Tu croises ton regard dans le miroir. Chaque matin. Chaque midi. Chaque soir. Tu y vois toujours ce jeune homme aux longs cheveux bruns. Tu y vois toujours les mêmes traits. Mais ton regard. Il change un petit peu plus chaque fois. Fatigué. De plus en plus. Suffisamment pour que tu commences à t’en inquiéter. Combien de temps tiendras-tu ? Tu es sobre. Tu ne sais pas vraiment depuis quand. Mais si tu continues dans cette triste voie, tu finiras par resombrer, tu le sais. Et ça te terrifie, tu ne veux pour rien au monde ressentir de la honte à nouveau à ce sujet. Le tenir loin de toi. Tu ne veux même plus y penser.
Ton téléphone sonne, te tire de tes pensées. Doucement, tu le saisis. Tes parents. Tes mains se mettent à trembler. Tu plaques violemment le petit appareil contre la surface dure et froide du lavabo. Ça fait longtemps que tu ne leur réponds plus, mais désespérément, tu continues de les ignorer. Et ça te coute. Tu veux retourner galoper à leurs côtés, retrouver votre vie d’antan, mais au fond, tu as juste l’impression que c’est impossible. Et putain, que ce portable cesse de sonner. Tu te saisis la chevelure.

Une larme glisse silencieusement ta joue. Brian, tu pleures. Sais-tu seulement depuis quand ça n’est pas arriver ? Oh oui, tu le sais que trop bien. Tout est toujours lié à cet homme que tu ne veux pas traiter de monstre, parce que ce serait oublier de quoi les hommes sont capables. Ta tête heurte le mur alors que tu t’adosses et te laisses glisser contre ce dernier, ramenant tes jambes contre toi. Le téléphone continue de sonner. Ils rappellent.
Pourquoi les fuis-tu ? As-tu peur qu’ils voient tous tes souvenirs, tous ces cauchemars dans tes yeux ? Qu’ils aient la capacité de lire en toi comme dans un livre ? Peut-être bien… Mais tu détestes avoir peur. C’est une sensation des plus terribles. A cause de cet homme, tu es incapable de retourner chez tes parents. Tu es incapable de dormir correctement, de faire ton travail correctement, de vivre correctement, tout simplement.

Un nouvel appel. Et cette fois, un hurlement s’échappe de ton être, tandis que les tremblements prennent en ampleur. Tu te détestes. Tu détestes cette partie de toi. L’enfant en toi est brisé, plus que jamais, il a besoin de ses parents. Par rapport à Eva. Par rapport à… tu ne veux même pas prononcer son nom.

Alors tu te lèves, précipitamment, et cours hors de ta salle de bain. Oui. Plus que jamais, tu as besoin de tes parents. Et tu te répéteras cette phrase autant de fois que tu en as besoin durant ce trajet. Tu auras rarement couru aussi vite. Et tu crois que ça aussi, ça te fait du bien. Alors tu accélères, encore et encore. Que ton cœur te lâche, ça t’importe pire. Tu sens tes poumons te brûler, le gout amer du fer remonter dans ta gorge. Tu te sens vivant. Ton corps hurle, il n’est pas habitué à un tel effort sans aucune préparation avant : mais tu t’en fiches. Il fait sombre, la nuit se couche de plus en plus tôt. Cette nuit qui lui va si bien, cette nuit qui te perturbe énormément depuis qu’elle est entrée dans ta vie. Cette nuit qui marque chacun de vos rendez-vous, chacun de vos baisers, chacun de vos mots, chacune de vos respirations, chaque moment où vos regards se croisent. Ces nuits où tu peux la toucher du bout des doigts, mais que tu as l’impression de ne jamais réussir à l’attraper. Elle semble si distante et proche en même temps : tu sais que quelque chose de sombre l’habite, mais tu n’arrives pas à en saisir la nature.

Tu tournes brutalement, t’engages dans la petite allée en herbe et va frapper brutalement à la porte, encore et encore. Tu transpires. Tes yeux sont rougis par les larmes et l’effort. La porte s’ouvre, laisse apparaitre la fine silhouette de ta mère qui reste quelques instants à t’observer avant de se jeter dans tes bras. Toi, tu ne réfléchis pas. Tu lui rends son étreinte, continuant de pleurer comme un enfant. Parce que c’est ce que tu es redevenu, dès lors que ta mère t’a offert ce dont tu avais tant besoin. « Je t’aime Brian, je t’aime tellement… Je ne sais pas ce qui t’est arrivé, mais quoi que ce soit, ton père et moi sommes là… »

Et toi, tout ce que tu es capable de répondre, c’est un petit : « Je sais ». Murmuré timidement. Ton père arrive en courant, il a dû entendre ta mère. Il semble complètement ahuri avec sa tignasse en bataille, et ses yeux ouverts bien trop grands alors que sa mâchoire se décroche légèrement. Il s’approche doucement, tout doucement, le temps semble suspendu.

Et enfin, il te prend dans ses bras. Et tu ne sais pas combien de temps ce câlin a duré. Vous n’avez pas trop parlé. Une simple étreinte.

Définitivement, la nuit est devenue ton moment préféré.

Faniahh/Lala/Cyalana