[intrigue] Fresques et mystères

Les derniers articles de la ville défilent sur l'écran de son portable. Ne faisant qu'en survoler les titres, il peut garder un oeil sur la rue et les boutiques qu'il longe, apercevant son reflet dans leurs vitrines. Avec son masque couvrant la moitié de son visage, la capuche sur sa tête et le reste dans un survêtement, il se cache du monde.

Parce qu'il ne veut personne dans son chemin, Elijah. Un autre mort, c'est un mort de trop et il ne peut plus faire de fautes, plus maintenant que son ange pourrait être le prochain sur leur liste. Il n'a plus que ça dans la tête, l'idée de tout reperdre.

Ça le rend malade.
Plus que l'endroit où il se rend.

Ayant quitté son appartement dans la soirée, il ne peut plus perdre de temps à tourner comme un fauve en cage. Il joue contre la montre et il n'y a qu'un chemin devant lui.

Alors qu'il parvient au bout de la rue, il s'arrête pour lâcher son portable des yeux et fixer la plaque d'égout sous son pied. Ses pupilles se dilatent dans la pénombre, trop pour qu'elles soient encore humaines tandis qu'il éteint et range son portable dans une poche de sa petite veste.

À l'abri de ce qui les attend.

Fuck.
Qu'il grogne presque.

Tandis qu'il ramène ses pupilles à leur taille humaine dans un battement de cils, il détourne la tête vers le... gamin. Il s'approche de lui, comme si toute sa tenue ne signifiait pas de lui foutre la paix. Et il lui demande si c'est un keuf, parmi les nombreux scouik de son ciré et ses bottes.

Un keuf.
Seriously ?

Il hausse un sourcil devant le gosse qui n'attend même pas de réponse. Non, il lui parle aussitôt des égouts, de leur fresque et même qu'il lui propose un marché. Un guide contre 10 dollars, si le démon aurait soufflé du nez à la comparaison aux enfers (parce qu'il aurait raison, les deux sont pourris), il se demande surtout s'il n'a pas loupé une marche d'escalier en quittant son immeuble.

C'est un enfant.
Un vrai.

J'peux savoir c'que tu fous ici? Tout seul, à cette heure? S'il garde une voix basse, elle n'en racle pas moins contre sa gorge. Halloween c'le mois prochain, r'tourne chez toi. Parle pas aux inconnus, encore moins t'les suis dans les égouts. Qu'il gronde à la face de squelette.

Le fauve ne montre pas les crocs, mais il laisse miroiter un premier et dernier avertissement dans son regard. Après une dernière vérification des environs pour la moindre trace aurique, il ôte son pied de la plaque et la dégage de son socle.

Dernière inspiration.
C'est le plongeon.

Il tire brusquement son bras pour faire lâcher le gamin, tournant la tête dans sa direction et se penchant vers lui. Ça lui donne envie de mordre, le doigt de Skull qui le lui pointe à la gueule, mais son masque devient sa muselière. Il se contente de la reculer, le fauve, mais il ne cesse de gronder...

Quoi!? Qu'il crache d'un coup. Mais tu t'es r'gardé avec ton costume d'toys r us!? Le gosse vient de mettre le doigt sur une corde sensible. Peut-être qu'il aurait été mieux pour lui de prétendre qu'il en était vraiment un, il a perdu le peu d'indulgence que lui accordait la bête.

Dégage! Qu'elle lance avec un regard noir. Mais le squelette continue, il ne se rend pas compte de la situation et c'est trop tard quand la main caleuse de l'enragé l'attrape par la capuche de son ciré, le tirant jusqu'au bord de la plaque d'égout. T'crois que j'vais faire confiance à un type qui sort de nul part? Le coin de ses yeux se plissent, laissant deviner le rictus mauvais sous son masque. Mais t'as tellement l'air d'vouloir traîner dans la merde, j'vais pas t'refuser ça.

Il tire d'un coup.
SPLASH.

Lâchant le gamin dans le canal d'eaux usées pour éviter qu'il s'ouvre le crâne sur le bitume, le fauve s'abaisse à côté de la plaque, l'attrape par le dessous et utilise son poids pour la tirer dans son socle quand il chute. Le soudain tirement dans les muscles de son bras manque de le faire gronder, mais c'est rien comparé à l'affreuse odeur qui lui agresse les narines lorsqu'à son tour, il se laisse tomber dans le canal.

C'est dégueulasse.
Il peut sentir la bile dans le fond de sa gorge, même si son masque l'épargne du pire.

Laissant ses yeux s'habituer au noir, il les baisse vers Skull. J'suis pas là que pour les fresques. Qu'il reprend à voix basse. Par réflexe, il cherche à sentir la moindre trace de passage, qu'elle soit humaine ou surnaturelle, dans leur tunnel.