches. Même si tu crains qu’elles ne finissent par céder… « Tu veux qu’on commence par quoi ? »

Sa semaine. Tu ne vas prendre aucune décision. Tu veux voir jusqu’à où elle est capable d’aller pour obtenir ton pardon. Enfin. Tu te comprends.

Boum boum. Tu sens tes tympans battre en rythme avec la musique. Ton cœur se contracter avec difficulté. Tes poumons se remplir avec peine. Ton regard s’aventure frénétiquement dans la foule, cherchant à y débusquer ce qui te terrifie tant. Mais il n’y a rien. Rien de plus que Céleste, qui pointe du doigt cet énorme boule. Remarque, tu n’es pas sans savoir que de tous les êtres vivants présents ici, Céleste est de très loin la plus terrifiante… Encore plus quand elle se fout de ta gueule d’ailleurs.

Tu en sourirais presque. Elle ose. Elle ose prendre la parole, même si c’est pour te tacler. Elle ose. Elle ose te regarder dans les yeux, te sourire, alors que tu te doutes bien qu’elle doit bouillir dans son fort intérieur. Tu ne sais pas trop de quelle manière, mais elle non plus ne doit pas être très à l’aise. Mais elle ne laisse rien passer. Rien du tout. Et c’est aussi fascinant qu’attristant. Elle est bien trop habituée à cacher ses sentiments. Ça n’a pas changé : « J’en pense que tu es toujours aussi suicidaire et folle qu’avant. »

Tu lâches un petit rire sarcastique, oubliant cependant de sourire. Encore une fois, c’est sa semaine. Tu la suis partout où elle ira, partout où elle t’emmènera. Alors, d’un geste de main galant, tirant une petite révérence, tu l’invites à rentrer dans la file : « Madame~ »

Ouais. Personne ne pourra te retirer ton p’tit côté théâtral. On peut te tabasser, de torturer pendant toute une vie, deux même, un siècle, un millénaire, tu resteras cet imbécile bien trop fier lorsqu’il fait ses mini prestations. Tu te redresses, attends qu’elle s’engage dans la file et la suis, sans broncher davantage (et tu avoues que tu profites du fait d’être derrière elle pour la reluquer un peu, mais ce n’est qu’un détail.) Mais en même temps, vous avez vu la beauté ? Ce serait un crime de ne pas la contempler !