- Spoiler:
Tom Ollie Pieper
Lars - Steven Universe
On a eu la chance de jamais se prendre au sérieux
Côtoyer le vice sans jamais faire le saut périlleux
Côtoyer le vice sans jamais faire le saut périlleux
relax
apaisant
chill
ouvert
pensif
sincère
Nom :Pieper
Prénom :Tom & Ollie
Surnom / Alias :Bipper, punk, loulou
Origine :Europe (République Fédérale d'Allemagne)
Race :Bâtard 2nd rang (exterminateur)
Âge réel :naissance en 1946, a eu 20 ans en 1966, a donc 76 ans aujourd'hui
Âge d'apparence :19-22 ans
Occupation :Guitariste et biker, travaille en tant que serveur
Groupe :Residents
Arme démoniaque :
Prénom :Tom & Ollie
Surnom / Alias :Bipper, punk, loulou
Origine :Europe (République Fédérale d'Allemagne)
Race :Bâtard 2nd rang (exterminateur)
Âge réel :naissance en 1946, a eu 20 ans en 1966, a donc 76 ans aujourd'hui
Âge d'apparence :19-22 ans
Occupation :Guitariste et biker, travaille en tant que serveur
Groupe :Residents
Arme démoniaque :
- Spoiler:
Une épée courte qui fait à peine la taille de son avant-bras. Un cure-dent diraient certains.
Caractère
LE PRINCIPAL
- sans prise de tête
- prend les choses simplement telles qu'elles sont
- clashs entre sa nature profonde et son côté démoniaque
- déteste la violence
- adore les animaux
- souvent fatigué
- un verre à demi-plein sera toujours ça de plus qu'un à demi-vide
- patient mais peut être rentre-dedans
- team premier degré mais sourit facilement
- aura apaisante... en général
- n'aime pas faire attendre
- un shiba dans un corps d'humain
- capricorne
- agenre
- (Ollie -> Oliver -> peace bringer)
PHYSIQUE
Tom est roux. C'est la première chose visible chez lui. Les traits fins et doux, il a une corpulence assez moyenne et fait dans le mètre 76. Il s'est toujours habillé dans un style un peu rock. Il a une très légère cicatrice sous son œil droit qu'il a eue lors d'un affrontement avec un.e surnaturel.le. Il porte souvent des boucles d'oreille. Sa voix : CLIC !
Résumé
- 1 ans & demi : naissance d'une mère prostituée française du nom de Léandre. Elle le dépose chez un couple de fermiers, Helge et Otmar, qui devinrent ses parents adoptifs, puis disparut de la circulation.
- 6 ans : Tom met très jeune la main à la pâte à la ferme et est obligé de parcourir de longues distances pour arriver à l'école chaque jour. Il y rencontre sa meilleure amie, Rosa. Souvent fatigué, il somnole en cours, s'attirant les foudres de quasiment tous les maîtres mais est protégé par Mme Eberhard (enseignante). Détail : sa position géographique fait qu'il y a quelques enfants américains et français dans sa classe.
- 11 ans : il prend le bus chaque matin pour aller au lycée à Francfort avec Rosa. Il découvre la métropole et cie. Il se fait pleins de potos au lycée, un cercle sain avec lequel il formera une bande de musiciens. Note : le bac pro s'obtient à 16 ans en Allemagne. Il a pour intention de retourner aider à la ferme après le lycée.
- 14 ans : Rosa lui offre une guitare d'occasion. Tom ou le bonheur.
- 16 ans : éveil des pouvoirs. Pendant plusieurs mois, il cause inconsciemment des bagarres autour de lui et de son entourage. Quelques mois plus tard, son groupe d'amis et lui jouent à une fête annuelle dans un village. Ce souvenir sera taché par ce qu'on a infligé à Rosa pendant qu'iels jouaient sur scène.
- 17 ans 1/4 : l'incendie. L'ambiance s'est détériorée chez Tom à cause de son influence démoniaque, et un incendie chamboule leurs vies à lui et ses parents. Ceux-ci finissent à l'hôpital. Pendant plusieurs mois, c'est Tom qui gère tout, dont les reconstructions (aidé par des amis et des voisins).
- 19 ans : le départ. Ses parents pouvant ne plus dépendre de lui et les travaux étant terminés, Tom décide de partir pour ne pas que son aura ne fasse plus de mal à celleux qu'il aime (même s'il ne sait pas encore pour sa nature démoniaque). Sa guitare sur le dos, il vadrouille sur les routes à bord de sa motocyclette.
- 19 ans 3/4 - 20 ans : Tom arrive à Paris et un jeune producteur ambitieux le remarque lors d'une soirée à un bar. C'est le début de sa petite carrière musicale. Au début c'est pas grand-chose. C'était une petite figure, très régulièrement un bouche-trou pour quand des musiciens manquaient à l'appel. Ça lui allait, tant que ça lui permettait de jouer devant un public, aussi petit soit-il.
- 20 ans - 22 ans : Son producteur, Patrick, le trimballa d'un bout de la France à un autre. Puis au fil des accords menés par son producteur, cela s'étendit à l'Espagne et l'Italie, bientôt la Suisse. Tom rêvait de l'Angleterre et de l'Amérique, comme beaucoup de personnes à cette époque. Son producteur le mit en duo avec une chanteuse en pente, Alexandra Mercier. Son rêve américain se réalisa car leurs prestations firent assez de bruit pour les catapulter de l'autre côté de l'océan. Alexandra, ange de nature, lui révéla sa nature à lui.
- 24 ans : Iels jouent ci et là en Amérique mais peinent à décoller sur les grosses scènes. Jusqu'à ce qu'un partenariat inopiné avec un chanteur de renom arrive, où Alexandra et Tom l'accompagneraient sur scène. C'était censé être leur coup de propulseur, mais la folie de Tom se réveilla plus tôt que prévu, le jour même du concert. Tom ne put jouer sur scène, paralysé par la rencontre-choc avec son démon intérieur.
- 24 ans - 28 ans : Après son échec sur scène, Tom fut tenté de rentrer en Allemagne et de tout abandonner, mais un appel de Rosa le motiva à faire face à ses peurs et à rappeler Patrick pour revenir sur scène. Sa musique ne fut jamais aussi forte qu'à ce moment de sa vie et leur duo à lui et Alexandra monta en flèche en renommée. Iels produisirent un disque qui se vendit plutôt bien. Tom put toujours compter sur Alexandra pour le soutenir alors que ses hallucinations se faisaient de plus en plus fortes et ses nuits de sommeil de plus en plus courtes. Tom avait cependant de plus en plus de trous de mémoire et il apprit bien assez tôt que son corps présentait des signes de manque. Ces années furent un enfer.
Un soir, il fit une mauvaise rencontre qui aurait pu très mal tourner pour lui, un démon qui soi-disant désirait achever ses souffrances.
- 28 ans et 1/2 : fin de la folie.
- 29 - 36 ans : Retour en Europe, années pour se guérir. Tom prend le temps de renouer contact avec ses proches.
- 36 ans-39 ans : Il tomba fou amoureux d'une chanteuse de 40 ans, qui se sépara de lui à cause du fait qu'il en paraisse 20. Cette histoire lui brisa le cœur.
- 40 ans : il rencontre la mère d'Alexandra, Agathe Mercier, l'amie de feu sa mère Léandre. Il apprend tout sur elle, sauf l'identité de son propre père.
- 44 ans : Son premier et seul contrat d'âme à ce jour.
- 44-75 ans : Tom perd pas mal de ses proches dont son père et Rosa. Il passe sa vie sur les routes, traversant les frontières au gré du vent. Il rencontre de nouveau le démon qui avait voulu les tuer lui et Alexandra aux États-Unis, qui affirme l'avoir longtemps cherché et qui l'oblige à aller au Québec sous peine de l'exécuter. Iel "l'invite" à rester un bon moment à Thunder Bay.
- 75 ans - aujourd'hui : Tom fait comme il a toujours fait et travaille dans un petit bar à crêpes et dans d'autres endroits en tant que serveur et musico de petite figure.
- 6 ans : Tom met très jeune la main à la pâte à la ferme et est obligé de parcourir de longues distances pour arriver à l'école chaque jour. Il y rencontre sa meilleure amie, Rosa. Souvent fatigué, il somnole en cours, s'attirant les foudres de quasiment tous les maîtres mais est protégé par Mme Eberhard (enseignante). Détail : sa position géographique fait qu'il y a quelques enfants américains et français dans sa classe.
- 11 ans : il prend le bus chaque matin pour aller au lycée à Francfort avec Rosa. Il découvre la métropole et cie. Il se fait pleins de potos au lycée, un cercle sain avec lequel il formera une bande de musiciens. Note : le bac pro s'obtient à 16 ans en Allemagne. Il a pour intention de retourner aider à la ferme après le lycée.
- 14 ans : Rosa lui offre une guitare d'occasion. Tom ou le bonheur.
- 16 ans : éveil des pouvoirs. Pendant plusieurs mois, il cause inconsciemment des bagarres autour de lui et de son entourage. Quelques mois plus tard, son groupe d'amis et lui jouent à une fête annuelle dans un village. Ce souvenir sera taché par ce qu'on a infligé à Rosa pendant qu'iels jouaient sur scène.
- 17 ans 1/4 : l'incendie. L'ambiance s'est détériorée chez Tom à cause de son influence démoniaque, et un incendie chamboule leurs vies à lui et ses parents. Ceux-ci finissent à l'hôpital. Pendant plusieurs mois, c'est Tom qui gère tout, dont les reconstructions (aidé par des amis et des voisins).
- 19 ans : le départ. Ses parents pouvant ne plus dépendre de lui et les travaux étant terminés, Tom décide de partir pour ne pas que son aura ne fasse plus de mal à celleux qu'il aime (même s'il ne sait pas encore pour sa nature démoniaque). Sa guitare sur le dos, il vadrouille sur les routes à bord de sa motocyclette.
- 19 ans 3/4 - 20 ans : Tom arrive à Paris et un jeune producteur ambitieux le remarque lors d'une soirée à un bar. C'est le début de sa petite carrière musicale. Au début c'est pas grand-chose. C'était une petite figure, très régulièrement un bouche-trou pour quand des musiciens manquaient à l'appel. Ça lui allait, tant que ça lui permettait de jouer devant un public, aussi petit soit-il.
- 20 ans - 22 ans : Son producteur, Patrick, le trimballa d'un bout de la France à un autre. Puis au fil des accords menés par son producteur, cela s'étendit à l'Espagne et l'Italie, bientôt la Suisse. Tom rêvait de l'Angleterre et de l'Amérique, comme beaucoup de personnes à cette époque. Son producteur le mit en duo avec une chanteuse en pente, Alexandra Mercier. Son rêve américain se réalisa car leurs prestations firent assez de bruit pour les catapulter de l'autre côté de l'océan. Alexandra, ange de nature, lui révéla sa nature à lui.
- 24 ans : Iels jouent ci et là en Amérique mais peinent à décoller sur les grosses scènes. Jusqu'à ce qu'un partenariat inopiné avec un chanteur de renom arrive, où Alexandra et Tom l'accompagneraient sur scène. C'était censé être leur coup de propulseur, mais la folie de Tom se réveilla plus tôt que prévu, le jour même du concert. Tom ne put jouer sur scène, paralysé par la rencontre-choc avec son démon intérieur.
- 24 ans - 28 ans : Après son échec sur scène, Tom fut tenté de rentrer en Allemagne et de tout abandonner, mais un appel de Rosa le motiva à faire face à ses peurs et à rappeler Patrick pour revenir sur scène. Sa musique ne fut jamais aussi forte qu'à ce moment de sa vie et leur duo à lui et Alexandra monta en flèche en renommée. Iels produisirent un disque qui se vendit plutôt bien. Tom put toujours compter sur Alexandra pour le soutenir alors que ses hallucinations se faisaient de plus en plus fortes et ses nuits de sommeil de plus en plus courtes. Tom avait cependant de plus en plus de trous de mémoire et il apprit bien assez tôt que son corps présentait des signes de manque. Ces années furent un enfer.
Un soir, il fit une mauvaise rencontre qui aurait pu très mal tourner pour lui, un démon qui soi-disant désirait achever ses souffrances.
- 28 ans et 1/2 : fin de la folie.
- 29 - 36 ans : Retour en Europe, années pour se guérir. Tom prend le temps de renouer contact avec ses proches.
- 36 ans-39 ans : Il tomba fou amoureux d'une chanteuse de 40 ans, qui se sépara de lui à cause du fait qu'il en paraisse 20. Cette histoire lui brisa le cœur.
- 40 ans : il rencontre la mère d'Alexandra, Agathe Mercier, l'amie de feu sa mère Léandre. Il apprend tout sur elle, sauf l'identité de son propre père.
- 44 ans : Son premier et seul contrat d'âme à ce jour.
- 44-75 ans : Tom perd pas mal de ses proches dont son père et Rosa. Il passe sa vie sur les routes, traversant les frontières au gré du vent. Il rencontre de nouveau le démon qui avait voulu les tuer lui et Alexandra aux États-Unis, qui affirme l'avoir longtemps cherché et qui l'oblige à aller au Québec sous peine de l'exécuter. Iel "l'invite" à rester un bon moment à Thunder Bay.
- 75 ans - aujourd'hui : Tom fait comme il a toujours fait et travaille dans un petit bar à crêpes et dans d'autres endroits en tant que serveur et musico de petite figure.
arc 1
Eyes burning a way through me
Overwhelm, destroying so sweetly
Overwhelm, destroying so sweetly
Le goût des cendres. La brûlure de l'air dans les poumons. Il ne restait plus rien de la ferme, peut-être quelques moutons. La fumée avait tout dévoré.
C'est de ma faute.
Cette pensée qui revenait en boucle comme un écho dans le vide.
Ses yeux se refixèrent sur la porte où étaient traités ses parents.
Il n'arrivait pas à se détacher de ce qu'il s'était passé il y a quelques heures. Il se mit à fixer l'horloge de la salle d'attente. Ses mains tremblèrent. Il y réfugia son visage. Ses ongles se plantèrent dans son cuir chevelu, désespérés.
C'est de ma faute.
Il ne savait pas pourquoi, mais il le sentait. S'il n'avait pas existé, cela ne se serait jamais produit. Il avait l'impression que sa présence incitait les autres à la violence depuis plusieurs mois déjà. Il ne comprenait pas pourquoi. Et surtout, il n'aurait jamais imaginé que cela atteigne sa famille. Helge et Otmar étaient tout ce qu'il y avait de plus doux sur Terre.
C'est de ma faute.
Oui, c'était de la sienne. Et il n'avait jamais été aussi perdu et effrayé de toute sa vie.
Pourquoi ?
Une autre question qui se répétait sans rien débloquer.
Il n'arrivait pas à pleurer. Il se sentait paralysé, le souffle presque imperceptible.
S'ils mourraient, il s'en voudrait toute sa vie.
- Herr Pieper ? (Mr. Pieper ?)
Il redressa la tête pour tomber sur le visage compatissant de l'infirmière.
- Herr Pieper ist aus dem Schneider. Der Zustand von Frau Pieper ist noch ungewiss, aber es besteht eine gute Chance, dass auch sie zurechtkommt. (Mr. Pieper est sorti d'affaire. L'état de Mme Pieper est encore incertain mais il y a de bonnes chances qu'elle s'en sorte elle aussi.)
- Darf ich sie sehen? (Puis-je les voir ?)
- Frau Pieper ist noch im Operationssaal, aber Herr Pieper wurde gerade versetzt. Ich kann Sie hinbringen. (Mme Pieper est encore en salle d'opération mais Mr. Pieper vient d'être transféré. Je peux vous y mener.)
La gorge serrée, il eut du mal à sortir :
- Danke Sie. (Merci.)
Il se leva, légèrement chancelant, et suivit l'infirmière. Il avait froid aux articulations des mains tellement il avait peur. Peur de voir l'état de son père, puis de sa mère. C'étaient les pires instants de sa vie.
La porte s'ouvrit.
Tout le côté droit de son père était couvert de bandages. Les deux doigts de sa main gauche brisés lors du tumulte étaient eux aussi enroulés.
Les larmes dégoulinèrent silencieusement.
Tom n'osa pas s'approcher. Il resta là à fixer cette vision qui le tourmenterait pendant des années.
Une légère secousse passa dans son esprit et il se décida à avancer lentement, puis à s'asseoir à côté de celui qui avait pris soin de lui pendant toutes ces années.
Il dormait d'un sommeil alourdi par les anesthésiants.
- Wie lange wird es dauern, bis er wieder gesund ist? (Il lui faudra combien de temps pour s'en remettre ?)
- Er muss einige Tage im Krankenhaus bleiben, bevor er nach Hause zurückkehren kann. (Il devra rester quelques jours à l'hôpital avant de pouvoir retourner chez lui.)
Tom avait la respiration légèrement tremblante. Les larmes continuaient de couler. Il leva les yeux sur l'infirmière.
- Können Sie mir sagen, wann meine Mutter gerettet ist? (Pourrez-vous me dire quand ma mère sera sauvée ?)
Le regard compatissant de cette personne l'apaisait et inexplicablement accentuait son désespoir en parallèle.
- Ich halte Sie auf dem Laufenden. (Je vous tiendrai au courant.)
Elle sortit, le laissant seul avec son père.
Un sanglot passa dans son souffle.
- Wie ist es dazu gekommen...? (Comment en sommes-nous arrivés là...?)
Il s'enfouit de nouveau la tête entre les mains, s'enfuit dans des souvenirs plus lointains.
Tom avait connu très tôt une vie qui (justement) se lève tôt. Ses parents adoptiefs tenaient une ferme en marge de la ville et il mit très jeune la main à la pâte. C'était lui qui nourrissait les animaux.
C'est certainement l'une des meilleures choses qui pouvait lui arriver. Il ne s'était jamais senti autant en sécurité qu'avec ces vaches au regard doux, ces brebis à la laine moelleuse, ces poules au dandinement amusant et ces lapins à la chaleur aussi réconfortante. C'était une vie simple et paisible...
Cette ferme avait miraculeusement survécu à la guerre, même si comme pour beaucoup, le couple d'Helge et Otmar s'en était sorti fortement appauvri. À vrai dire, iels avaient subi plusieurs razzias de l'armée nazie pendant ces dernières années. C'est en rusant qu'iels ont réussi à garder au moins de quoi se nourrir pendant les temps durs.
Helge et Otmar ont perdu tous les deux leur famille à cause de la folie nazie. Iels étaient les seuls à ne pas s'être endoctrinés jusqu'à l'âme et cherchaient uniquement à faire profil bas pendant ces six années pour ne pas s'attirer d'ennuis. Leurs sœurs, leurs frères ainsi que leurs enfants, s'ils n'ont pas été tués à Berlin lors de la percée soviétique, ont soit été victimes de sabotages soit s'étaient donné la mort quand celle d'Hitler avait été annoncée. Les deux fermiers étaient bien loin de tout ça.
Aussi, quand un jour une jeune femme aux yeux bruns toqua à leur porte avec un visage émacié et un bébé dans les bras, malgré que leurs rations soient basses, iels l'accueillirent pendant une nuit. Iels avaient besoin de sentir un peu d'humanité, de se sentir un peu humains après toutes les horreurs qui s'étaient déroulées. Elle s'appelait Léandre.
Léandre s'était trouvée sans moyens de subsister quand il n'y eut plus de soldats à sustenter. Pas d'argent pour manger et encore moins pour voyager et rejoindre sa famille en France. Sa seule famille en Allemagne, sa tante, l'avait reniée quand elle avait appris la profession qu'elle exerçait. Léandre avait erré, alourdie par le fardeau de l'enfant à qui elle avait enfin donné naissance quelques mois après la fin de la guerre. Quand celui-ci naquit, il lui fut évident qu'elle n'arriverait jamais à s'en occuper comme il le faudrait. Une ancienne amie de la profession lui parla d'une opportunité en Indochine avec l'armée, de nouveau.
Mais Léandre en avait marre de la guerre, marre de la misère et des militaires.
Léandre déposera Tom chez les deux fermiers puis aura finalement l'opportunité d'avoir des cours de dactylographie grâce aux contacts de cette même amie, et de survivre en tant que secrétaire en Allemagne. Elle mourra d'une pneumonie un ou deux ans après. Elle sera retournée chez sa famille française à ce moment-là.
Elle taira le fait que le géniteur de Tom était un haut-officier nazi aux deux fermiers, et ne parlera probablement de l'existence de Tom qu'à sa meilleure amie Agathe Mercier.
Par ailleurs, après cette nuit-là, Helge et Otmar n'entendirent plus jamais parler de Léandre.
Leur ferme se trouvait à plusieurs kilomètres de Francfort mais il existait quelques villages à côté. Tom, après s'être occupé des animaux, devait accomplir quelques kilomètres à pied chaque jour pour aller à l'école quand il fut en âge d'y aller. (note : il n'alla pas au Kindergarten (= école maternelle)) Helge et Otmar voulaient qu'il bénéficie de cette chance, qu'importe qu'il doive se lever à cinq heures du matin pour y arriver. Et de toute manière, c'était obligatoire.
On ne va pas se mentir, vivre en RFA était plus paisible qu'en RDA. Tom bénéficia d'un enseignement de qualité, que ce soit sur le plan humain ou intellectuel. Dans sa classe se trouvaient à la fois des enfants de l'Allemagne, des Etats-Unis et de la France. C'étaient des petites classes mais Tom avait toujours eu du mal à tisser des liens. C'était l'enfant silencieux qui restait dans un coin de la cour à regarder les feuilles au sol ou à laisser les fourmis monter sur ses mains pour les observer de près.
Tom a toujours été doué de bonnes capacités d'écoute. Cependant, il s'endormait souvent en cours du fait de la fatigue. Il s'en sortait grâce à sa bonne mémoire mais la majorité des profs le détestait, le croyant fainéant.
Tous, sauf une : Mme Eberhard.
Contrairement à ce que son nom de famille pourrait laisser entendre, Frau Eberhard était d'une douceur sans nom. Elle sentit que Tom était curieux de tout ce qu'il y avait à apprendre derrière cette mine endormie et lui prêta des livres quand il sut lire. Elle se prit d'affection pour ce tempérament doux et rêveur. C'est certainement grâce à elle qu'il ne se fit pas entièrement couler par les autres enseignants.
Il y avait quelqu'un d'autre que son air somnolent énervait. Une petite gamine du nom de Rosa, qui s'amusa très tôt à venir le bousculer dans sa solitude, le poussant à s'agiter un peu. En fait, elle devint sa meilleure amie.
Rosa et sa famille vivaient à mi-chemin entre l'école du village et la ferme de Tom. Ils se retrouvèrent assez vite à faire les trajets ensemble, matin et soir. Éventuellement, leurs parents tissèrent des liens à leur tour, assez pour que Rosa passe quelques weekends chez Tom et inversement.
Tom apprit assez vite que sa chair n'était ni celle d'Helge ni celle d'Otmar. L'une trop blonde et l'autre trop brun ; des yeux bleus et des yeux marrons ; des traits secs et une mâchoire trop carrée ; la chevelure rousse du bambin et la douceur de son visage indiquaient l'ailleurs. C'est Rosa qui un jour lui en fit la remarque :
- Deine Eltern sind' nich' wie du (Tes parents ils t'ressemblent pas)
Ce à quoi Tom n'avait rien répondu, tout simplement parce qu'il ne voyait pas quoi dire. C'était quelque chose qu'il avait remarqué mais qui ne l'avait jamais gêné jusqu'ici. Devrait-il ?
Rosa lui avait cogné légèrement le bras pour lui arracher une réaction.
- Wie wär' es dann? (Bah alors ?)
Tom s'était frotté le bras et s'était légèrement détourné.
- Und ? (Et ?) , avait-il marmonné.
Cette fois c'était Rosa qui n'avait rien trouvé à dire. Elle ne voulait pas lui dire quelque chose de blessant, alors elle changea de sujet.
Mais cela trotta dans la tête du petit Tom, qui le soir d'après alla voir ses parents adoptiefs.
- Warum bin' ich rot? (Pourquoi je suis roux ?)
Helge et Otmar ne cherchèrent pas à lui cacher d'où il venait - déjà qu'il n'y avait pas grand-chose qu'iels savaient. Iels lui dirent que celle qui lui avait donné naissance était partie juste après l'avoir confié à eux. Iels lui dirent qu'iels ne savaient rien d'elle si ce n'est son prénom, son visage et son léger accent français, ainsi qu'une vague information comme quoi elle aurait une tante en Allemagne - mais l'Allemagne est vaste. Tom demanda à quoi elle ressemblait. Puis il demanda pour son géniteur. Mais Helge et Otmar n'avaient aucune idée de qui ça pouvait bien être.
- Aber du bist wie ein Sohn für uns. (Mais tu es comme un fils pour nous.)
C'était quelque chose que le jeune Tom avait besoin de savoir. Cette révélation ne perturbait pas la stabilité que lui offraient Helge et Otmar ni l'amour qu'iels lui portaient.
Cela provoqua néanmoins un malaise dans sa quiétude, une zone d'inconnu. Ayant une imagination débordante, il se dit que sa mère était la reine de la forêt et qu'elle s'était sauvée pour le sauver d'un grand et vilain dragon qui voulait le manger.
Si seulement il savait à quel point ça se rapprochait de la vérité.
Son cursus lui permit d'apprendre l'anglais et l'allemand, et la promiscuité avec ses quelques camarades étrangers quelques bouts de français. Quand il alla en Gesamtschule (lycée regroupant apprentissages, bacs pros et généraux) avec Rosa, il souhaita se rapprocher au maximum de la langue de sa génitrice et prit français en langue vivante.
Rosa fit le Gymnasium (bac général) tandis que Tom prit le cursus Realschule (bac pro) dans l'idée de continuer à aider ses parents à la ferme après ses études. En réalité, Helge et Otmar se faisaient dépasser par tous les élevages intensifs qui commençaient à se développer petit à petit tout autour. Iels avaient besoin de toute l'aide qu'iels pouvaient. Mais en même temps, iels étaient pris d'un sentiment mitigé : celui de garder Tom en sécurité à la ferme et bénéficier de son aide ou de le laisser s'envoler en dehors vers son propre chemin.
Le lycée se trouvant encore plus loin que le village où il allait jusqu'ici, il se mit à prendre le bus jusqu'à la périphérie de Francfort.
Il y était déjà allé une ou deux fois avec ses parents pour des courses spécifiques, mais ça n'empêcha pas le tournis qu'il connut en y allant tous les jours pour aller à l'école. Il y avait trop d'activités dans cette métropole, trop d'odeurs, de gens et de paroles.
Mais c'était sans compter sur le soutien indéfectible de Rosa, qui le traîna de rue en rue jusqu'à connaître presque chaque recoin comme leurs poches. Avec cet entraînement quotidien, le tournis ne fut bientôt plus.
C'est lors de l'une de leurs escapades que Rosa remarqua les discrètes étoiles d'envie dans les yeux de son meilleur ami quand il fixa une guitare dans une vitrine en passant. Son anniversaire arrivant la semaine d'après, elle lui fit la surprise de lui acheter une guitare d'occasion.
- A-aber ich kann nicht einmal spielen (M-mais je ne sais même pas en jouer) , avait-il bredouillé sous le coup de la surprise et de l'émotion.
- So lernst du es. (Justement, comme ça, tu vas apprendre.)
Tenir le manche de l'instrument lui envoyait de petits électrochocs d'anticipation. Il ne sut quoi dire à part partir en effusion de remerciements. Il était heureux comme un gamin ; en général pour les anniversaires il recevait soit une pièce de vêtement soit des friandises de la part de ses parents. C'était toujours Rosa qui arrivait à mettre le doigt sur ce qui le faisait vraiment tripper. Elle avait ce don de lire en lui comme dans un livre ouvert. Tom faillit l'étouffer dans son câlin.
Au début, qu'est-ce qu'il jouait mal. Mais avec le peu d'argent de poche qu'il possédait, il s'acheta un petit guide pour apprendre les bases, et de fil en aiguille et en s'exerçant il s'améliora.
Le lycée fait partie de la période où il se fit le plus de potes. Il arrivait un peu mieux à se mêler avec les gens, son côté bon public aidant. Cependant, personne ne pouvait arriver à l'échelle de Rosa. Elle, c'était sa bestie.
Avec des potes, Tom monta un semblant de bande qui continua à se voir les weekends et certaines soirées en semaine pour jouer et composer du ramdam. Tom obtint son Realschul-abschluss (bac) à 16 ans et comme prévu retourna à la ferme aider ses parents.
Ces sessions musicales étaient ses moments de respiration et de pure effusion créative.
Au début, c'était génial. Tout le monde s'amusait, il y avait une ambiance un peu de garage avec quelques bières voire à l'occasion un ou deux tarpés, beaucoup de détente et de rigolade. Il était prévu qu'iels jouent dans un des villages alentours lors d'une fête annuelle.
C'est dans cette période que Tom commença à se sentir très... bizarre. Pas forcément vis-à-vis de ses potes, qui formaient un cercle assez sain. Mais en allant parfois en ville, il... comment dire... sentait les pulsions des gens autour ? Les pulsions agressives, destructrices... Négatives et toxiques.
Même les plus infimes.
Mais il y avait une nuance depuis quelques temps. Il ne savait pas si c'était dû au hasard, mais quelques fois, il s'attarda et se concentra sur certaines pulsions pour essayer de déterminer s'il était fou, ou en tout cas essayer de saisir pourquoi il ressentait tout ça...
Presque à chaque fois ça se terminait en bagarre à côté. C'est comme si... ces pulsions se retrouvaient... exacerbées sur l'instant ? Mais ça devait être son imagination. Il ne voyait là que du hasard, un hasard étrange mais un hasard tout court.
Puis un jour, un de ses potes arriva à l'une de leurs répétitions, quelques jours avant le concert. Il sentit que quelque chose n'allait pas... Il y avait comme un nuage noir autour de sa tête et de son cœur.
Iels apprirent qu'il venait de se faire larguer par celle qui était sa petite amie depuis bientôt cinq ans. Iels en discutèrent, il raconta tout. Cela ne dura pas longtemps à vrai dire.
Tom n'écouta rien, concentré sur cette ambiance sombre que dégageait son ami. Celui-ci se mit à se braquer petit à petit aux questions compatissantes du groupe puis finit par prendre la mouche à une remarque innocente d'un autre ami. La tension monta rapidement entre les deux. Ils faillirent en venir aux poings à un moment. Tom observait la scène sans rien faire, rien penser, il était comme déconnecté.
C'est Rosa qui s'interposa entre les deux en les rabrouant fermement, faisant baisser la tension d'un cran. C'est l'élastique de sa voix qui ramena Tom sur Terre. Le groupe était particulièrement perturbé par l'accès de violence des deux membres. Après un lourd instant de gêne orageux, chacun prit son poste pour travailler, comme l'avait si bien pointé Rosa. Tom prit sa guitare avec une sensation de malaise. Il venait d'assimiler ce qui venait de se passer. Il se rendit compte que le malaise venait non seulement de ce qui venait d'arriver mais aussi de ce qu'il ressentait. Il y avait comme une... frustration latente. C'est comme si une partie de lui avait apprécié de voir jusqu'où l'escalade irait. Il chassa cet horrible ressenti d'un frisson.
La musique balaya les mauvaises ondes. Les deux amis s'excusèrent après la répétition.
Tom eut la pensée que ça commençait à faire beaucoup de coïncidences. Mais en même temps, pourquoi penserait-il que c'est de sa faute ? Il n'a quand même pas le pouvoir de rendre les gens agressifs ? Non, ça devait être le hasard, l'ordre des choses. Il n'avait rien à voir là-dedans.
Le jour du concert arriva. Le groupe était hypé comme jamais. La nouvelle de l'évènement fit le tour des villages alentours. Un monde monstre se retrouva dans le petit bled, compressé autour de l'estrade. Le groupe de Tom n'était pas le seul à passer, ça allait être un gros évènement local. Et il se passa merveilleusement bien. Ce serait certainement l'un des meilleurs souvenirs de Tom si celui-ci n'avait pas été entaché peu de temps après. En descendant dans les coulisses improvisées, il n'y trouva pas Rosa. Il commença à s'inquiéter. Un sombre pressentiment lui passa par l'estomac. Il déposa sa guitare et partit à sa recherche.
Il la trouva quelques minutes plus tard dans les toilettes de la salle des fêtes, effondrée sur le carrelage.
- ...Rosa ?
Il s'approcha.
La première chose qu'il vit en dehors de son maquillage ruiné étaient les bleus sur ses bras.
- Rosa !
Il se précipita vers elle. Il la saisit dans ses bras, l'observant rapidement pour déterminer ce qu'il s'était passé. Son visage était devenu presque aussi pâle que celui de sa meilleure amie sous le coup de la panique.
- Was ist passiert??
Rosa ne répondait pas, les yeux creux. Tom la scrutait la bouche ouverte. Il avait la gorge sèche. Il comprit, ou plutôt accepta ce qu'elle ne lui disait pas.
... Nein.
Comment ?
Il sentit un long moment de déconnexion.
Puis il sentit quelque chose qui arrivait rarement. Une brûlure. Comme de l'acide, ça remontait sur sa gorge, ça la rongeait comme si ça souhaitait ressortir par ses glandes lacrymales, inonder tout son être, sortir en fumant par ses pores et attaquer tout ce qui existe alentours. Son sang commença à bouillir, l'air autour de lui à se teinter de bordeaux - métaphoriquement. Il sentit ses cheveux se dresser sur son crâne.
- Wer ?
Un murmure. Plus un crissement guttural.
Pendant une minute lui vinrent des images où il déchirerait la gorge du coupable en descendant sur son ventre pour l'évider en entier, lui broyer les bras et lui faire bouffer ses dents par les yeux. C'était tellement intense que ça aurait pu se matérialiser directement hors de son esprit à cet instant. Le bâtard haletait, bouffé par des vagues de mauvaises ondes.
On ne sait comment, il parvint à recueillir un brin de raison. Il devait emmener Rosa dans un endroit calme, loin de ce lieu d'horreur et de la foule. Loin d'ici.
- Kannst du aufstehen? (Peux-tu te lever ?)
Il tremblait de ce qu'on lui avait infligé mais faisait de son mieux pour l'aider.
Rosa, cette Rosa si forte et déterminée, semblait une enveloppe vidée de volonté à cet instant. Elle se laissa redresser avec délicatesse et guider en dehors des lieux, entourée du bras protecteur de Tom. Elle ne dit rien.
C'est l'une des premières fois que Tom ressentit l'envie de tuer quelqu'un.
Tom rumina pendant des jours ce qu'il s'était passé.
Un jour, il proposa à Rosa de l'accompagner au poste pour que justice soit faite.
- Und was glaubst du, werden sie tun? (Et que penses-tu qu'ils vont faire ?)
Rosa le regarda avec une ironie qui le blessa.
- Ich werde dir antworten. Sie werden wie alle Mädchen tun, die den Mut haben, dem Tabu zu trotzen, um bei den Behörden Hilfe zu suchen.
Nichts. (Je vais te répondre. Ils vont faire comme pour toutes les filles qui ont le courage de braver le tabou pour aller chercher de l'aide auprès des autorités.
Rien.)
Tom était bouleversé. Il cherchait quoi dire, mais cela sortait par des souffles silencieux. Rosa posa sa main sur sa joue, semblant s'adoucir, et braqua son regard dans le sien pour le capter. Elle parla fermement.
- Du hast getan, was du konntest, Tom. (Tu as fait ce que tu as pu, Tom.)
Tu as fait ce que tu as pu, Tom.
Mais ce n'était pas assez. Ce ne serait jamais assez. Il se retint de sangloter et serra les poings.
Comment arrivait-elle à être aussi forte alors qu'il avait le sentiment de tanguer, et alors qu'il n'avait pas vécu ce qu'elle avait vécu ? Pourquoi c'était elle qui l'apaisait alors que c'était censé être dans le sens inverse ? Il se sentit minable. Il referma les lèvres. Il aimerait pouvoir lui enlever ce fardeau pour toujours.
Tout ce qu'elle demandait, c'était un peu de paix pour enfouir le traumatisme dans son esprit. C'était sa manière de gérer ce qu'il s'était passé.
Il s'approcha doucement pour lui faire un câlin, très délicatement pour ne pas la brusquer.
Il ne voyait pas comment lui communiquer autrement un peu de chaleur, un peu d'apaisement. Les mots et les actions semblaient tellement inutiles dans ces moments-là. Une larme glissa parmi les milliers qu'il retenait. Il aimerait pouvoir pleurer pour elle, si seulement ça pouvait la soulager. Mais il savait que ça ne changerait rien. La tête baissée, il s'écarta peu de temps après, sentant que les contacts physiques étaient encore trop pour elle.
- Sag mir, wenn du etwas brauchst. (Dis-moi si tu as besoin de quoi que ce soit.) , fit-il la mine sombre.
Il voulait lui signifier qu'il était là.
Rosa n'arriva pas à le remercier, ni à rien dire en fait. Elle se contenta de hocher de la tête.
Tom la laissa tranquille.
L'ambiance s'était détériorée à la maison au fil des mois depuis le festival. Sans s'en rendre compte, Tom avait déteint sur Helge et Otmar, qui devinrent de plus en plus revêches l'un envers l'autre et de plus en plus distants, comme s'iels ne se supportaient plus à certains moments. Iels se contentaient de battre froid.
Puis un jour, il y eut une dispute.
- Du solltest reisen, Tom, statt auf der Farm zu bleiben. Wer weiß, ob sie nicht auch eine Mauer zwischen der BRD und dem Rest der Welt errichten werden. (Tu devrais voir un peu de pays, Tom, au lieu de croupir à la ferme. Qui sait s’ils ne vont pas mettre un mur entre la RFA et le reste du monde aussi.)
Otmar faillit avaler de travers sa salive.
- Wovon redest du, Helge! Glaubst du, wir schaffen es, die Farm in unserem Alter zu führen? (Qu'est-ce que tu racontes Helge ! Et tu crois qu'on va réussir à gérer la ferme à notre âge ?)
- Ich glaube, Tom ist noch jung, um in einer Ecke wie unserer zu bleiben. Wir müssen nur jemanden einstellen. (Je crois que Tom est encore jeune pour rester coincé dans un coin comme le nôtre. On n'a qu'à embaucher quelqu'un.)
- Siehst du nicht, dass wir mit der ganzen Konkurrenz um uns herum finanzielle Schwierigkeiten haben? (Tu ne vois pas qu'on galère assez financièrement avec toute la concurrence autour ?)
Tom ne savait quoi dire. Il n'avait pas vu ça venir. Quitter la maison, comme ça ? Il pensait aider ses parents encore quelques années. Oui, il était vrai qu'il avait pensé à partir avec sa guitare sur le dos pour sillonner les routes, inspiré par les groupes qui commençaient à émerger ci et là dans le monde. Mais pas maintenant. Pas comme ça ? Il n'était même pas majeur !
- Nun, lassen wir den Jugendlichen Platz und geben den Schlüssel unter die Tür zurück. Behalten wir nur etwas zu essen. Wir brauchen nicht viel. (Eh bien, laissons la place aux jeunes et rendons la clef sous la porte. Gardons uniquement de quoi nous nourrir. Nous n'avons pas besoin de beaucoup.)
- Was redest du da? (Non mais tu t'entends parler ?)
- Du reagierst, als wäre Tom dein Sklave. Er hat ein ganzes Leben zu leben. Ich denke, er muss wissen, dass er fliegen kann, wenn er will. (Toi tu es en train de réagir comme si Tom était ton esclave. Il a toute une vie à vivre. Je pense qu'il faut qu'il sache qu'il peut s'envoler s'il le désire.)
Helge se tourna vers son fils.
- Willst du nicht nach Frankreich? Ich habe deinen Reiseführer unter deinem Schreibtisch gesehen. (Ne veux-tu pas aller en France ? J'ai vu ton guide de voyage sous ton bureau.)
- I-ich weiß nicht... (J-je ne sais pas...) , bredouille-t-il, décontenancé.
Oui, il aimerait beaucoup remonter les traces de sa mère de sang. Il ne voulait pas en parler à Helge ni Otmar pour ne pas les mettre mal. C'était de la curiosité, rien de plus.
- Siehst du, er selbst will bleiben! Lass ihn in Ruhe, anstatt ihn auf die Veranda zu schieben. (Tu vois, lui-même veut rester ! Laisse-le tranquille au lieu de le pousser vers le perron.)
Helge frappa la table de sa main.
- Du lässt ihn sich seine eigene Meinung bilden, ja? (Tu vas le laisser se faire son propre avis oui ?)
La tension était montée d'un cran.
Otmar devint pâle de colère.
- So redest du nicht mit mir! (Tu ne me parle pas comme ça !)
- Ich rede mit dir, wie ich will. (Je te parle comme je veux.)
- Ach ja? (Ah oui ?)
- G-genug...! (A-assez...!) , tenta d'intervenir Tom.
Cela mit en pause l'escalade, mais la tension entre leurs deux regards était pleine de colère.
Chacun se mit dans un coin de la pièce à s'occuper.
Tom, mal à l'aise, alla dans sa chambre à l'étage. Il referma doucement la porte derrière lui. Il soupira. C'était quoi ça ?
Il sortit sa guitare et se posa, la caressant au départ puis se mettant à tenter quelques accords expérimentaux.
Ça ne suffit pas à couvrir les cris qui résonnèrent quelques minutes plus tard. Tom renifla à la venue d'une odeur.
Ça sentait la fumée ?
Il déposa sa guitare et descendit en vitesse.
L'odeur venait du dehors. Helge et Otmar n'étaient pas dans la maison mais c'étaient bien leurs cris qui perçaient l'air. Tom fonça les rejoindre.
La grange était en feu.
Helge et Otmar s'activaient pour sortir les vaches qui y avaient été regroupées pour la saison froide, mais elles étaient effrayées par les flammes. Iels s'engueulaient en parallèle, les gorges en feu et les yeux haineux.
- Hast du das Heu weggeräumt, als es noch nass war?! (Tu as rangé le foin alors qu'il était encore mouillé ?!)
- Bitte gib mir nicht immer die Schuld!! (Arrête de reporter toujours la faute sur moi je te prie !!)
- Tom, hol ein paar Eimer Wasser! (Tom, va chercher des seaux d'eau !!) , hurla Helge en l'avisant.
Des seaux d'eau paraissaient dérisoires vu la vitesse à laquelle le feu gagnait du terrain. Mais Tom fonça, le sang pulsant aux tempes. Schnell, schnell !
Il revint le plus vite qu'il put, mais le bâtiment semblait condamné à s'écrouler d'une minute à l'autre. Une jeune génisse était encore coincée à l'intérieur. Helge était entrée pour tenter de l'en sortir. Iels semblaient avoir mis de côté leurs différends pour l'instant pour se concentrer sur la sauvegarde de leurs biens.
Helge arriva jusqu'à la génisse ainsi qu'à la guider vers la sortie.
Une poutre craqua.
- Helge achtung ! (Helge, attention !)
Otmar bondit sans réfléchir.
Il se reçut la poutre enflammée sur le côté droit, protégeant Helge. Il s'écroula à genoux. La génisse partit en courant vers l'extérieur, lui broyant une partie de la main gauche au passage. Helge hurla, Tom hurla.
- VATI !!
Il bondit les rejoindre dans les flammes pour aider à soulever la poutre et le, les sortir de là. Prenant chacun un bras, lui et sa mère tirèrent Otmar de là.
Peu avant la sortie, Helge reçut une brique sur le coin de la tête, l'assommant. Tom se retrouva seul à gérer cette situation critique. Les vaches s'étaient enfuies à vau-l'eau. Tout se brouilla et il passa en mode automatique.
Les secours mirent un temps infini à venir lui sembla-t-il.
Il s'en était miraculeusement sorti avec seulement quelques égratignures.
Le voici maintenant à attendre le verdict médical de sa mère, envahi par la peur et l'appréhension.
S'iels n'avaient pas été occupës à s'engueuler, iels auraient senti le feu bien avant et auraient pu l'éteindre, ou au moins s'en sortir sans blessures. Plus ça allait et plus Tom se disait que cette discorde dans son entourage venait de lui. Il n'était pas du genre égocentrique, mais c'était l'évènement de trop. Il ne comprenait pas pourquoi, mais sa présence incitait les autres à se faire du mal. Et rien ne pouvait être pire pour lui que de faire du mal à ses proches.
Il se dit que ça aurait pu être pire, que ses parents auraient pu mourir là-bas sur le coup, que la maison fusse partie en cendres elle aussi. Il fallait qu'iels survivent et guérissent, et iels pourraient tout reconstruire ensemble. C'était une chance que leurs moutons se trouvent dans un champ un peu plus éloigné, cela ne les avait pas touchés.
Iels reconstruiraient tout, puis Tom partirait. Il ne savait pas si un Dieu quelconque l'entendait, mais il en fit la promesse. Si ses parents survivaient et guérissaient, il les aiderait à reconstruire ce qui le doit puis partirait, si c'était le message qu'on essayait de lui communiquer.
- Tom !
Il redressa la tête et avisa Rosa. Elle s'approcha de lui et lui prit les mains.
- Ich kam so schnell ich konnte. (Je suis venue le plus vite que je pouvais.)
Il la regarda d'un air désespéré. Elle l'enlaça.
- Wie sind sie ? (Comment vont-iels ?)
Tom entrouvrit les lèvres pour répondre, quand l'infirmière de tout à l'heure entra de nouveau dans la pièce.
- Herr Pieper ? (Mr. Pieper ?)
Rosa lâcha Tom, qui regardait avec angoisse la soignante. Elle lui adressa un petit sourire.
- Frau Pieper ist gerade aufgewacht. Die Ärzte sagen, dass sie mehrere Wochen Ruhe braucht, bevor sie sich bewegen kann, aber sie scheint aus dem Schneider zu sein. (Madame Pieper vient de se réveiller. Les docteurs disent qu'il lui faudra plusieurs semaines de repos avant qu'elle ne se permette de bouger, mais elle semble sortie d'affaire.)
Il se serait écroulé de soulagement s'il n'était pas déjà assis. Il remercia tous les saints et divinités existants.
- K-kann ich sie sehe ? (P-puis-je la voir ?)
- Im Moment ist es besser, sie sich erholen zu lassen. (Pour l'instant non, il vaut mieux la laisser récupérer.)
Tom se sentait essoufflé comme s'il avait retenu sa respiration jusqu'ici. Il acquiesça et l'infirmière retourna s'occuper des autres patients. Il avait envie de pleurer pour se relâcher complètement mais il n'y arrivait pas. La main de Rosa apportait un peu de chaleur dans ses articulations néanmoins, ça lui faisait du bien.
- Jetzt wird alles gut. (Maintenant, ça va aller.) , lui souffla-t-elle.
Il se passa un long moment de silence ou plutôt de respiration. Tom regardait ailleurs.
Les mots sortirent simplement quand le calme fut en place.
- Du weißt, ich denke, ich werde gehen, wenn alles geklärt ist. (Tu sais, je pense que je vais partir quand tout sera réglé.)
Rosa l'observa silencieusement.
Son pouce caressa la main qu'elle tenait.
- ... Ich weiß. (... Je sais.)
Tom leva les yeux sur elle.
Qu'est-ce qu'elle adorait la bouille de chiot qu'il avait quand il était triste.
Mais à elle aussi ça lui faisait mal.
Il y avait quelque chose qu'il voulait lui demander mais il hésitait. Il baissa la tête.
- Ich gehe auf die Straße und versuche, meine Gitarre zu hören. (Je vais partir sur les routes et tenter de faire entendre ma guitare.)
Il releva très légèrement les yeux vers les siens.
- Ich wünschte, du wärst meine Managerin. (J'aimerais beaucoup que tu sois ma manager.)
Il avait l'impression de sortir ce projet de nulle part, mais se rendit rapidement compte qu'il y songeait depuis un moment en réalité. Il leva la main.
- Aber ich will dich nicht zwingen. Wenn du bleiben willst, ist es deine Wahl und ich werde es respektieren. (Mais je ne veux pas t'y forcer. Si tu veux rester c'est ton choix et je le respecterai.)
Rosa l'observa longuement.
- Ich werde darüber nachdenken. (Je vais y réfléchir.)
Cette promesse lui suffisait.
C'est de ma faute.
Cette pensée qui revenait en boucle comme un écho dans le vide.
Ses yeux se refixèrent sur la porte où étaient traités ses parents.
Il n'arrivait pas à se détacher de ce qu'il s'était passé il y a quelques heures. Il se mit à fixer l'horloge de la salle d'attente. Ses mains tremblèrent. Il y réfugia son visage. Ses ongles se plantèrent dans son cuir chevelu, désespérés.
C'est de ma faute.
Il ne savait pas pourquoi, mais il le sentait. S'il n'avait pas existé, cela ne se serait jamais produit. Il avait l'impression que sa présence incitait les autres à la violence depuis plusieurs mois déjà. Il ne comprenait pas pourquoi. Et surtout, il n'aurait jamais imaginé que cela atteigne sa famille. Helge et Otmar étaient tout ce qu'il y avait de plus doux sur Terre.
C'est de ma faute.
Oui, c'était de la sienne. Et il n'avait jamais été aussi perdu et effrayé de toute sa vie.
Pourquoi ?
Une autre question qui se répétait sans rien débloquer.
Il n'arrivait pas à pleurer. Il se sentait paralysé, le souffle presque imperceptible.
S'ils mourraient, il s'en voudrait toute sa vie.
- Herr Pieper ? (Mr. Pieper ?)
Il redressa la tête pour tomber sur le visage compatissant de l'infirmière.
- Herr Pieper ist aus dem Schneider. Der Zustand von Frau Pieper ist noch ungewiss, aber es besteht eine gute Chance, dass auch sie zurechtkommt. (Mr. Pieper est sorti d'affaire. L'état de Mme Pieper est encore incertain mais il y a de bonnes chances qu'elle s'en sorte elle aussi.)
- Darf ich sie sehen? (Puis-je les voir ?)
- Frau Pieper ist noch im Operationssaal, aber Herr Pieper wurde gerade versetzt. Ich kann Sie hinbringen. (Mme Pieper est encore en salle d'opération mais Mr. Pieper vient d'être transféré. Je peux vous y mener.)
La gorge serrée, il eut du mal à sortir :
- Danke Sie. (Merci.)
Il se leva, légèrement chancelant, et suivit l'infirmière. Il avait froid aux articulations des mains tellement il avait peur. Peur de voir l'état de son père, puis de sa mère. C'étaient les pires instants de sa vie.
La porte s'ouvrit.
Tout le côté droit de son père était couvert de bandages. Les deux doigts de sa main gauche brisés lors du tumulte étaient eux aussi enroulés.
Les larmes dégoulinèrent silencieusement.
Tom n'osa pas s'approcher. Il resta là à fixer cette vision qui le tourmenterait pendant des années.
Une légère secousse passa dans son esprit et il se décida à avancer lentement, puis à s'asseoir à côté de celui qui avait pris soin de lui pendant toutes ces années.
Il dormait d'un sommeil alourdi par les anesthésiants.
- Wie lange wird es dauern, bis er wieder gesund ist? (Il lui faudra combien de temps pour s'en remettre ?)
- Er muss einige Tage im Krankenhaus bleiben, bevor er nach Hause zurückkehren kann. (Il devra rester quelques jours à l'hôpital avant de pouvoir retourner chez lui.)
Tom avait la respiration légèrement tremblante. Les larmes continuaient de couler. Il leva les yeux sur l'infirmière.
- Können Sie mir sagen, wann meine Mutter gerettet ist? (Pourrez-vous me dire quand ma mère sera sauvée ?)
Le regard compatissant de cette personne l'apaisait et inexplicablement accentuait son désespoir en parallèle.
- Ich halte Sie auf dem Laufenden. (Je vous tiendrai au courant.)
Elle sortit, le laissant seul avec son père.
Un sanglot passa dans son souffle.
- Wie ist es dazu gekommen...? (Comment en sommes-nous arrivés là...?)
Il s'enfouit de nouveau la tête entre les mains, s'enfuit dans des souvenirs plus lointains.
Enfance
Tom avait connu très tôt une vie qui (justement) se lève tôt. Ses parents adoptiefs tenaient une ferme en marge de la ville et il mit très jeune la main à la pâte. C'était lui qui nourrissait les animaux.
C'est certainement l'une des meilleures choses qui pouvait lui arriver. Il ne s'était jamais senti autant en sécurité qu'avec ces vaches au regard doux, ces brebis à la laine moelleuse, ces poules au dandinement amusant et ces lapins à la chaleur aussi réconfortante. C'était une vie simple et paisible...
Cette ferme avait miraculeusement survécu à la guerre, même si comme pour beaucoup, le couple d'Helge et Otmar s'en était sorti fortement appauvri. À vrai dire, iels avaient subi plusieurs razzias de l'armée nazie pendant ces dernières années. C'est en rusant qu'iels ont réussi à garder au moins de quoi se nourrir pendant les temps durs.
Helge et Otmar ont perdu tous les deux leur famille à cause de la folie nazie. Iels étaient les seuls à ne pas s'être endoctrinés jusqu'à l'âme et cherchaient uniquement à faire profil bas pendant ces six années pour ne pas s'attirer d'ennuis. Leurs sœurs, leurs frères ainsi que leurs enfants, s'ils n'ont pas été tués à Berlin lors de la percée soviétique, ont soit été victimes de sabotages soit s'étaient donné la mort quand celle d'Hitler avait été annoncée. Les deux fermiers étaient bien loin de tout ça.
Aussi, quand un jour une jeune femme aux yeux bruns toqua à leur porte avec un visage émacié et un bébé dans les bras, malgré que leurs rations soient basses, iels l'accueillirent pendant une nuit. Iels avaient besoin de sentir un peu d'humanité, de se sentir un peu humains après toutes les horreurs qui s'étaient déroulées. Elle s'appelait Léandre.
Léandre s'était trouvée sans moyens de subsister quand il n'y eut plus de soldats à sustenter. Pas d'argent pour manger et encore moins pour voyager et rejoindre sa famille en France. Sa seule famille en Allemagne, sa tante, l'avait reniée quand elle avait appris la profession qu'elle exerçait. Léandre avait erré, alourdie par le fardeau de l'enfant à qui elle avait enfin donné naissance quelques mois après la fin de la guerre. Quand celui-ci naquit, il lui fut évident qu'elle n'arriverait jamais à s'en occuper comme il le faudrait. Une ancienne amie de la profession lui parla d'une opportunité en Indochine avec l'armée, de nouveau.
Mais Léandre en avait marre de la guerre, marre de la misère et des militaires.
Léandre déposera Tom chez les deux fermiers puis aura finalement l'opportunité d'avoir des cours de dactylographie grâce aux contacts de cette même amie, et de survivre en tant que secrétaire en Allemagne. Elle mourra d'une pneumonie un ou deux ans après. Elle sera retournée chez sa famille française à ce moment-là.
Elle taira le fait que le géniteur de Tom était un haut-officier nazi aux deux fermiers, et ne parlera probablement de l'existence de Tom qu'à sa meilleure amie Agathe Mercier.
Par ailleurs, après cette nuit-là, Helge et Otmar n'entendirent plus jamais parler de Léandre.
Leur ferme se trouvait à plusieurs kilomètres de Francfort mais il existait quelques villages à côté. Tom, après s'être occupé des animaux, devait accomplir quelques kilomètres à pied chaque jour pour aller à l'école quand il fut en âge d'y aller. (note : il n'alla pas au Kindergarten (= école maternelle)) Helge et Otmar voulaient qu'il bénéficie de cette chance, qu'importe qu'il doive se lever à cinq heures du matin pour y arriver. Et de toute manière, c'était obligatoire.
On ne va pas se mentir, vivre en RFA était plus paisible qu'en RDA. Tom bénéficia d'un enseignement de qualité, que ce soit sur le plan humain ou intellectuel. Dans sa classe se trouvaient à la fois des enfants de l'Allemagne, des Etats-Unis et de la France. C'étaient des petites classes mais Tom avait toujours eu du mal à tisser des liens. C'était l'enfant silencieux qui restait dans un coin de la cour à regarder les feuilles au sol ou à laisser les fourmis monter sur ses mains pour les observer de près.
Tom a toujours été doué de bonnes capacités d'écoute. Cependant, il s'endormait souvent en cours du fait de la fatigue. Il s'en sortait grâce à sa bonne mémoire mais la majorité des profs le détestait, le croyant fainéant.
Tous, sauf une : Mme Eberhard.
Contrairement à ce que son nom de famille pourrait laisser entendre, Frau Eberhard était d'une douceur sans nom. Elle sentit que Tom était curieux de tout ce qu'il y avait à apprendre derrière cette mine endormie et lui prêta des livres quand il sut lire. Elle se prit d'affection pour ce tempérament doux et rêveur. C'est certainement grâce à elle qu'il ne se fit pas entièrement couler par les autres enseignants.
Il y avait quelqu'un d'autre que son air somnolent énervait. Une petite gamine du nom de Rosa, qui s'amusa très tôt à venir le bousculer dans sa solitude, le poussant à s'agiter un peu. En fait, elle devint sa meilleure amie.
Rosa et sa famille vivaient à mi-chemin entre l'école du village et la ferme de Tom. Ils se retrouvèrent assez vite à faire les trajets ensemble, matin et soir. Éventuellement, leurs parents tissèrent des liens à leur tour, assez pour que Rosa passe quelques weekends chez Tom et inversement.
Tom apprit assez vite que sa chair n'était ni celle d'Helge ni celle d'Otmar. L'une trop blonde et l'autre trop brun ; des yeux bleus et des yeux marrons ; des traits secs et une mâchoire trop carrée ; la chevelure rousse du bambin et la douceur de son visage indiquaient l'ailleurs. C'est Rosa qui un jour lui en fit la remarque :
- Deine Eltern sind' nich' wie du (Tes parents ils t'ressemblent pas)
Ce à quoi Tom n'avait rien répondu, tout simplement parce qu'il ne voyait pas quoi dire. C'était quelque chose qu'il avait remarqué mais qui ne l'avait jamais gêné jusqu'ici. Devrait-il ?
Rosa lui avait cogné légèrement le bras pour lui arracher une réaction.
- Wie wär' es dann? (Bah alors ?)
Tom s'était frotté le bras et s'était légèrement détourné.
- Und ? (Et ?) , avait-il marmonné.
Cette fois c'était Rosa qui n'avait rien trouvé à dire. Elle ne voulait pas lui dire quelque chose de blessant, alors elle changea de sujet.
Mais cela trotta dans la tête du petit Tom, qui le soir d'après alla voir ses parents adoptiefs.
- Warum bin' ich rot? (Pourquoi je suis roux ?)
Helge et Otmar ne cherchèrent pas à lui cacher d'où il venait - déjà qu'il n'y avait pas grand-chose qu'iels savaient. Iels lui dirent que celle qui lui avait donné naissance était partie juste après l'avoir confié à eux. Iels lui dirent qu'iels ne savaient rien d'elle si ce n'est son prénom, son visage et son léger accent français, ainsi qu'une vague information comme quoi elle aurait une tante en Allemagne - mais l'Allemagne est vaste. Tom demanda à quoi elle ressemblait. Puis il demanda pour son géniteur. Mais Helge et Otmar n'avaient aucune idée de qui ça pouvait bien être.
- Aber du bist wie ein Sohn für uns. (Mais tu es comme un fils pour nous.)
C'était quelque chose que le jeune Tom avait besoin de savoir. Cette révélation ne perturbait pas la stabilité que lui offraient Helge et Otmar ni l'amour qu'iels lui portaient.
Cela provoqua néanmoins un malaise dans sa quiétude, une zone d'inconnu. Ayant une imagination débordante, il se dit que sa mère était la reine de la forêt et qu'elle s'était sauvée pour le sauver d'un grand et vilain dragon qui voulait le manger.
Si seulement il savait à quel point ça se rapprochait de la vérité.
Son cursus lui permit d'apprendre l'anglais et l'allemand, et la promiscuité avec ses quelques camarades étrangers quelques bouts de français. Quand il alla en Gesamtschule (lycée regroupant apprentissages, bacs pros et généraux) avec Rosa, il souhaita se rapprocher au maximum de la langue de sa génitrice et prit français en langue vivante.
Rosa fit le Gymnasium (bac général) tandis que Tom prit le cursus Realschule (bac pro) dans l'idée de continuer à aider ses parents à la ferme après ses études. En réalité, Helge et Otmar se faisaient dépasser par tous les élevages intensifs qui commençaient à se développer petit à petit tout autour. Iels avaient besoin de toute l'aide qu'iels pouvaient. Mais en même temps, iels étaient pris d'un sentiment mitigé : celui de garder Tom en sécurité à la ferme et bénéficier de son aide ou de le laisser s'envoler en dehors vers son propre chemin.
Le lycée se trouvant encore plus loin que le village où il allait jusqu'ici, il se mit à prendre le bus jusqu'à la périphérie de Francfort.
Il y était déjà allé une ou deux fois avec ses parents pour des courses spécifiques, mais ça n'empêcha pas le tournis qu'il connut en y allant tous les jours pour aller à l'école. Il y avait trop d'activités dans cette métropole, trop d'odeurs, de gens et de paroles.
Mais c'était sans compter sur le soutien indéfectible de Rosa, qui le traîna de rue en rue jusqu'à connaître presque chaque recoin comme leurs poches. Avec cet entraînement quotidien, le tournis ne fut bientôt plus.
C'est lors de l'une de leurs escapades que Rosa remarqua les discrètes étoiles d'envie dans les yeux de son meilleur ami quand il fixa une guitare dans une vitrine en passant. Son anniversaire arrivant la semaine d'après, elle lui fit la surprise de lui acheter une guitare d'occasion.
- A-aber ich kann nicht einmal spielen (M-mais je ne sais même pas en jouer) , avait-il bredouillé sous le coup de la surprise et de l'émotion.
- So lernst du es. (Justement, comme ça, tu vas apprendre.)
Tenir le manche de l'instrument lui envoyait de petits électrochocs d'anticipation. Il ne sut quoi dire à part partir en effusion de remerciements. Il était heureux comme un gamin ; en général pour les anniversaires il recevait soit une pièce de vêtement soit des friandises de la part de ses parents. C'était toujours Rosa qui arrivait à mettre le doigt sur ce qui le faisait vraiment tripper. Elle avait ce don de lire en lui comme dans un livre ouvert. Tom faillit l'étouffer dans son câlin.
Au début, qu'est-ce qu'il jouait mal. Mais avec le peu d'argent de poche qu'il possédait, il s'acheta un petit guide pour apprendre les bases, et de fil en aiguille et en s'exerçant il s'améliora.
Le lycée fait partie de la période où il se fit le plus de potes. Il arrivait un peu mieux à se mêler avec les gens, son côté bon public aidant. Cependant, personne ne pouvait arriver à l'échelle de Rosa. Elle, c'était sa bestie.
Éveil des pouvoirs
Avec des potes, Tom monta un semblant de bande qui continua à se voir les weekends et certaines soirées en semaine pour jouer et composer du ramdam. Tom obtint son Realschul-abschluss (bac) à 16 ans et comme prévu retourna à la ferme aider ses parents.
Ces sessions musicales étaient ses moments de respiration et de pure effusion créative.
Au début, c'était génial. Tout le monde s'amusait, il y avait une ambiance un peu de garage avec quelques bières voire à l'occasion un ou deux tarpés, beaucoup de détente et de rigolade. Il était prévu qu'iels jouent dans un des villages alentours lors d'une fête annuelle.
C'est dans cette période que Tom commença à se sentir très... bizarre. Pas forcément vis-à-vis de ses potes, qui formaient un cercle assez sain. Mais en allant parfois en ville, il... comment dire... sentait les pulsions des gens autour ? Les pulsions agressives, destructrices... Négatives et toxiques.
Même les plus infimes.
Mais il y avait une nuance depuis quelques temps. Il ne savait pas si c'était dû au hasard, mais quelques fois, il s'attarda et se concentra sur certaines pulsions pour essayer de déterminer s'il était fou, ou en tout cas essayer de saisir pourquoi il ressentait tout ça...
Presque à chaque fois ça se terminait en bagarre à côté. C'est comme si... ces pulsions se retrouvaient... exacerbées sur l'instant ? Mais ça devait être son imagination. Il ne voyait là que du hasard, un hasard étrange mais un hasard tout court.
Puis un jour, un de ses potes arriva à l'une de leurs répétitions, quelques jours avant le concert. Il sentit que quelque chose n'allait pas... Il y avait comme un nuage noir autour de sa tête et de son cœur.
Iels apprirent qu'il venait de se faire larguer par celle qui était sa petite amie depuis bientôt cinq ans. Iels en discutèrent, il raconta tout. Cela ne dura pas longtemps à vrai dire.
Tom n'écouta rien, concentré sur cette ambiance sombre que dégageait son ami. Celui-ci se mit à se braquer petit à petit aux questions compatissantes du groupe puis finit par prendre la mouche à une remarque innocente d'un autre ami. La tension monta rapidement entre les deux. Ils faillirent en venir aux poings à un moment. Tom observait la scène sans rien faire, rien penser, il était comme déconnecté.
C'est Rosa qui s'interposa entre les deux en les rabrouant fermement, faisant baisser la tension d'un cran. C'est l'élastique de sa voix qui ramena Tom sur Terre. Le groupe était particulièrement perturbé par l'accès de violence des deux membres. Après un lourd instant de gêne orageux, chacun prit son poste pour travailler, comme l'avait si bien pointé Rosa. Tom prit sa guitare avec une sensation de malaise. Il venait d'assimiler ce qui venait de se passer. Il se rendit compte que le malaise venait non seulement de ce qui venait d'arriver mais aussi de ce qu'il ressentait. Il y avait comme une... frustration latente. C'est comme si une partie de lui avait apprécié de voir jusqu'où l'escalade irait. Il chassa cet horrible ressenti d'un frisson.
La musique balaya les mauvaises ondes. Les deux amis s'excusèrent après la répétition.
Tom eut la pensée que ça commençait à faire beaucoup de coïncidences. Mais en même temps, pourquoi penserait-il que c'est de sa faute ? Il n'a quand même pas le pouvoir de rendre les gens agressifs ? Non, ça devait être le hasard, l'ordre des choses. Il n'avait rien à voir là-dedans.
Le jour du concert arriva. Le groupe était hypé comme jamais. La nouvelle de l'évènement fit le tour des villages alentours. Un monde monstre se retrouva dans le petit bled, compressé autour de l'estrade. Le groupe de Tom n'était pas le seul à passer, ça allait être un gros évènement local. Et il se passa merveilleusement bien. Ce serait certainement l'un des meilleurs souvenirs de Tom si celui-ci n'avait pas été entaché peu de temps après. En descendant dans les coulisses improvisées, il n'y trouva pas Rosa. Il commença à s'inquiéter. Un sombre pressentiment lui passa par l'estomac. Il déposa sa guitare et partit à sa recherche.
Il la trouva quelques minutes plus tard dans les toilettes de la salle des fêtes, effondrée sur le carrelage.
- ...Rosa ?
Il s'approcha.
La première chose qu'il vit en dehors de son maquillage ruiné étaient les bleus sur ses bras.
- Rosa !
Il se précipita vers elle. Il la saisit dans ses bras, l'observant rapidement pour déterminer ce qu'il s'était passé. Son visage était devenu presque aussi pâle que celui de sa meilleure amie sous le coup de la panique.
- Was ist passiert??
Rosa ne répondait pas, les yeux creux. Tom la scrutait la bouche ouverte. Il avait la gorge sèche. Il comprit, ou plutôt accepta ce qu'elle ne lui disait pas.
... Nein.
Comment ?
Il sentit un long moment de déconnexion.
Puis il sentit quelque chose qui arrivait rarement. Une brûlure. Comme de l'acide, ça remontait sur sa gorge, ça la rongeait comme si ça souhaitait ressortir par ses glandes lacrymales, inonder tout son être, sortir en fumant par ses pores et attaquer tout ce qui existe alentours. Son sang commença à bouillir, l'air autour de lui à se teinter de bordeaux - métaphoriquement. Il sentit ses cheveux se dresser sur son crâne.
- Wer ?
Un murmure. Plus un crissement guttural.
Pendant une minute lui vinrent des images où il déchirerait la gorge du coupable en descendant sur son ventre pour l'évider en entier, lui broyer les bras et lui faire bouffer ses dents par les yeux. C'était tellement intense que ça aurait pu se matérialiser directement hors de son esprit à cet instant. Le bâtard haletait, bouffé par des vagues de mauvaises ondes.
On ne sait comment, il parvint à recueillir un brin de raison. Il devait emmener Rosa dans un endroit calme, loin de ce lieu d'horreur et de la foule. Loin d'ici.
- Kannst du aufstehen? (Peux-tu te lever ?)
Il tremblait de ce qu'on lui avait infligé mais faisait de son mieux pour l'aider.
Rosa, cette Rosa si forte et déterminée, semblait une enveloppe vidée de volonté à cet instant. Elle se laissa redresser avec délicatesse et guider en dehors des lieux, entourée du bras protecteur de Tom. Elle ne dit rien.
C'est l'une des premières fois que Tom ressentit l'envie de tuer quelqu'un.
Tom rumina pendant des jours ce qu'il s'était passé.
Un jour, il proposa à Rosa de l'accompagner au poste pour que justice soit faite.
- Und was glaubst du, werden sie tun? (Et que penses-tu qu'ils vont faire ?)
Rosa le regarda avec une ironie qui le blessa.
- Ich werde dir antworten. Sie werden wie alle Mädchen tun, die den Mut haben, dem Tabu zu trotzen, um bei den Behörden Hilfe zu suchen.
Nichts. (Je vais te répondre. Ils vont faire comme pour toutes les filles qui ont le courage de braver le tabou pour aller chercher de l'aide auprès des autorités.
Rien.)
Tom était bouleversé. Il cherchait quoi dire, mais cela sortait par des souffles silencieux. Rosa posa sa main sur sa joue, semblant s'adoucir, et braqua son regard dans le sien pour le capter. Elle parla fermement.
- Du hast getan, was du konntest, Tom. (Tu as fait ce que tu as pu, Tom.)
Tu as fait ce que tu as pu, Tom.
Mais ce n'était pas assez. Ce ne serait jamais assez. Il se retint de sangloter et serra les poings.
Comment arrivait-elle à être aussi forte alors qu'il avait le sentiment de tanguer, et alors qu'il n'avait pas vécu ce qu'elle avait vécu ? Pourquoi c'était elle qui l'apaisait alors que c'était censé être dans le sens inverse ? Il se sentit minable. Il referma les lèvres. Il aimerait pouvoir lui enlever ce fardeau pour toujours.
Tout ce qu'elle demandait, c'était un peu de paix pour enfouir le traumatisme dans son esprit. C'était sa manière de gérer ce qu'il s'était passé.
Il s'approcha doucement pour lui faire un câlin, très délicatement pour ne pas la brusquer.
Il ne voyait pas comment lui communiquer autrement un peu de chaleur, un peu d'apaisement. Les mots et les actions semblaient tellement inutiles dans ces moments-là. Une larme glissa parmi les milliers qu'il retenait. Il aimerait pouvoir pleurer pour elle, si seulement ça pouvait la soulager. Mais il savait que ça ne changerait rien. La tête baissée, il s'écarta peu de temps après, sentant que les contacts physiques étaient encore trop pour elle.
- Sag mir, wenn du etwas brauchst. (Dis-moi si tu as besoin de quoi que ce soit.) , fit-il la mine sombre.
Il voulait lui signifier qu'il était là.
Rosa n'arriva pas à le remercier, ni à rien dire en fait. Elle se contenta de hocher de la tête.
Tom la laissa tranquille.
L'incendie
L'ambiance s'était détériorée à la maison au fil des mois depuis le festival. Sans s'en rendre compte, Tom avait déteint sur Helge et Otmar, qui devinrent de plus en plus revêches l'un envers l'autre et de plus en plus distants, comme s'iels ne se supportaient plus à certains moments. Iels se contentaient de battre froid.
Puis un jour, il y eut une dispute.
- Du solltest reisen, Tom, statt auf der Farm zu bleiben. Wer weiß, ob sie nicht auch eine Mauer zwischen der BRD und dem Rest der Welt errichten werden. (Tu devrais voir un peu de pays, Tom, au lieu de croupir à la ferme. Qui sait s’ils ne vont pas mettre un mur entre la RFA et le reste du monde aussi.)
Otmar faillit avaler de travers sa salive.
- Wovon redest du, Helge! Glaubst du, wir schaffen es, die Farm in unserem Alter zu führen? (Qu'est-ce que tu racontes Helge ! Et tu crois qu'on va réussir à gérer la ferme à notre âge ?)
- Ich glaube, Tom ist noch jung, um in einer Ecke wie unserer zu bleiben. Wir müssen nur jemanden einstellen. (Je crois que Tom est encore jeune pour rester coincé dans un coin comme le nôtre. On n'a qu'à embaucher quelqu'un.)
- Siehst du nicht, dass wir mit der ganzen Konkurrenz um uns herum finanzielle Schwierigkeiten haben? (Tu ne vois pas qu'on galère assez financièrement avec toute la concurrence autour ?)
Tom ne savait quoi dire. Il n'avait pas vu ça venir. Quitter la maison, comme ça ? Il pensait aider ses parents encore quelques années. Oui, il était vrai qu'il avait pensé à partir avec sa guitare sur le dos pour sillonner les routes, inspiré par les groupes qui commençaient à émerger ci et là dans le monde. Mais pas maintenant. Pas comme ça ? Il n'était même pas majeur !
- Nun, lassen wir den Jugendlichen Platz und geben den Schlüssel unter die Tür zurück. Behalten wir nur etwas zu essen. Wir brauchen nicht viel. (Eh bien, laissons la place aux jeunes et rendons la clef sous la porte. Gardons uniquement de quoi nous nourrir. Nous n'avons pas besoin de beaucoup.)
- Was redest du da? (Non mais tu t'entends parler ?)
- Du reagierst, als wäre Tom dein Sklave. Er hat ein ganzes Leben zu leben. Ich denke, er muss wissen, dass er fliegen kann, wenn er will. (Toi tu es en train de réagir comme si Tom était ton esclave. Il a toute une vie à vivre. Je pense qu'il faut qu'il sache qu'il peut s'envoler s'il le désire.)
Helge se tourna vers son fils.
- Willst du nicht nach Frankreich? Ich habe deinen Reiseführer unter deinem Schreibtisch gesehen. (Ne veux-tu pas aller en France ? J'ai vu ton guide de voyage sous ton bureau.)
- I-ich weiß nicht... (J-je ne sais pas...) , bredouille-t-il, décontenancé.
Oui, il aimerait beaucoup remonter les traces de sa mère de sang. Il ne voulait pas en parler à Helge ni Otmar pour ne pas les mettre mal. C'était de la curiosité, rien de plus.
- Siehst du, er selbst will bleiben! Lass ihn in Ruhe, anstatt ihn auf die Veranda zu schieben. (Tu vois, lui-même veut rester ! Laisse-le tranquille au lieu de le pousser vers le perron.)
Helge frappa la table de sa main.
- Du lässt ihn sich seine eigene Meinung bilden, ja? (Tu vas le laisser se faire son propre avis oui ?)
La tension était montée d'un cran.
Otmar devint pâle de colère.
- So redest du nicht mit mir! (Tu ne me parle pas comme ça !)
- Ich rede mit dir, wie ich will. (Je te parle comme je veux.)
- Ach ja? (Ah oui ?)
- G-genug...! (A-assez...!) , tenta d'intervenir Tom.
Cela mit en pause l'escalade, mais la tension entre leurs deux regards était pleine de colère.
Chacun se mit dans un coin de la pièce à s'occuper.
Tom, mal à l'aise, alla dans sa chambre à l'étage. Il referma doucement la porte derrière lui. Il soupira. C'était quoi ça ?
Il sortit sa guitare et se posa, la caressant au départ puis se mettant à tenter quelques accords expérimentaux.
Ça ne suffit pas à couvrir les cris qui résonnèrent quelques minutes plus tard. Tom renifla à la venue d'une odeur.
Ça sentait la fumée ?
Il déposa sa guitare et descendit en vitesse.
L'odeur venait du dehors. Helge et Otmar n'étaient pas dans la maison mais c'étaient bien leurs cris qui perçaient l'air. Tom fonça les rejoindre.
La grange était en feu.
Helge et Otmar s'activaient pour sortir les vaches qui y avaient été regroupées pour la saison froide, mais elles étaient effrayées par les flammes. Iels s'engueulaient en parallèle, les gorges en feu et les yeux haineux.
- Hast du das Heu weggeräumt, als es noch nass war?! (Tu as rangé le foin alors qu'il était encore mouillé ?!)
- Bitte gib mir nicht immer die Schuld!! (Arrête de reporter toujours la faute sur moi je te prie !!)
- Tom, hol ein paar Eimer Wasser! (Tom, va chercher des seaux d'eau !!) , hurla Helge en l'avisant.
Des seaux d'eau paraissaient dérisoires vu la vitesse à laquelle le feu gagnait du terrain. Mais Tom fonça, le sang pulsant aux tempes. Schnell, schnell !
Il revint le plus vite qu'il put, mais le bâtiment semblait condamné à s'écrouler d'une minute à l'autre. Une jeune génisse était encore coincée à l'intérieur. Helge était entrée pour tenter de l'en sortir. Iels semblaient avoir mis de côté leurs différends pour l'instant pour se concentrer sur la sauvegarde de leurs biens.
Helge arriva jusqu'à la génisse ainsi qu'à la guider vers la sortie.
Une poutre craqua.
- Helge achtung ! (Helge, attention !)
Otmar bondit sans réfléchir.
Il se reçut la poutre enflammée sur le côté droit, protégeant Helge. Il s'écroula à genoux. La génisse partit en courant vers l'extérieur, lui broyant une partie de la main gauche au passage. Helge hurla, Tom hurla.
- VATI !!
Il bondit les rejoindre dans les flammes pour aider à soulever la poutre et le, les sortir de là. Prenant chacun un bras, lui et sa mère tirèrent Otmar de là.
Peu avant la sortie, Helge reçut une brique sur le coin de la tête, l'assommant. Tom se retrouva seul à gérer cette situation critique. Les vaches s'étaient enfuies à vau-l'eau. Tout se brouilla et il passa en mode automatique.
Les secours mirent un temps infini à venir lui sembla-t-il.
Il s'en était miraculeusement sorti avec seulement quelques égratignures.
Le voici maintenant à attendre le verdict médical de sa mère, envahi par la peur et l'appréhension.
S'iels n'avaient pas été occupës à s'engueuler, iels auraient senti le feu bien avant et auraient pu l'éteindre, ou au moins s'en sortir sans blessures. Plus ça allait et plus Tom se disait que cette discorde dans son entourage venait de lui. Il n'était pas du genre égocentrique, mais c'était l'évènement de trop. Il ne comprenait pas pourquoi, mais sa présence incitait les autres à se faire du mal. Et rien ne pouvait être pire pour lui que de faire du mal à ses proches.
Il se dit que ça aurait pu être pire, que ses parents auraient pu mourir là-bas sur le coup, que la maison fusse partie en cendres elle aussi. Il fallait qu'iels survivent et guérissent, et iels pourraient tout reconstruire ensemble. C'était une chance que leurs moutons se trouvent dans un champ un peu plus éloigné, cela ne les avait pas touchés.
Iels reconstruiraient tout, puis Tom partirait. Il ne savait pas si un Dieu quelconque l'entendait, mais il en fit la promesse. Si ses parents survivaient et guérissaient, il les aiderait à reconstruire ce qui le doit puis partirait, si c'était le message qu'on essayait de lui communiquer.
- Tom !
Il redressa la tête et avisa Rosa. Elle s'approcha de lui et lui prit les mains.
- Ich kam so schnell ich konnte. (Je suis venue le plus vite que je pouvais.)
Il la regarda d'un air désespéré. Elle l'enlaça.
- Wie sind sie ? (Comment vont-iels ?)
Tom entrouvrit les lèvres pour répondre, quand l'infirmière de tout à l'heure entra de nouveau dans la pièce.
- Herr Pieper ? (Mr. Pieper ?)
Rosa lâcha Tom, qui regardait avec angoisse la soignante. Elle lui adressa un petit sourire.
- Frau Pieper ist gerade aufgewacht. Die Ärzte sagen, dass sie mehrere Wochen Ruhe braucht, bevor sie sich bewegen kann, aber sie scheint aus dem Schneider zu sein. (Madame Pieper vient de se réveiller. Les docteurs disent qu'il lui faudra plusieurs semaines de repos avant qu'elle ne se permette de bouger, mais elle semble sortie d'affaire.)
Il se serait écroulé de soulagement s'il n'était pas déjà assis. Il remercia tous les saints et divinités existants.
- K-kann ich sie sehe ? (P-puis-je la voir ?)
- Im Moment ist es besser, sie sich erholen zu lassen. (Pour l'instant non, il vaut mieux la laisser récupérer.)
Tom se sentait essoufflé comme s'il avait retenu sa respiration jusqu'ici. Il acquiesça et l'infirmière retourna s'occuper des autres patients. Il avait envie de pleurer pour se relâcher complètement mais il n'y arrivait pas. La main de Rosa apportait un peu de chaleur dans ses articulations néanmoins, ça lui faisait du bien.
- Jetzt wird alles gut. (Maintenant, ça va aller.) , lui souffla-t-elle.
Il se passa un long moment de silence ou plutôt de respiration. Tom regardait ailleurs.
Les mots sortirent simplement quand le calme fut en place.
- Du weißt, ich denke, ich werde gehen, wenn alles geklärt ist. (Tu sais, je pense que je vais partir quand tout sera réglé.)
Rosa l'observa silencieusement.
Son pouce caressa la main qu'elle tenait.
- ... Ich weiß. (... Je sais.)
Tom leva les yeux sur elle.
Qu'est-ce qu'elle adorait la bouille de chiot qu'il avait quand il était triste.
Mais à elle aussi ça lui faisait mal.
Il y avait quelque chose qu'il voulait lui demander mais il hésitait. Il baissa la tête.
- Ich gehe auf die Straße und versuche, meine Gitarre zu hören. (Je vais partir sur les routes et tenter de faire entendre ma guitare.)
Il releva très légèrement les yeux vers les siens.
- Ich wünschte, du wärst meine Managerin. (J'aimerais beaucoup que tu sois ma manager.)
Il avait l'impression de sortir ce projet de nulle part, mais se rendit rapidement compte qu'il y songeait depuis un moment en réalité. Il leva la main.
- Aber ich will dich nicht zwingen. Wenn du bleiben willst, ist es deine Wahl und ich werde es respektieren. (Mais je ne veux pas t'y forcer. Si tu veux rester c'est ton choix et je le respecterai.)
Rosa l'observa longuement.
- Ich werde darüber nachdenken. (Je vais y réfléchir.)
Cette promesse lui suffisait.
arc 2
We won't be sure what's legendary
Until we read the obituary
Until we read the obituary
Il fallut plusieurs semaines pour reconstruire ce qui fut la grange. Otmar avait bien récupéré même si une partie de son côté droit restait pour l'instant paralysée. Helge allait beaucoup mieux même si elle avait régulièrement de gros coups de fatigue - elle devait y aller mollo d'après les médecins. Tom prit tout en charge lors de cette période.
La totalité des vaches s'étaient enfuies et perdues mais iels réussirent à en récupérer une. Iels firent une croix sur l'élevage bovin et gardèrent celle-ci pour leurs besoins personnels. Le nouveau bâtiment fut donc beaucoup plus petit et converti en seconde bergerie. Des amis de la famille (voire des voisins à quelques kilomètres) vinrent aider, ayant eu vent de ce qui leur était arrivé.
Helge et Otmar s'étaient réconciliés après l'accident. Iels ne comprenaient pas ce qu'il leur était arrivé pour se comporter comme iels l'avaient fait ces derniers temps, et avaient décidé que ce n'était pas important.
Ce qui était important, c'était qu'iels comptaient l'un pour l'autre, et que cette épreuve en était - de fait - une preuve. Qu'iels s'aimaient.
La ferme avait rarement connu autant d'activité sociale que lors des travaux. Il y avait régulièrement des personnes aux mains volontaires, et on peut dire que ce furent des semaines relativement douces à côté du labeur. Se sentir soutenu faisait toujours du bien de toute façon. Helge et Otmar nouèrent des relations amicales qui leur valurent des visites régulières même après le départ de Tom.
Iels apprirent bien longtemps après que l'incendie avait été provoqué par un vagabond qui avait cassé le cadenas pour trouver refuge dans la grange, et que ce dernier avait eu la mauvaise idée de fumer un coup... Et de s'endormir sans éteindre sa clope. Il suffit de quelques braises. Le vagabond se réveilla en sentant une chaleur. Paniqué, il fit du vent avec sa veste pour l'éteindre. Bien évidemment, ce fut la pire chose qu'il aurait pu faire. Il s'enfuit avant qu'on ne le remarque quand il comprit que c'était foutu. On connaît la suite.
Pour revenir au départ de Tom, quand celui-ci sentit que les choses s'étaient calmées et que ses parents ne dépendaient plus entièrement de lui, il se décida à leur annoncer la nouvelle. Ce qui avait été un sujet de dispute devint deux acquiescements muets. C'était assez exceptionnel comme réaction au vu de l'époque, puisque la majorité s'obtenait à 21 ans. C'était une marque de grande confiance qu'iels consentent à le laisser voguer librement où il le souhaitait.
Alina, une amie d'Helge était alors présente.
- Wann wirst du gehen? (Quand comptes-tu partir ?) , demanda Helge.
- In zwei Wochen. (Dans deux semaine.)
Il voulait se laisser le temps de dire au revoir et de tout bien préparer. Mais il était décidé.
Otmar lui fit un câlin.
- Ich weiß nicht, was du vorhast, aber ich weiß, es wird wunderbar. (Je ne sais pas ce que tu vas faire mais je sais que ça va être merveilleux.) , lui souffla-t-il dans l'étreinte.
La confiance de son paternel fit naître une drôle d'émotion en Tom. Il n'avait aucune idée de ce que lui réserverait le lendemain, ni ce qu'il en ferait. Pour l'instant, celui-ci s'arrêtait à la corde au bout de ses doigts et à l'air dans lequel elle résonnerait. Qu'importe l'endroit, tant que ça plaisait.
Il parla aussi à Rosa de son départ.
Elle lui annonça qu'elle avait bien réfléchi mais qu'elle ne pouvait pas venir avec lui. Elle avait une bonne nouvelle : elle avait été reçue dans l'université qu'elle voulait. Elle allait être chercheuse !
Tom était heureux pour elle. Il aurait voulu continuer de l'avoir à ses côté mais l'idée de mettre des chaînes aux gens qu'il aime ne l'effleurerait jamais. Ce jour-là, ils se firent une virée à Francfort, repassant par les rues qu'ils ont arpentées quelques années auparavant, matant les vitrines et reconnaissant quelques mendiants et policiers placés toujours aux mêmes endroits.
En rentrant le soir, seul dans sa chambre, Tom fit face au mur du futur. Allait-il se briser dessus ou passer au travers et voir ce qu'il lui offrait ? Quelques doutes passèrent dans son esprit. Il sentait qu'il devait partir, voir de quoi était fait le monde, mais en même temps...
C'était dur. Dur de quitter tout ce et celleux qu'il avait connus. Il se retourna plusieurs fois dans son lit cette nuit-là.
Une surprise l'attendait le jour du départ.
Déjà, son entourage était présent dans son entièreté. Iels se firent câlins et aux revoirs dans le salon.
Mais ce n'était pas tout.
Une motocyclette neuve l'attendait dehors, étincelant comme un diamant sous le soleil.
Tom avait passé son permis véhicules légers dès ses 16 ans dans l'idée que ça serait plus pratique pour se déplacer d'un point A à un point B mais n'avait pas trouvé le temps de gagner assez d'argent pour s'offrir un véhicule à la portée de ses moyens (entre la ferme, le concert, les soucis personnels, etc.).
Il se figea.
- I... Ist das für mich? (C... C'est pour moi ?)
Il était choqué. Les gens se marrèrent à sa tête. Il rougit sous l'émotion, ses yeux se brouillèrent.
- Nein, es ist für die Kuh. Geh und sieh dir diese Schönheit an. (Non, c'est pour la vache. Allez approche voir cette beauté.) , le charria Rosa.
Il s'approcha de la bécane, guitare au dos et sacoche au bras. Il osa à peine la caresser, craignant que ce ne soit pas vrai. Il releva la tête vers celleux qui l'entouraient.
- Ihr seid total verrückt... (Vous êtes complètement fous...)
Et il pleura. En souriant.
- Komm schon, steig ein! (Allez, monte en selle !)
Ce qu'il fit.
Putain.
Sa motocyclette quoi.
- Hättest du nicht gedacht, dass wir dich hier und da herumlaufen lassen? (Tu n'allais tout de même pas croire qu'on allait te laisser vadrouiller à pied ci et là ?)
Il les regarda, un grand sourire ému sur la tronche.
- Danke... Vielen Dank an alle ! (Merci... Merci à tous !)
Il s'essuya le visage.
Mais ses yeux restaient encore tout brouillés. Iels l'avaient pris en traître là.
Il leva un instant le visage vers le ciel. Pas un nuage en vue.
Il enclencha le moteur.
Un dernier regard.
- Du wirst uns regelmäßig Nachrichten schicken, okay? (Tu nous enverras régulièrement des nouvelles, d'accord ?)
Il hocha de la tête. Il passa sa sacoche sur son épaule pour ne pas qu'elle le gêne. Il prit une grande inspiration.
- Wünschen Sie mir Glück. (Souhaitez-moi bonne chance.)
Vrooooooooom-
Il enleva la béquille, puis se tourna vers l'horizon.
Sa silhouette devint rapidement une tache noire et rousse au loin sous le regard de celleux qui l'avaient toujours connu.
- Alors Tom, c'est comment l'Allemagne ?
- Oh, hm, c'est très... vert ? J'ai surtout vécu en campagne.
- Et Francfort ?
- C'est très... coloré ?
- C'est sûr qu'il fait souvent gris à Nancy.
- L'ambiance est chouette.
- À Francfort ou à Nancy ? , sourit Gustave.
- Les deux !
- Alors du coup, ça fait longtemps que tu joues ?
- Oh eum, lycée ?
- Tu sais mon bon Tom, je te parie que Nancy va être la reine du rock européen.
- Quand ça ? , rigole-t-il.
- Très bientôt ! Je sais pas si tu as eu le temps de te poser pour écouter des groupes sur ta route mais t'en as qui sont comme des diamants bruts dans le coin. Encore quelques années et ça va déchirer. "Lang lébeu diiie Lorraineuh !"
Gustave finit cul-sec sa bouteille de bière, qui vint rejoindre toutes celles qui jonchent la table et le sol. Il rejette légèrement la tête vers l'arrière en laissant glisser la fumée de sa clope entre ses dents.
- Et donc, tu comptes rester combien de temps dans le coin encore ?
- Euhm, quelques jours ?
- Tu sais, si tu m'avais pas sorti d'affaire il y a trois jours, il se peut qu'on soit jamais devenus potes. Ça me fume ce genre de hasards qui ne tiennent qu'à une situation.
- Et tu ne m'aurais pas erm, hébergé.
- Eh non ! Ils m'auraient cassé la gueule ces gars, sans toi. Tu sais d'habitude on s'en fout des tocards comme moi. T'es cool gars.
- Oh, euhm... Es, c'est normal.
- Non mais voilà ! Rien que ça ! Trop humble ! Bon sinon, tu viens au concert de ce soir au bar avec moi.
C'était comme ça avec Gustave, quand il décidait qu'il fallait aller à un concert avec lui, il n'y avait pas d'autres choix. Il fit découvrir à Tom un bon pan de la musique française. Sauf que ce soir-là, c'était une chanteuse américaine qui se présentait ; elle devait être pas loin de leurs âges. Tom trouva ses gestes captivants et sa voix plus encore.
- Et donc tu cherches ta mère tu m'as dit ?
La voix de Gustave le sortit du charme. Tom baissa le nez vers sa bière.
- Euhm, oui.
- T'as des pistes en dehors qu'elle semblait française ?
- Euhm, non.
- Ah bah d'accord. Mais sinon... Gustave glissa un peu ses coudes sur la table, la mâchoire affalée dans sa paume. T'as pensé à poster une annonce dans le journal ?
- Dans le journal ?
Non, il n'y avait pas pensé. Mais en même temps, il a tellement peu d'informations... Est-ce qu'un "Cherche Léandre - son fils Tom d'Allemagne" suffirait comme annonce ? Il se gratta la nuque.
- Je suis peut-être un tocard mais j'ai des potes dans le journalisme. Si t'as besoin de faire passer un mot, j'peux t'aider...
Tom le regarda d'un air surpris.
- Me regarde pas comme ça, tu me plais bien. T'es comme ces gars dans les fictions qui donnent envie qu'on leur file un petit coup de pouce. Apprécie.
- Hallo Rosa ?
- Tom ! Wie geht's ? (Tom ! Comment ça va ?)
- Ich bin in Vesoul, in Frankreich. Ich dachte an dich, so wie du Brell magst. (Je suis à Vesoul, en France. J'ai pensé à toi puisque tu aimes bien Brell.)
- Ooooh! Ich habe übrigens deine Postkarten erhalten! (J'ai reçu tes cartes postales au fait !)
- Nun, du wirst auch eine von hier bekommen. Ey, wie geht es dir sonst? (Et bien tu en recevras une d'ici aussi. Ey sinon, comment tu vas ?)
- Oh, der Unterricht hat begonnen und ich habe bereits einen Berg Arbeit zu tun, aber... Ich bin froh. (Oh, les cours ont commencé et j'ai déjà une montagne de travail à faire mais... Je suis contente.)
- Super !
- Ich vermisse dich, Tom. (Tu me manques, Tom.)
- ... Ich vermisse dich auch, Rosa. (... Tu me manques aussi, Rosa.)
La capitale française !
Tom avait fait une sacrée trotte pour y arriver, et rencontré beaucoup de personnes au passage. Il se rendit compte au début qu'il était plus simple de jouer sur le trottoir que dans un bar quand il s'agissait d'une grosse métropole. L'enfant de fermier avait appris à gagner ses sous comme il le pouvait, faisant régulièrement la plonge ainsi que serveur pour subvenir à ses besoins. Il avait rallongé le temps qu'il restait un peu plus à chaque étape, l'essence pour sa motocyclette étant son frein principal.
Un jour, le guitariste du groupe qui passait le soir au bar choppa la gastro. Le patron laissait souvent passer Tom en fin de service pour tenter quelques morceaux, en général à peine écoutés par les ivrognes écroulés de fin de soirée. Le groupe ayant finalement décidé de ne pas se pointer, ce fut l'occasion pour Tom de briller.
Il se fit repérer par un jeune et ambitieux producteur présent ce soir-là, du nom de Patrick. Celui-ci vint le voir après sa performance pour lui laisser sa carte. Sa chanson "This Léandre I do not know" l'avait particulièrement marqué.
- Tom. Mach das schon. (Tom. Go for it.) , lui martela Rosa. Das Schlimmste, was dir passieren kann, ist ein Arschloch. (Le pire que tu risques c'est de tomber sur un connard.)
Tom était en plein doute.
- Auf der anderen Seite eröffnet sich eine Vielzahl von Möglichkeiten. Dir ist bewusst, dass nicht jedem so etwas passiert? Dann mach es doch. (De l'autre côté, c'est une multitude de possibilités qui s'ouvrent. Tu as conscience que ça n'arrive pas à tout le monde ce genre de trucs ? Alors fonce.)
- ... Du hast recht. (... Tu as raison.)
Un autre bond dans l'inconnu.
C'était à la fois grisant et glaçant.
- Bon par contre te fais pas trop de rêve, tu seras pas une étoile dès le début. Là notre but, c'est de te faire connaître petit à petit en te faisant jouer dans des bandes sur des scènes de plus en plus grandes. Il te faut un carnet de contacts artistiques. Tu dois te faire remarquer. , fit Patrick en tapotant sa cigarette au-dessus du cendrier.
Il avait commencé sa propre entreprise il y a deux ans et gérait déjà quelques musiciens, mais rien de gigantesque pour l'instant. Cependant, c'était un homme d'une grande ambition. Il sentait la culture musicale prendre un virement puissant en ce moment et comptait bien surfer sur sa vague.
Patrick était le petit canard dans sa famille de banquiers et de politiciens, à vouloir se lancer dans la musique plutôt que dans le business pur et dur. Patrick était d'accord pour gagner des sommes astronomiques, mais il faut qu'il y ait du piquant derrière, et quoi de mieux que de se nourrir sur le dos d'âmes purement créatrices ?
Il avait senti une sensibilité chez Tom qui, il le savait, pourrait toucher même le plus endurci des militaires. Il fallait juste la travailler et faire en sorte qu'elle se fasse entendre par tout le monde. Tom avait la volonté et le talent pour ça, ce qui lui plaisait doublement.
Tom était devenu son petit poulain aussi simplement que ça.
Comme prévu, Tom ne se fit pas grand dès le début. Patrick l'appelait parfois dans l'urgence alors qu'il était en plein service au bar pour qu'il file remplacer un musicien manquant pour des petits concerts ci et là. Tom apprit à galoper au gré des métros et des pavés. Cela paya car au bout de quelques mois, Patrick lui annonça qu'ils partaient pour le sud de la France. À partir de là, Tom se fit balader d'un bout de la France à l'autre, jouant par monts et par vaux. Il commençait à gagner de l'argent par sa guitare ; pas assez pour ne se relayer que sur celle-ci cependant.
Un jour Patrick lui parla de ce ton qui ne laissait aucune autre possibilité que ce qu'il affirmait.
- Tu vas prendre des cours de chant.
Il étire une jambe sur l'autre, appuyé contre son bureau.
- T'as une jolie voix et un bon grain de timbre mais ça manque de maîtrise. Il faut que tu soies polyvalent pour pouvoir faire entendre ta musique et pas que celle des autres.
Et Tom prit des cours chez une professeure recommandée par Patrick.
Quelques mois après, Patrick emmenait Tom pour l'Espagne. Puis l'Italie. Puis la Suisse. Tom n'était pas vraiment connu du grand public, mais dans le milieu de la musique, on commençait à se rendre compte de son existence. On aimait le gentil Tom et sa voix qui gratte le fond des tympans avant de venir adoucir les cœurs. Sans le faire exprès ni même vraiment s'en rendre compte, il s'est retrouvé sous l'aile d'un ou deux chanteurz assez renommës. Patrick était très fier de la voie que prenait son poulain. Bientôt, l'oseille.
Mais Tom ne devint jamais la grande star qu'il aurait voulu avoir. Il était plus le pilier des groupes que la figure de proue. Patrick le garda sous le coude avec une certaine amertume parce qu'il ramenait quand même de l'argent, mais se focalisa sur un autre de ses poulains, une pouliche en l'occurrence.
Tom revint de temps en temps en Allemagne rendre visite à ses proches et leur raconter tout ce qu'il vivait, ses rencontres, les concerts, tout.
Tom n'avait pas réellement de vie stable, mais c'était justement là sa stabilité. Cela faisait un moment qu'il ne vivait plus dans des squats, leur préférant des maisons d'artistes et parfois des colocations. Il restait rarement longtemps à un seul endroit. Il continuait à bosser dans des bars pour arrondir les fins de mois et ça s'arrêtait là.
Il aurait voulu aller en Angleterre et surtout en Amérique. Son souhait fut exaucé. Patrick avait trouvé la combine pour que celui qui avait été son poulain le plus prometteur et sa pouliche favorite du moment forment le meilleur duo qu'il puisse espérer.
Sa "pouliche", Alexandra Mercier, avait très rapidement monté en popularité avec son style surprenant mais bien calé avec leur époque mouvante. Mais il lui manquait un musicien pilier pour vraiment l'aider à décoller. Ce musicien fut Tom.
La totalité des vaches s'étaient enfuies et perdues mais iels réussirent à en récupérer une. Iels firent une croix sur l'élevage bovin et gardèrent celle-ci pour leurs besoins personnels. Le nouveau bâtiment fut donc beaucoup plus petit et converti en seconde bergerie. Des amis de la famille (voire des voisins à quelques kilomètres) vinrent aider, ayant eu vent de ce qui leur était arrivé.
Helge et Otmar s'étaient réconciliés après l'accident. Iels ne comprenaient pas ce qu'il leur était arrivé pour se comporter comme iels l'avaient fait ces derniers temps, et avaient décidé que ce n'était pas important.
Ce qui était important, c'était qu'iels comptaient l'un pour l'autre, et que cette épreuve en était - de fait - une preuve. Qu'iels s'aimaient.
La ferme avait rarement connu autant d'activité sociale que lors des travaux. Il y avait régulièrement des personnes aux mains volontaires, et on peut dire que ce furent des semaines relativement douces à côté du labeur. Se sentir soutenu faisait toujours du bien de toute façon. Helge et Otmar nouèrent des relations amicales qui leur valurent des visites régulières même après le départ de Tom.
Iels apprirent bien longtemps après que l'incendie avait été provoqué par un vagabond qui avait cassé le cadenas pour trouver refuge dans la grange, et que ce dernier avait eu la mauvaise idée de fumer un coup... Et de s'endormir sans éteindre sa clope. Il suffit de quelques braises. Le vagabond se réveilla en sentant une chaleur. Paniqué, il fit du vent avec sa veste pour l'éteindre. Bien évidemment, ce fut la pire chose qu'il aurait pu faire. Il s'enfuit avant qu'on ne le remarque quand il comprit que c'était foutu. On connaît la suite.
Pour revenir au départ de Tom, quand celui-ci sentit que les choses s'étaient calmées et que ses parents ne dépendaient plus entièrement de lui, il se décida à leur annoncer la nouvelle. Ce qui avait été un sujet de dispute devint deux acquiescements muets. C'était assez exceptionnel comme réaction au vu de l'époque, puisque la majorité s'obtenait à 21 ans. C'était une marque de grande confiance qu'iels consentent à le laisser voguer librement où il le souhaitait.
Alina, une amie d'Helge était alors présente.
- Wann wirst du gehen? (Quand comptes-tu partir ?) , demanda Helge.
- In zwei Wochen. (Dans deux semaine.)
Il voulait se laisser le temps de dire au revoir et de tout bien préparer. Mais il était décidé.
Otmar lui fit un câlin.
- Ich weiß nicht, was du vorhast, aber ich weiß, es wird wunderbar. (Je ne sais pas ce que tu vas faire mais je sais que ça va être merveilleux.) , lui souffla-t-il dans l'étreinte.
La confiance de son paternel fit naître une drôle d'émotion en Tom. Il n'avait aucune idée de ce que lui réserverait le lendemain, ni ce qu'il en ferait. Pour l'instant, celui-ci s'arrêtait à la corde au bout de ses doigts et à l'air dans lequel elle résonnerait. Qu'importe l'endroit, tant que ça plaisait.
Il parla aussi à Rosa de son départ.
Elle lui annonça qu'elle avait bien réfléchi mais qu'elle ne pouvait pas venir avec lui. Elle avait une bonne nouvelle : elle avait été reçue dans l'université qu'elle voulait. Elle allait être chercheuse !
Tom était heureux pour elle. Il aurait voulu continuer de l'avoir à ses côté mais l'idée de mettre des chaînes aux gens qu'il aime ne l'effleurerait jamais. Ce jour-là, ils se firent une virée à Francfort, repassant par les rues qu'ils ont arpentées quelques années auparavant, matant les vitrines et reconnaissant quelques mendiants et policiers placés toujours aux mêmes endroits.
En rentrant le soir, seul dans sa chambre, Tom fit face au mur du futur. Allait-il se briser dessus ou passer au travers et voir ce qu'il lui offrait ? Quelques doutes passèrent dans son esprit. Il sentait qu'il devait partir, voir de quoi était fait le monde, mais en même temps...
C'était dur. Dur de quitter tout ce et celleux qu'il avait connus. Il se retourna plusieurs fois dans son lit cette nuit-là.
Une surprise l'attendait le jour du départ.
Déjà, son entourage était présent dans son entièreté. Iels se firent câlins et aux revoirs dans le salon.
Mais ce n'était pas tout.
Une motocyclette neuve l'attendait dehors, étincelant comme un diamant sous le soleil.
Tom avait passé son permis véhicules légers dès ses 16 ans dans l'idée que ça serait plus pratique pour se déplacer d'un point A à un point B mais n'avait pas trouvé le temps de gagner assez d'argent pour s'offrir un véhicule à la portée de ses moyens (entre la ferme, le concert, les soucis personnels, etc.).
Il se figea.
- I... Ist das für mich? (C... C'est pour moi ?)
Il était choqué. Les gens se marrèrent à sa tête. Il rougit sous l'émotion, ses yeux se brouillèrent.
- Nein, es ist für die Kuh. Geh und sieh dir diese Schönheit an. (Non, c'est pour la vache. Allez approche voir cette beauté.) , le charria Rosa.
Il s'approcha de la bécane, guitare au dos et sacoche au bras. Il osa à peine la caresser, craignant que ce ne soit pas vrai. Il releva la tête vers celleux qui l'entouraient.
- Ihr seid total verrückt... (Vous êtes complètement fous...)
Et il pleura. En souriant.
- Komm schon, steig ein! (Allez, monte en selle !)
Ce qu'il fit.
Putain.
Sa motocyclette quoi.
- Hättest du nicht gedacht, dass wir dich hier und da herumlaufen lassen? (Tu n'allais tout de même pas croire qu'on allait te laisser vadrouiller à pied ci et là ?)
Il les regarda, un grand sourire ému sur la tronche.
- Danke... Vielen Dank an alle ! (Merci... Merci à tous !)
Il s'essuya le visage.
Mais ses yeux restaient encore tout brouillés. Iels l'avaient pris en traître là.
Il leva un instant le visage vers le ciel. Pas un nuage en vue.
Il enclencha le moteur.
Un dernier regard.
- Du wirst uns regelmäßig Nachrichten schicken, okay? (Tu nous enverras régulièrement des nouvelles, d'accord ?)
Il hocha de la tête. Il passa sa sacoche sur son épaule pour ne pas qu'elle le gêne. Il prit une grande inspiration.
- Wünschen Sie mir Glück. (Souhaitez-moi bonne chance.)
Vrooooooooom-
Il enleva la béquille, puis se tourna vers l'horizon.
Sa silhouette devint rapidement une tache noire et rousse au loin sous le regard de celleux qui l'avaient toujours connu.
Nancy - route
- Alors Tom, c'est comment l'Allemagne ?
- Oh, hm, c'est très... vert ? J'ai surtout vécu en campagne.
- Et Francfort ?
- C'est très... coloré ?
- C'est sûr qu'il fait souvent gris à Nancy.
- L'ambiance est chouette.
- À Francfort ou à Nancy ? , sourit Gustave.
- Les deux !
- Alors du coup, ça fait longtemps que tu joues ?
- Oh eum, lycée ?
- Tu sais mon bon Tom, je te parie que Nancy va être la reine du rock européen.
- Quand ça ? , rigole-t-il.
- Très bientôt ! Je sais pas si tu as eu le temps de te poser pour écouter des groupes sur ta route mais t'en as qui sont comme des diamants bruts dans le coin. Encore quelques années et ça va déchirer. "Lang lébeu diiie Lorraineuh !"
Gustave finit cul-sec sa bouteille de bière, qui vint rejoindre toutes celles qui jonchent la table et le sol. Il rejette légèrement la tête vers l'arrière en laissant glisser la fumée de sa clope entre ses dents.
- Et donc, tu comptes rester combien de temps dans le coin encore ?
- Euhm, quelques jours ?
- Tu sais, si tu m'avais pas sorti d'affaire il y a trois jours, il se peut qu'on soit jamais devenus potes. Ça me fume ce genre de hasards qui ne tiennent qu'à une situation.
- Et tu ne m'aurais pas erm, hébergé.
- Eh non ! Ils m'auraient cassé la gueule ces gars, sans toi. Tu sais d'habitude on s'en fout des tocards comme moi. T'es cool gars.
- Oh, euhm... Es, c'est normal.
- Non mais voilà ! Rien que ça ! Trop humble ! Bon sinon, tu viens au concert de ce soir au bar avec moi.
C'était comme ça avec Gustave, quand il décidait qu'il fallait aller à un concert avec lui, il n'y avait pas d'autres choix. Il fit découvrir à Tom un bon pan de la musique française. Sauf que ce soir-là, c'était une chanteuse américaine qui se présentait ; elle devait être pas loin de leurs âges. Tom trouva ses gestes captivants et sa voix plus encore.
- Et donc tu cherches ta mère tu m'as dit ?
La voix de Gustave le sortit du charme. Tom baissa le nez vers sa bière.
- Euhm, oui.
- T'as des pistes en dehors qu'elle semblait française ?
- Euhm, non.
- Ah bah d'accord. Mais sinon... Gustave glissa un peu ses coudes sur la table, la mâchoire affalée dans sa paume. T'as pensé à poster une annonce dans le journal ?
- Dans le journal ?
Non, il n'y avait pas pensé. Mais en même temps, il a tellement peu d'informations... Est-ce qu'un "Cherche Léandre - son fils Tom d'Allemagne" suffirait comme annonce ? Il se gratta la nuque.
- Je suis peut-être un tocard mais j'ai des potes dans le journalisme. Si t'as besoin de faire passer un mot, j'peux t'aider...
Tom le regarda d'un air surpris.
- Me regarde pas comme ça, tu me plais bien. T'es comme ces gars dans les fictions qui donnent envie qu'on leur file un petit coup de pouce. Apprécie.
Vesoul - route
- Hallo Rosa ?
- Tom ! Wie geht's ? (Tom ! Comment ça va ?)
- Ich bin in Vesoul, in Frankreich. Ich dachte an dich, so wie du Brell magst. (Je suis à Vesoul, en France. J'ai pensé à toi puisque tu aimes bien Brell.)
- Ooooh! Ich habe übrigens deine Postkarten erhalten! (J'ai reçu tes cartes postales au fait !)
- Nun, du wirst auch eine von hier bekommen. Ey, wie geht es dir sonst? (Et bien tu en recevras une d'ici aussi. Ey sinon, comment tu vas ?)
- Oh, der Unterricht hat begonnen und ich habe bereits einen Berg Arbeit zu tun, aber... Ich bin froh. (Oh, les cours ont commencé et j'ai déjà une montagne de travail à faire mais... Je suis contente.)
- Super !
- Ich vermisse dich, Tom. (Tu me manques, Tom.)
- ... Ich vermisse dich auch, Rosa. (... Tu me manques aussi, Rosa.)
Paris - route complète
La capitale française !
Tom avait fait une sacrée trotte pour y arriver, et rencontré beaucoup de personnes au passage. Il se rendit compte au début qu'il était plus simple de jouer sur le trottoir que dans un bar quand il s'agissait d'une grosse métropole. L'enfant de fermier avait appris à gagner ses sous comme il le pouvait, faisant régulièrement la plonge ainsi que serveur pour subvenir à ses besoins. Il avait rallongé le temps qu'il restait un peu plus à chaque étape, l'essence pour sa motocyclette étant son frein principal.
Un jour, le guitariste du groupe qui passait le soir au bar choppa la gastro. Le patron laissait souvent passer Tom en fin de service pour tenter quelques morceaux, en général à peine écoutés par les ivrognes écroulés de fin de soirée. Le groupe ayant finalement décidé de ne pas se pointer, ce fut l'occasion pour Tom de briller.
Il se fit repérer par un jeune et ambitieux producteur présent ce soir-là, du nom de Patrick. Celui-ci vint le voir après sa performance pour lui laisser sa carte. Sa chanson "This Léandre I do not know" l'avait particulièrement marqué.
- Tom. Mach das schon. (Tom. Go for it.) , lui martela Rosa. Das Schlimmste, was dir passieren kann, ist ein Arschloch. (Le pire que tu risques c'est de tomber sur un connard.)
Tom était en plein doute.
- Auf der anderen Seite eröffnet sich eine Vielzahl von Möglichkeiten. Dir ist bewusst, dass nicht jedem so etwas passiert? Dann mach es doch. (De l'autre côté, c'est une multitude de possibilités qui s'ouvrent. Tu as conscience que ça n'arrive pas à tout le monde ce genre de trucs ? Alors fonce.)
- ... Du hast recht. (... Tu as raison.)
Un autre bond dans l'inconnu.
C'était à la fois grisant et glaçant.
- Bon par contre te fais pas trop de rêve, tu seras pas une étoile dès le début. Là notre but, c'est de te faire connaître petit à petit en te faisant jouer dans des bandes sur des scènes de plus en plus grandes. Il te faut un carnet de contacts artistiques. Tu dois te faire remarquer. , fit Patrick en tapotant sa cigarette au-dessus du cendrier.
Il avait commencé sa propre entreprise il y a deux ans et gérait déjà quelques musiciens, mais rien de gigantesque pour l'instant. Cependant, c'était un homme d'une grande ambition. Il sentait la culture musicale prendre un virement puissant en ce moment et comptait bien surfer sur sa vague.
Patrick était le petit canard dans sa famille de banquiers et de politiciens, à vouloir se lancer dans la musique plutôt que dans le business pur et dur. Patrick était d'accord pour gagner des sommes astronomiques, mais il faut qu'il y ait du piquant derrière, et quoi de mieux que de se nourrir sur le dos d'âmes purement créatrices ?
Il avait senti une sensibilité chez Tom qui, il le savait, pourrait toucher même le plus endurci des militaires. Il fallait juste la travailler et faire en sorte qu'elle se fasse entendre par tout le monde. Tom avait la volonté et le talent pour ça, ce qui lui plaisait doublement.
Tom était devenu son petit poulain aussi simplement que ça.
Comme prévu, Tom ne se fit pas grand dès le début. Patrick l'appelait parfois dans l'urgence alors qu'il était en plein service au bar pour qu'il file remplacer un musicien manquant pour des petits concerts ci et là. Tom apprit à galoper au gré des métros et des pavés. Cela paya car au bout de quelques mois, Patrick lui annonça qu'ils partaient pour le sud de la France. À partir de là, Tom se fit balader d'un bout de la France à l'autre, jouant par monts et par vaux. Il commençait à gagner de l'argent par sa guitare ; pas assez pour ne se relayer que sur celle-ci cependant.
Un jour Patrick lui parla de ce ton qui ne laissait aucune autre possibilité que ce qu'il affirmait.
- Tu vas prendre des cours de chant.
Il étire une jambe sur l'autre, appuyé contre son bureau.
- T'as une jolie voix et un bon grain de timbre mais ça manque de maîtrise. Il faut que tu soies polyvalent pour pouvoir faire entendre ta musique et pas que celle des autres.
Et Tom prit des cours chez une professeure recommandée par Patrick.
Quelques mois après, Patrick emmenait Tom pour l'Espagne. Puis l'Italie. Puis la Suisse. Tom n'était pas vraiment connu du grand public, mais dans le milieu de la musique, on commençait à se rendre compte de son existence. On aimait le gentil Tom et sa voix qui gratte le fond des tympans avant de venir adoucir les cœurs. Sans le faire exprès ni même vraiment s'en rendre compte, il s'est retrouvé sous l'aile d'un ou deux chanteurz assez renommës. Patrick était très fier de la voie que prenait son poulain. Bientôt, l'oseille.
Mais Tom ne devint jamais la grande star qu'il aurait voulu avoir. Il était plus le pilier des groupes que la figure de proue. Patrick le garda sous le coude avec une certaine amertume parce qu'il ramenait quand même de l'argent, mais se focalisa sur un autre de ses poulains, une pouliche en l'occurrence.
Tom revint de temps en temps en Allemagne rendre visite à ses proches et leur raconter tout ce qu'il vivait, ses rencontres, les concerts, tout.
Tom n'avait pas réellement de vie stable, mais c'était justement là sa stabilité. Cela faisait un moment qu'il ne vivait plus dans des squats, leur préférant des maisons d'artistes et parfois des colocations. Il restait rarement longtemps à un seul endroit. Il continuait à bosser dans des bars pour arrondir les fins de mois et ça s'arrêtait là.
Il aurait voulu aller en Angleterre et surtout en Amérique. Son souhait fut exaucé. Patrick avait trouvé la combine pour que celui qui avait été son poulain le plus prometteur et sa pouliche favorite du moment forment le meilleur duo qu'il puisse espérer.
Sa "pouliche", Alexandra Mercier, avait très rapidement monté en popularité avec son style surprenant mais bien calé avec leur époque mouvante. Mais il lui manquait un musicien pilier pour vraiment l'aider à décoller. Ce musicien fut Tom.
Derrière l'écran
Il s'agit ici de mon dernier QC, j'espère qu'il vous plaira et que l'on pourra construire plein de trucs hypants ensemble !!
(Je vous aime bande de bgs )
(Je vous aime bande de bgs )