Larmes
Que le glas sonne.
Jane
Non. Jamais il ne te quitte. Jamais. Lui et toi, vous êtes un duo indissociable. Il est perdu sans toi. Et vice versa. D’ailleurs, tu remarques que tu as probablement bien plus besoin de lui que l’inverse… Tu es comme… dépendant ? Mais il t’a sauvé. Watson est celui qui t’a sauvé. Et son absence dans l’appartement est totalement anormale. Tu sens ton sang ne faire qu’un tour. Tu saisis ton arme, observe la porte. Des traces d’effractions. Ce soir, il va y avoir un mort. Et s’attaquer à ton chien… A toi, Jack Getroomez. Une soirée. Il te faudra maximum la soirée pour retrouver son agresseur, et le dépiauter.
Tu claques la porte derrière toi, abandonnant ta pauvre mère dans une incompréhension la plus totale. Tu n’as pas le temps de lui expliquer, elle comprendra toute seule. Tu te tapes ton meilleur sprint dans les ruelles sombres de Current river. Tu tournes. Tu sens tes sens qui se perdent. La panique prend le dessus. Quelqu’un s’en est pris à Watson. Quelqu’un qui te connait, de toute évidence : prenez vous en à Jack directement, et vous ne recevrez qu’une batterie de rire, des pics en batterie, et quelques regards hautains. Oui. Il faut attaquer les gens qu’il aime. Et plus particulièrement… son chien.
Tu hurles. Tu hurles son prénom comme un demeuré. Putain, tu ne sais vraiment plus où en donner de la tête, il y a trop d’informations en même temps, tu n’arrives pas à les trier. Effraction. Quelqu’un qui te connait. Mais qui ? Il n’y avait pas de trace de combat, puis, ça t’aurait réveillé. Quelqu’un de suffisamment discret pour ne pas troubler ton sommeil… Pourquoi Watson n’a-t-il pas aboyé ? A-t-il confiance en cette personne ? Non, dans tous les cas, jamais il ne se serait éloigné de toi. Il t’aurait réveillé. S’il avait eu le choix. Discrétion. Malice. Cette personne t’a volontairement laissé des indices. Hormis les traces d’effraction, tout son travail a été fait avec une minutie de maitre. Bordel, tu sens que tu as tous les éléments, mais tu n’arrives pas à les accrocher entre eux comme tu le fais aussi bien habituellement. A deux doigts d’envoyer un message à ta sœur pour lui demander de l’aide, tu n’arrives pas à prendre du recul…
Soudainement, un mauvais pressentiment. Un immense malaise. Ton souffle qui se coupe. Tes yeux qui arpentent frénétiquement les environs. Tu braques ton gun sur le vide. Inspire. Expire. Par pitié, Jack, respire, ce n’est pas le moment de flancher. L’angoisse. Elle enfle, se répand dans tes veines comme un mauvais poison. Un souffle. Ce n’est pas le tien. Derrière toi. Une piqure, dans le cou.
Un fil. Rouge. Une perle de sang. Pourpre. Scarlet. « De l’autre côté, Jack… »
Tu t’effondres. Avant de t’endormir, tu peux sentir le bitume contre ta joue. Froid. Glacial. Une douleur qui traverse ta mâchoire. Fracassante. Puis ta vision se trouble. Le noir. Le néant. Le rien. Ni rêve. Ni cauchemar.
Quand tu rouvres les yeux, c’est comme si tu n’avais jamais dormi. En face de toi, une longue table de banquet. Une simple chaise au bout de la table. Tu tentes de bouger tes mains. Tu es attaché. Tu as mal à la tête, à la mâchoire… Puis, un éclair. Un flash de lumière. Scarlet. Watson. Comment as-tu pu ne pas y penser ? C’était pourtant évident que c’est elle… Mais pourquoi s’attaquer à Watson ? Tu n’as pas franchi la ligne rouge. Tu n’as pas dérogé à vos petites règles. Elle n’a strictement aucune raison de lui faire du mal. Alors, pourquoi ? A-t-elle appris que Sam est au courant ? Même si c’est le cas, tu as totalement le droit d’en parler. Ce n’est pas interdit. A moins que tu aies loupé des sous conditions en italique, mais tu ne crois pas qu’elle en ait fait de toute façon. Le but était d’être clair, et Anton a été une punition bien suffisante.
Elle coupe court à tes pensées, arrivant avec un grand sourire, un plateau couvert dans la main. Toi, tu deviens livide. Ton regard ne quitte pas la démone. « J’espère que tu as faim, Jack, j’ai mis longtemps à préparer tout ça, mais il me manquait la pièce la plus importante de tout ce banquet. »
Tu n’oses même pas répondre. Tout ton être est concentré sur ce plateau qu’elle porte, et pose d’un air assuré ce dernier sur la table. Son regard va et vient entre cet objet qui t’effraie tant par ce qu’il peut contenir, et ton visage. Elle pose une main sur la cloche, et la lève doucement, tout doucement. Et pouf. Tu détournes le regard, et elle éclate de rire : « Oh, Jack, par pitié ! Tu penses à ce point-là avoir fait une connerie ? Je commence à penser que tu as failli ! » Elle claque de la langue, et Watson arrive en boitant maladroitement. Elle s’approche de toi, te détache. Tu ne réfléchis pas, te lève, et cours en sa direction. Tu observes sa patte blessée, vraisemblablement, c’est interne. Lui te pousse, se pose devant toi, et se met à grogner sur la démone. Et toi, t’as juste envie de chialer. Parce que même dans cet état-là, c’est à toi qu’il pense. Tu murmures : « Eh, mon cœur, tout va bien… Je vais bien… »
Il se retourne à nouveau, et vient te renifler de part et d’autre. Tu le prends dans tes bras, soulagé comme rarement auparavant. Tu ouvres les yeux, les poses sur Scarlet, laissant tes mains se perdre dans sa longue fourrure : « Pourquoi toute cette mise en scène ? » Elle ricane, croque dans une cuisse de poulet : « Pour que tu ne doutes pas de mon identité~ En passant, tu sais ce que ma présence à Thunder Bay signifie, Jack. Dire que j’ai fait ce que j’ai pu serait mentir, mais je commençais à m’ennuyer. Ils devraient arriver d’ici quelques jours. Et j’espère pour ta pauvre mère adoptive qu’elle sera morte d’ici là. »
Tu sers les dents. Douleur. Aïe. Putain de merde. Elle t’énerve : « C’est ton retour que je craignais le plus, Scarlet. Je n’en ai rien à foutre de mes géniteurs. Et je t’interdis formellement de retoucher à Watson. Ai-je été assez clair ? »
Elle lève les yeux au ciel pendant que tu te relèves, continuant de papouiller les oreilles de ton adorable toutou. Il va falloir que tu l’emmènes chez le véto… Tu y penseras après. Elle tire une révérence carrément exagéré : « Bien, maitre. Et désolée le chien~ C’est parce que j’ai le sens du détail, Scarlet qui n’entre pas en scène de manière fracassante, est-ce réellement Scarlet ? »
Tu la foudroies du regard, vérifies que ton chien peut marcher sans difficulté parce que tu n’as pas encore assez les pieds sur terre pour le porter, et fais volteface sans lui répondre. Tu disparais de son champ de vision.
Terminé la tranquillité. Et elle n’a pas tellement tort… Il va falloir que tu fasses tout pour éviter la confrontation entre Isabel et sa sœur. Elle n’y survivra pas. Il va falloir que tu sois fort. Pour Watson. Pour Sam. Pour Ezequiel. Pour Isabel. Et pour toi, aussi. Jack.
Une larme glisse sur ta joue. Ça y est, tu commences à être fatigué de tout ça. Tu as vraiment besoin d’une enquête. De quelque chose de croustillant. Maintenant. Le détective a besoin de prendre le pas sur l’être humain. Ça devient urgent. Finis les vacances, tu reprends du service.