Jour 1: Du renouveau? - Ft Phobos Malus

Tu regardes autour de toi. Des enfants courent d’un côté. Des couples avancent le long de l’allée en se tenant la main, se dévorant du regard amoureusement. Le monde continue de tourner, rien n’a changé. Tout est tellement similaire que tu t’attends à voir les deux enfants, les deux adolescents que vous étiez accourir, se précipiter dans ce parc afin de se jeter sur le banc comme des sauvages, bien trop heureux qu’il soit libre. Tout a perdu de sa couleur. Tout semble gris. Pourtant, sans daigner répondre à Céleste, Phobos s’approche silencieusement de ce brin de souvenir agréable. Il s’appuie sur le dossier du banc, et bondit par-dessus en faisant attention aux fleurs qui se trouvent autour. Il y a toujours eu des écritures derrière. Et là, plus rien. Ce banc a été changé. Il est neuf.

« Non, tu as tort. Des choses ont changé, c’est simplement insignifiant… ça ne se voit pas. »

Comme vous. Vous avez changé. Vous avez grandi, surtout toi d’ailleurs. Vos caractères ont changé. Vos auras aussi, légèrement. Tu te relèves et la regardes :

« Ce banc est neuf m’dame. Ce n’est pas le même qu’avant. »

Tu repasses habilement de l’autre côté du banc et la rejoins calmement, continuant d’observer autour de toi, à l’affut des moindres petits changements. Il n’y a plus ce marchand de churros qui hurlait comme un déjanté. Il n’y a plus ce couple que Céleste aimait observer avec son petit air niais. Non, pas mal de choses ont changé en réalité, quand vous prenez le temps de regarder. Des plantes ont disparu, d’autres ont poussé. Le gravier du sentier ne s’est pas terni : lui aussi a probablement été changé.

« Rien n’a perdu de son éclat, c’est bien la preuve que beaucoup de chose ont été modifié, remplacé par des choses neuves. Ouais. Rien n’a perdu de son éclat, sauf toi. »

Tu fais allusion à cette étincelle disparue qui habitait son regard autrefois. Tu es totalement égocentrique, ça n’a pas changé, et tu ne pensais pas que ta disparition avait fait autant de dégât. Tu ne vas pas t’éterniser sur le sujet. Tu n’es pas son psy. « Tu veux faire quoi au juste maintenant ? Parler de quoi ? »

10 ans. C’est dingue, mais à chaque fois qu’elle te le dit, ça te fait un pincement au cœur. Tout comme cet acharnement : elle veut savoir. Elle veut savoir pourquoi tu es devenu comme ça. Elle veut savoir ce qui te cause tant de trouble. Elle veut savoir, elle veut réellement savoir. Tu le sens que sa démarche est honnête. En même temps, est-elle seulement capable du contraire ? Est-elle capable de te traiter comme une merde ? Est-elle capable de s’en contre foutre de ta gueule, de ton sort ? Ça ne t’étonnerait même pas d’apprendre qu’elle t’a cherché. Plus que les autres, tu veux dire. Qu’elle a fait toutes les démarches qu’il faut pour tenter de te retrouver. Parce qu’elle le veuille ou non, elle est comme ça : elle te veut du bien. Tu pourrais la pourrir, lui offrir un allé direct pour les Enfers qu’elle continuerait de te vouloir du bien. C’est son fardeau. Elle ne peut rien contre. C’est plus fort qu’elle.

Tout comme cette envie de l’écraser est plus forte que toi. De lui faire perdre cette touche d’innocence, d’anéantir cette flamme douce qui continue malgré tout de danser dans son regard. Elle réveille ce qu’il y a de pire en toi. Elle réveille le démon endormi dans le creux de ton être. Ouais, un peu ironique comme formulation. Mais bon.

Tu t’assois à ses côtés calmement, croises les jambes. Tu sors une pièce, et commences à jouer avec. Ça te déstresse. Ouais, ça t’a toujours aidé de faire ça. Froidement, tu réponds : « Parle moi de ce que tu deviens si tu le veux, mais pour l’instant, tu ne sauras rien de ce qu’il s’est passé ces dernières années pour moi. C’est trop tôt. »

Et pour une fois, ce n’est pas contre elle. Non. C’est tout simplement trop tôt, et tu crains de ne plus jamais pouvoir parler si tu sors ces quelques mots, si tu confesses toute cette souffrance. Toutes ces larmes. L’étendu de ta faiblesse qui a pour nom celui de cette diablesse. Ange.

La médecine. Ça lui correspond, ça lui va bien. Tout donner pour les autres, et jamais rien pour soi. Toi, tu as tendance à appeler ça de l’idiotie. De la bonne idiotie même. Aider les autres… Pourquoi pas, même si rien que ça, ça te répugne. Mais au point de Céleste… Si ça n’a pas changé de ce qu’elle était capable de faire avant, c’est de la connerie pure, comme vous en avez rarement vu. Elle se sacrifie pour les autres. Y compris ceux qui lui veulent du mal. Vous vous rendez compte ? Ouais, c’est carrément la honte.

« Non, pas tant que ça. C’était plutôt attendu pour dire vrai. Ça te correspond. Si ce n’est que tu donnes donc des ordres aux autres, et c’est vrai que j’ai du mal à me projeter là-dessus. »

Tu regrettes déjà. T’as envie de rentrer chez toi, de l’abandonner sur place. Tu t’emmerdes. Vous êtes à deux doigts de parler de la pluie et du beau temps sérieux. Quoi que les nanas qui présentent la météo sont généralement sexy, même ça, c’est plus passionnant que Céleste à l’heure actuelle. Tu t’ennuies. C’est barbant, horrible, vraiment… Tu espères que toute la semaine ne va pas être comme ça, sinon, tu risques de la raccourcir.

Et ça ne te fait ressentir rien en particulier. Tu es simplement en mode je m’en foutiste… Enfin, envers Céleste. Pour l’instant. Tu te demandes si ce n’est pas un fragment de cette peur qui te hantait il y a 10 ans de cela. Ce n’est pas normal que tu sois aussi détaché d’elle.

Bon. Ce qui arrive alors, c’est totalement malgré toi. En voyant sa réaction, un petit sourire étire tes lèvres. Et le pire dans tout ça, c’est que ça n’a rien à voir avec de la malice, ou tout ce qui s’en approche. Non, c’est de la tendresse, un léger amusement qui n’a rien de malsain. Tu te lèves, t’éloignes et tapes sur tes cuisses en sifflant : « Allez, viens toutou ! Tu vois bien que cette ridicule angelot a peur de toi, alors que tu as l’air si adorable ! »

Tu adores les chiens. Ils sont fidèles. Loyaux. Tout ce que tu n’es pas, et pourtant, tu les adores. Le toutou vient jusqu’à toi et tu t’accroupis pour le caresser, inspectant son corps de l’œil. Il est dans un sale état, ça te fait un peu de peine. « Céleste, viens. Caresse-le, tu vas voir, ce n’est pas si terrible que ça. Je le tiens, il ne va rien te faire. »

Et pour illustrer tes propos, tu t’assois et encercles l’encolure de l’animal de tes bras. Autant dire qu’il ne risque pas de s’échapper comme ça ! Et si elle peut vaincre sa peur au passage, ce n’est pas plus mal. « Vois ça comme un premier exercice de confiance entre nous. »
Et après, ce sera direction le véto, ou un truc dans le genre…

Elle y arrive. Elle y arrive, et ça te surprend. Ce qui te surprend, c’est ce regard qu’elle te porte. Toujours en recherche de reconnaissance, elle a besoin que tu sois d’accord avec elle, que tu salues ses actes, que tu la rassures. Tout ça n’a pas changé. Mais pour une fois, elle peut lire un peu de fierté dans ce véritable glacier qu’est ton regard. Une petite flamme qui le réchauffe, le rend moins froid. Pour une fois, elle peut lire cette reconnaissance dont elle a tant besoin.

Et tu comprends aussi que tout ça va bien plus loin que le chien. Que tout ça a un sens bien plus profond. Que ce n’est pas uniquement sa peur des toutous qu’elle est prête à battre. Et face à ce regard, tu te sens déjà flanché. Mais c’est trop tôt, tu ne peux pas lui accorder la victoire aussi facilement. C’est impossible. Pour ta fierté, ton égo. « Ravi. »

Tu retires ta veste, l’enroules autour du cou de l’animal et lui envoies un petit sourire. Au chien hein. Les animaux, ça t’adoucit. Surtout les chiens. Les chats, tu t’es toujours demandé quel goût ça pouvait avoir. Est-ce que cet animal peut au moins avoir une utilité dans ton assiette ? Ce serait cool, en vrai. Ouais, un jour, tu boufferas un chat. Mais tu divagues là. Je vais l’emmener chez le vétérinaire. Il en a bien besoin. Je ne pense pas que ce loulou soit pucé par contre, il est probablement abandonné… »

Alors ça te fera un compagnon de route. Il te suit joyeusement, Céleste aussi. C’est dingue, elle occupe presque la même place que le chien dans ton esprit là… En un peu moins imposante par contre. Pauvre angelot. C’est ainsi que se conclut cette heure passée ensemble. Tu lui donnes ton numéro, et vos chemins se séparent pour mieux se retrouver le lendemain.