Vie 1 : Suen, Chine, -1568
L'enfant de la montagne
Il fut un temps où il n'y avait personne autours de lui. Il n'y avait pas beaucoup de monde à cette époque, et il ne savait pas vraiment qui il était. Contrairement à une grande partie des choses qu'ils croisaient, il avait un nom. Il s'en était souvenu un jour où il avait choisi de monter tout en haut de sa montagne.
Là, les oiseaux avaient navigué autours de lui, les singes le fixaient au loin, un abeille se cala sur son épaule, les vents parlèrent aux arbres et lui redressa ses yeux vers le soleil. Ses grands yeux verts pomme s'ouvraient avec un air ébahi. Il avait mal au rétine à force de se concentrer sur l'astre.
Il ne le quitta pas des yeux, juste tenu par le nom qu'on lui donna. Ce souvenir resta à jamais dans son âme, c'était le plus lointain dont il pouvait se rappeler. C'était aussi la première fois qu'il avait entendu sa voix. Du haut de son arbre, juste là au sommet de ce qui était son monde aujourd'hui... Il entendit la voix grave, ennuyé malgré sa jeunesse... Cette voix qui était déjà celle qui parlait à son cœur. Son visage quitta le soleil lentement, jusqu'à observer le monde en dessous de lui... remarquer la petite tête blonde en dessous de lui.
« Suen Ng-hung, descend de ton perchoir, t'es pas un singe. »
Son sourire éclaira le coin d'une vague lumière, comme s'il était le seul à pouvoir le donner à la jeune femme à ses pieds. Il n'était pas un singe, mais il en avait le caractère. Il n'était pas un singe, mais il avait eu plus de vie avec eux qu'avec tout autre créature que dieu eut créé. Il n'était pas un singe, mais il en avait le caractère bagarreur et la joie de vivre. Il n'était pas un singe, mais il n'était pas non plus homme. Il ne se sentait pas plus qu'un autre, peut-être le roi de sa montagne couverte de fleurs.
En tout, s'il était vraiment le roi de cet endroit comme lui avait rapporté Konzen, alors il l'offrait au monde. Chaque personne de cette planète avait le droit de pouvoir y voir la beauté de la vie, le soleil au dessus de leur tête, les oiseaux autours d'eux et quand on descendait du plus haut arbre de la montagne... les pieds qui touchent les fleurs avec passion.
Le regard de la blonde se fit sévère quand elle regarda le petit homme... à peine habillé, les pieds nus et un énorme sourire sur le visage.
« On nous attends. Habille-toi avant de descendre en ville. »
Le sourire du petit être se perdit, mais il n'eut pas le temps de parler qu'il se prenait déjà un change dans les yeux. Il couina mais ça ne servait à rien d'aller contre les ordres de Konzen... Elle avait raison de le faire s'habiller, il le savait... La dernière fois qu'il était descendu sans mettre de tunique, on l'avait regardé bizarrement et quelqu'un lui avait même donné une pièce. A la base, il avait cru que c'était par ce qu'il avait une bonne bouille, mais au final son maître lui avait dit que c'était à cause de sa tête de pauvre. Il avait une tête de pauvre ?
Pour lui, son visage dans l'eau lui donnait plutôt l'impression d'être en forme... Qu'est-ce que ça voulait bien dire pauvre d'ailleurs ? Pauvre de sens ? Pauvre de plantes ? Pauvre de vivre ? Pauvre de contact ? Le sens premier lui échappait, il n'avait pas osé demandé.
En s'arrêtant devant l'eau avec sa tenue neuve, ses chaussures serrés et ses cheveux tressés, il se demanda si c'était vraiment lui, là dans l'eau. Il n'aimait pas cette personne, en tout cas, il avait l'impression d'être pauvre de quelque chose cette fois. Pauvre de sa liberté peut-être ?
Son regard se redressa vers le soleil, puis vers celle qui était devenue le sien. Elle avait été celle qui l'avait trouvé assis dans sur sa roche, à attendre les appels d'un dieu... Elle avait été celle qui lui avait pris la main pour lui apprendre comment vivre, comment se construire et surtout comment se battre pour le bien.
Son premier souvenir se finissait là, embrumé par les siècles et sûrement enjolivé par l'âge. Il se souvenait d'une chevelure au couleur du soleil, d'une dureté de fer dans la main qui tenait la sienne... et de son nom.
Emme