.Un souvenir…
Rempli d’une douce amertume.
Rp Solo - Souvenirs d’Italie.


Le soleil se levait en Italie. La petite ville de Vilarosa se réveillait aussi. Tu étais chez tes grands-parents, un peu loin du joyau de la Sicile, Enna. Tu aimes ce village toujours à ce jour, depuis ton appartement à Thunder Bay. Ces souvenirs de Sicile, tu les chéris dans ton cœur. Quand tu rentrais chez tes parents le vendredi soir, tu avais souvent l’opportunité de voir tes grands-parents dans la véranda. Parlant autour d’un vin à ta mère, sur la magnifique table en pierre de lave que ton père avait réussi à dénicher chez un vieil ami de la famille antiquaire, tu les voyais rire et parler de tout et de rien. En t’attendant des cours. Tu savais, lorsque tu les voyais spécifiquement le vendredi soir, que tu n’allais pas passer ton week-end chez tes parents. Non… Tu allais les passer dans la petite villa de tes grands-parents maternels. Tu adorais aller là-bas.

La villa se situait à côté d’un boulanger et d’une librairie. L’odeur du pain te réveillait chaque matin, vers neuf heures trente. Tu descendais de ta chambre, qui était la chambre d’ami, pour aller petit-déjeuner. Tu gardes toujours ce petit-déjeuner, dans ta cuisine canadienne : Deux tranches de pain avec du beurre et de la marmelade, un cappuccino. Ce cappuccino, tu le prépares à la façon de ta nonna. Un tiers de café, pour revigorer le cœur dès le matin; du chocolat au lait chauffé et préparé à part, un demi-tiers de la tasse, puis du lait vanillé, un autre tiers de la tasse. Pour toi, lorsque tu vois les baristas le faire, tu n’oses pas leur dire qu’ils le font mal. Enfin tu n’osais pas, tu pensais littéralement que c’était ainsi que le cappuccino italien devait être fait. Mais non, ta nonna t’avais appris sa version de cette boisson chaude. En le découvrant avec une amie, tu avais rigolé ce jour-là à toi-même. Les autres ne pouvaient pas comprendre, uniquement toi. Pour revenir sur ta petite routine matinale, tu te préparais aussi un petit jus d’orange, avec les fruits fraîchement cueillis par ton nonno. Tu pouvais toujours sentir la rosée du matin du jus d’agrume. Tu observais au loin, croquant dans ta tartine, ta grand-mère qui lisait un classique français et ton grand-père en train de cueillir des roses. Des hybrides rugosas. Ces pétales roses, tu pouvais les regarder chaque jour de ta vie, lorsque tu étais en train de séjourner chez tes grands-parents. De plus, tu les entendais discuter. Ta nonna râlait gentiment sur ton nonno pour qu’il mette des gants, tandis qu’il lui répondait qu’il était un vrai homme et qu’il pouvait éviter les épines des douces fleurs. Le résultat, c’est que alors que tu débarrassais la table, tu retrouvais souvent ton nonno à côté de toi, en train de se panser les doigts. Ta nonna, elle, le regardait exaspérée, tandis qu’elle mettait les grandes tiges de roses perlées dans un vase en terracotta, après t’avoir embrassée sur la joue.

Ils étaient aussi à tes petits-soins. Tu es la seule fille de la famille Da Bianchi et c’est sacré, au sein de ta famille. Tu n’avais aucune soeur, ni aucune cousines. Fille unique entourée de cousins, tu étais celle sublimée aux repas de famille. On complimentait ta peau, ta délicatesse, ta posture ainsi que ton éducation, tandis que les cousins revenaient souvent avec des bleus, des blessures, hurlant dans le salon. Sauf que toi, tes bleus, tu les dissimulais sous ta longue robe blanche. Ces bleus n’étaient pas à cause de tes cousins, mais souvent à cause de ta maladresse innée. La preuve, tu n’avais pas le droit de couper, enfant, tes propres fruits. Ta famille savait qu’il y allait avoir des catastrophes. Tes grands-parents te demandaient si tu avais bien dormi, si les cigales ne t’avaient pas trop réveillé, tandis que tu les rassurais que non. Puis, tu filais te préparer. Au fil des années, tu avais changé ta routine. La douche, puis les habits étant gamine, puis la douche, les habits, le maquillage et les cheveux étant une jeune adulte.

Tu sortais ensuite avec une petite liste de course en main, écrite avec quelques tremblements par ta grand-mère. La calligraphie était délicate, distinguée, avec une once désespérée de maitrise à cause de ses tremblements. Mais tu t’en moquais. Tu descendais alors la légère pente, remplis de pavés anciens. Tes pieds te remerciaient de porter des baskets lorsque tu étais enfant, puis ils te maudissaient lorsque tu décidais de porter des mules à talons. Tu avais failli aussi te tordre la cheville une fois. Bien que voisins, la boulangerie et la librairie étaient en bas de cette pente, créant une sorte de distance avec la villa. De plus, tu n’allais pas souvent à la boulangerie, sauf en dernier de ta balade matinale. Tu allais directement à la librairie, du vieux Antonio qui t’avaient vu grandir. Tu étais une des seules filles du village à aller voir ce bouquiniste pour lui parler des classiques que tu lui avais acheté, ou bien qu’il t’avait offert à unique condition que tu l’aides avec l’anglais, le français, ou bien que tu écrives une lettre en décrivant ton ressenti avec ce livre offert. Tu restais une heure chez Antonio, puis tu mettais dans un sac en osier le livre.

Après cette visite, tu allais au marché du village. Les fermiers des alentours, ainsi que des vieilles dames étaient en train de vendre des fruits et légumes, du vin fait maison, voir des olives et autres condiments. Tu prenais ce qu’il te fallait sur la liste fait par ta grand-mère. Tu conversais aussi avec les autres habitants, demandant des nouvelles de ta mère et de ton père. Tu leur répondais comme d’habitude: Qu’ils étaient occupés, mais qu’ils allaient bientôt venir dès qu’ils pouvaient prendre quelques jours de vacances. Puis, tu continuais de parler.

Et un jour, ça a changé.

Tu étais donc à ce marché, ton teint hâlé de ton visage caché par un beau chapeau de paille, avant de voir un jeune homme. Chemise en lin avec un bouton détaché d’une manière lasse, manches retroussées et bermuda. Tout était crème. Tu te souviens encore de son sourire envers une vieille du village, de son nez grec et de ses cheveux ondulés et bruns, légèrement blondis par le soleil. Vos regards s’étaient croisés et tu avais baissé les yeux, après avoir remarqué qu’un peu trop tard que tu le fixais. Tes joues empourprées, tu mettais une clémentine dans ton petit sac pour ensuite le donner à peser. Sauf que tu n’avais pas remarqué qu’il s’était rapproché. Il s’était introduit, avec un sourire. Ce village, il n’y avait pas beaucoup de personnes de ton âge. Sur le haut de tes dix-huit ans, c’était compliqué de trouver des jeunes de ton âge. Mais lui aussi, il en avait dix-neuf. Il s’était introduit. Alessandro. Ce nom avait roulé sur sa langue lorsqu’il s’était introduit. Puis, tu t’étais introduite. “Galatea?” avait-il répété avec une once de malice en te dévisageant. Puis il te demandait si ce n’était pas à cause du mythe qui avait bercé ton enfance. C’était le seul à demander cela sur tes dix-huit printemps. Tu lui avais souris et tu avais acquiescé.

Alessandro était un jeune homme brillant. Il l’est toujours, et tu le sais. Tu lui parles encore souvent et tu as toujours un peu le béguin pour lui. C’est normal, lorsque l’on a un vrai premier amour, on n’arrive toujours pas à s’en séparer réellement. Gardant toujours une place dans le coeur de l’un de l’autre, vous ne pouviez couper contact. C’est impossible. Il était parti avant toi, mais en France et avait préféré se séparer de toi. Il t’avait dit que “c’était pour le mieux” et qu’il t’aimerait toujours. Tu lui avais juste rétorqué un:

“...Bien évidemment. Tu m’aimeras toujours, mais pas comme je le souhaiterai.”

Il n’avait rien dit suite à cela. Puis vos chemins s’étaient séparés. Tu continuais à aller à la villa de tes grands-parents, sans réel but qu’auparavant. Mais alors que c’était ton petit Eden, désormais… Ce n’est qu’un Eden vide. Tu pensais que Alessandro était ton Adam à ta Eve, mais en fin de compte, tu n’étais que sa Lilith, un simple amour de jeunesse puis pour des raisons… obscures, tu ne l’es plus. Tu sentais que c’était pour autre chose mais que ce petit copain ne voulait juste pas d’une personne trop ambitieuse, ou bien trop aimante comme toi. “Ca fait souvent peur aux garçons”, te réconfortait ta mère, “Les garçons sont trop bêtes à cet âge là”. Pour toi, cet amour n’était qu’un amour de jeunesse qui laisse une certaine amertume. mais pas une amertume que tu appréciais comme les agrumes fraîchement cueillis par ton nonno.

Et bizarrement, tu sais que l’amour n’est qu’un sentiment d’amertume agréable et que tu cherches toujours à le ressentir, sur tes papilles ou bien dans ton coeur.