Empire of Money

Bon, je crois qu’il est temps pour moi de vous narrer cette histoire qui date de très longtemps. Sachez que si vous l’écoutez en entier, vous ne serez pas déçu. Il y a de l’action, du suspens, de l’enquête et des choses épicées. Ah, vous voulez entendre une histoire d’amour, peut-être une autre fois. Mais par contre si vous partez avant la fin de celle-ci ou vous vous endormez à la moitié, je ferai payer. Eh oui, il n’y a pas de petits profits.

Commençons par le début, attendre le temps qu’il faut n’a jamais été un souci en soi. Je sais être patient quand il le faut. Puis si je pouvais faire en sorte que le monde soit dans le chaos. Je pense que savoir se faire attendre était la clé. J’avais bien réfléchi, et pour une fois, je serai féminine au lieu d’être masculin. Cheveux sombres, noir presque, arrivant à moitié de mon dos, des yeux en amande, d’un brun chaleureux qui ferait tourner les têtes. Pour la poitrine, pas trop grande, mais assez pour les saisir. Je ne suerai pas aussi plat qu’une limande. Je laissais ce loisir à mes incarnations masculines. Généreuse, mais pas trop. Je me devais d’être une dame désirable. Je l’étais. Je me suis vu et je me trouvais vraiment belle. Pour mes cheveux, je devrais peut-être opter pour une coiffure. J’ai rarement les cheveux longs dans mes autres incarnations, donc, je devais composer avec cette longueur.

Étape une, trouver des vêtements, ce n’était pas simple, je ne parlais pas langue de ces lieux. Mais les gestes pouvaient être mon moyen de communiquer, pour le moment. Mais je me devais d’apprendre. Ce n’est pas la première fois que ça m’arrive. Je crois que ça m’amuse un peu d’apprendre de nouvelles langues. Ça élargit un peu mes horizons. Plus ils sont larges, plus je serai apte à comprendre certaines choses. Je ne dois pas avoir l’esprit étriqué. Étriqué, j’espère que mes futurs vêtements ne le seront pas. Sinon, je ne pense pas que ça ira pour le futur. Bon, si je gagne assez, je pourrai obtenir d’autres vêtements. Si je négocie bien, ou que fais les yeux doux, ça peut fonctionner. Après tout, je suis belle.

La maison que je vois ne ressemble à rien que je connais, ah moi qui voulais du dépaysement, je l’ai. Je ne vais pas m’en plaindre. Encore cette langue dont je ne connais rien. Je vais vraiment partir de zéro, car mon grec, il ne fonctionne pas. Il ne me restait qu’à comprendre les choses. Une dame en sort, son regard est sévère, il pourrait concurrencer avec les démones que je connais. Elle me fixe, puis elle un sourire qui ne me dit rien de bon. Elle le tire chez elle, me parle dans sa langue que je ne comprends pas. Ce que je sais, c’est que j’ai à manger pour rien du tout. C’est tout bon pour moi. Et je mange bien, j’ignore ce qu’il y a dans mon plat. Mais c’est bon. Je tente de lui dire quelque chose. Mais il y a cette barrière de la langue. Comment lui faire comprendre que je ne parle pas cette langue ?

Quelques mots, j’ai dit quelques mots, elle a ri. Je crois que j’ai dit quelque chose de comique. Elle m’a parlé avec ces mots, m’indiquant comment dire certaines choses. C’est ainsi que j’ai appris mes premiers mots en chinois. Je le saurai que plus tard que s’en était. Je suis resté un moment avec cette femme, j’ai appris à faire ce plat qu’elle m’a servi. J’ai appris les mots qu’elle disait, nous pouvions communiquer. Mais c’était souvent court et précis. Je ne sais pas ce qui la poussait à faire ça. On va dire qu’on met ça sous le coup que je suis sacrément bonne ; ça doit être ça. Le genre de mes partenaires ne m’a jamais posé de questions. Je sais qu’en tant que femme, je devais me hâter de trouver un mari. Mais hors de question que je plie aussi facilement. Je trouverai des hommes qui m’aimeront et moi, je ramasserai l’argent. Voilà mon plan. Pour ça, je devais quitter la dame. Après quelques instants, elle me cédait son âme, sans comprendre pourquoi elle était soulagée. Les humains sont parfois complexes. Qu’importe ses douleurs passées, elle n’est plus qu’un souvenir. Une personne de plus que je venais d’ajouter dans mes victimes. 

J’avais un peu d’argent, assez pour payer un cheval. Ces animaux nobles et beaux étaient toujours un coût. Même à l’autre bout du monde. Ça ne m’encourageait en rien d’en acquérir. Même les éventuels bénéfices que je pourrais en retirer en ayant. C’était peu face à ce prix. Autant utiliser mes jambes et mon charisme.

Rentrer dans une grande ville, je pouvais voir de nombreux hommes se retourner face à mon arrivée. Être aussi belle que je l’étais devait être un crime. Je suis une vilaine criminelle. Je ne dirai pas non de me faire arrêter par un joli soldat qui faisait régner l’ordre sur ses terres. Malgré les mots appris par la dame, je me retrouvais face à nouveaux à beaucoup de termes inconnus. Et usant de mes charmes, j’en apprenais d’autres.

Le premier avec qui je partageais ma couche était un homme qui commerçait, il avait voulu vendre mon corps. Mais seul moi prendrais les bénéfices de ce commerce. Ce n’était pas comme si j’étais sans expérience. Dans ce corps, oui, mais avec mes vies précédentes, je pouvais comprendre comment fonctionnaient les gens. Même si les lieux et la culture changeaient. Si la Grèce avait ces divinités, il y avait aussi ici. Comme quoi l’humanité se rassure comme elle le pouvait en louant ses forces supérieures. Ça devait aider les anges. Sûrement, moi, petite démone, je ne risquais pas grand-chose pour le moment. Tuer cet homme n’était pas bien complexe. Oui, j’ai dû faire preuve de ruse et jeter son corps au fleuve après m’être assurée que personne ne me voit.

Si j’ai été soupçonnée ? Croyez-moi, j’ai été vraiment maligne. Effacer mes traces, je sais faire. Avec des vies comme les miennes. Ce que je n’avais pas prévu, c’est cette douleur qui traversait parfois. Cette douleur qui ne m’encouragerait pas à reprendre une forme de femme plus tard. Celle des menstruations. Je pouvais à présent comprendre ce que disaient certaines demoiselles que j’avais autrefois éconduites. Avais-je été horrible, pour certaines, ce n’était que bien fait ? Mais pour d’autres, je m’en excuse un peu. Juste un peu. Il ne faut pas abuser des bonnes choses.

Passer cette semaine a été un enfer, le pire des enfers, je n’avais pas de la chaleur qui me soulagea. Une douce chaleur que je venais chauffer sur le feu. Pas trop, mais jamais assez pour calmer cette pointe qui semblait jamais me quitter. Une semaine, c’était trop. Beaucoup trop. Je pense que je vais me renseigner pour avoir plus cette douleur. Toutes les plantes possibles, je testerai. Tant que ça ne met pas fin à ma vie. Pas très envie de la perdre comme ça. Si bêtement.

Se rendre compte que chaque mois, c’était à nouveau cet enfer. Je crois que ça m’a fait un sacré coup au début. Puis je m’y suis faite. Parce que c’était normal. Mais ce n’était pas ce genre de souci qui m’encouragera à prendre une apparence féminine dans le futur.

J’ai passé des mois dans une ville portuaire, vendant mes services au plus offrants. Bien sûr, c’était une sorte de commerce, mon corps contre un peu d’argent. En avais-je honte ? Pas vraiment. Mais je pense que je m’en suis détaché de sentiments dans cette vie. J’avais juste envie de faire fleurir mes économies dans ce drôle de pays. Ce pays qui avait ses avantages et ses inconvénients. J’aime penser que j’ai marqué quelques esprits humains par ma beauté durant cette période que certains poèmes parlent de moi. Mais je n’en sais pas plus que ça. Mais je sais que j’ai été de ville en villes durant cette vie avant de la quitter simplement. Parce que je pense que chaque vie que je vis à son lot de leçon. Et celle-ci était que même si donner mon corps était lucratif, je ne suis pas toujours partant pour ces choses. Je suis plus au feeling. Me forcer pour un peu d’argent, je ne le ferai plus. Je préfère avoir des sentiments.