Oh toi, mon bouclier social ! - Feat Ezequiel Curtis

Sam n'est plus très sûre de ses mouvements. Pour l'instant, tout va bien de ton côté. Tu es sûr de tes appuis. Tu as déjà gagné. Le résultat n'est pas très surprenant. Tu regardes ta soeur se faire entrainer par son amie, ne pouvant retenir un petit rire. Elle te lance un regard rempli de désarroi. Elle veut que tu la rejoignes sur la piste. Feignant de n'avoir pas compris son appel à l'aide, tu l'encourages d'un petit signe de la main, tentant tant bien que mal de cacher la malice qui t'habite actuellement. Ta soeur n'aime pas danser. Tout comme toi. Pourtant, elle se débrouille relativement bien.

Tout comme toi, d'ailleurs. Tu es bon danseur, c'est dommage que tu n'aimes pas ça. Tu pourrais faire bien des choses si tu acceptais ce talent. Bien des choses, qui ne sont pas prostitués, du coup. Tu as les moyens de te tirer de tout ça, si tu le souhaites.

La musique se stoppe, laissant place à une chanson douce, apte à danser un slow. Ow, ça, c'est vraiment gênant si tu la laisses seule. Mais ça peut aussi être amusant. Sam est si peu à l'aise qu'on dirait presque une scène de théâtre tragique. Tu te redresses, et te diriges calmement vers la piste de danse. Tu sors Sam des griffes de ses amis, et la colles contre toi.

"Je ne pouvais pas te laisser seule dans cette situation, tu m'as fait pitié. Pourtant, Dieu sait à quel point ça m'aurait fait rire."

Tu lui souris rapidement, et commences à te dandiner sur cette musique plus que niaise, soit dit en passant, entrainant ta frangine avec toi. Tu déposes un baiser sur son front.

"Je suis content d'être avec toi ce soir, Sam."

Bon, tu marches encore droit, mais il faut savoir que tu as l'alcool joyeux ET sentimental. Tu vas commencer à lui faire de belles déclarations. C'est que tu es quand même un petit peu attaqué.

Tu ne réponds pas à toutes les marques d'affection qu'elle t'envoie. L'alcool lui délie la langue. Tu sais pertinemment quel genre de pensée la hante. Tu la gardes contre toi. La connaissant, elle va finir par filer. Elle s'inquiète trop pour toi. Au fond, tu la comprends, si elle avait été à ta place, tu te serais aussi fait un sang d'encre. Tu ne sais pas comment la rassurer, tu ne sais pas comment apaiser ses tourments. Ta soeur est la seule qui arrive à  te désarmer. La seule avec laquelle tu ne joues jamais à la grande gueule, à quoi cela servirait ? Elle sait tout de toi, elle connait chacune de tes blessures. C'est tout con, mais elle est la seule à réussir à distinguer chacun de tes tics, et à les associer à un sentiment précis. Ils sont discrets, quasiment imperceptibles. Mais elle les remarque systématiquement.

Elle fuit. Tu t'y attendais. Tu sors de la piste de danse, et va boire un coup pour te donner de la contenance, repensant aux signaux d'alerte que vient de t'envoyer ta soeur. Elle te manque aussi, énormément. Vous ne retrouverez jamais votre vie d'antan. La vie commune entre vous deux est devenu impossible. Vous passeriez votre temps à vous engueuler.

Cinq minutes qu'elle est sortie. Tu attrapes son manteau, au cas où elle en ai besoin. Tu enfiles le tien, et descends calmement. En réalité, tu n'en as pas besoin, tu tiens aussi bien le froid que Sam. Il faut dire que votre enfance vous a forgés sur le sujet. Mais... tu aimes bien en porter. Tu trouves que ça te va bien. Tu arrives enfin sur le palier, et aperçois rapidement la silhouette de ta soeur. Tu ouvres la porte, accrochant un petit sourire à tes lèvres.

"On a toujours eu du mal à montrer nos sentiments. C'est probablement de famille..."

Tu avances à sa hauteur, et passes sa veste sur ses épaules. Tu te mets à côté d'elle, et observes les étoiles, pensif. Tes yeux naviguent, puis se posent enfin sur ta frangine. Tu passes une main dans tes cheveux, tentant désespérément de recoiffer les mèches rebelles.

"Il va probablement neiger... Faudrait qu'on aille skier, un de ces quatre. Bon , je passe davantage de temps sur le cul que sur les skis, mais j'ai de la volonté, c'est ce qui compte..."

Tu soupires.

"Tu me manques aussi, Sam."

Cela fait un bon nombre d'années maintenant que la Justice a agi, et que vous n'avez plus aucun contact avec vos géniteurs. 10 ans, maintenant. Pourtant, tu as l'impression que tout s'est déroulé la veille, que tu es toujours cet adolescent enragé, brisé, qui ne demande qu'à se changer les idées, quitte à se ruiner la santé pour ça. Tu as l'impression que Sam partage cette sensation, elle la cache juste derrière une ironie qui sonne faux. Elle te tire un petit rire. Elle a toujours le mot juste.

Manger avec elle une fois par semaine ? Pourquoi pas. En revanche, parler de ton taf... En soit, ce n'est pas que ça te dérange, tu n'as aucun tabou sur ce genre de sujet. Mais c'est... ta soeur. Tu évites ce genre de sujet avec elle, ça finit constamment en dispute, ce ne sont pas des discussions agréables. Pour lui raconter quoi ? Avec le temps, tu as appris à te méfier de Sam. Elle voit des informations utiles dans de simples banalités. Tu n'oublies pas qu'elle enquête sur les Bones, tu ne veux pas alimenter le dossier qu'elle a sur le sujet. Tu regardes autour de toi, et finis par répondre :

"Manger ensemble, pas de problème. Parler de mon taf, on évitera. Ce n'est pas réellement que ça me dérange, mais j'avoue que je me vois mal parler de ça avec toi. C'est glauque."

Tu hausses les épaules en souriant. Tu as envie de fumer une clope. Mais c'est aussi quelque chose que tu évites face à elle. Es-tu réellement toi-même avec ta soeur ? C'est ce que tu te plais à croire, mais tu te poses trop de limite pour être libre réellement. Elle connait juste ce qui réside au fond de toi, elle arrive juste à voir au-delà des apparences. Ne se berce-t-elle pas aussi d'illusion te concernant ? Elle t'idéalise probablement un peu. Tu sais qu'elle te défend avec ferveur lorsqu'une personne parle mal de toi, tu sais qu'elle y met énormément d'énergie. Ses interlocuteurs, dans ce genre de cas, ne se trompent rarement. Ils ont aussi raison. Personne n'est en tort, si ce n'est toi, à la limite. Tu soupires, et balayes ce flot de pensée. Tu n'as clairement pas assez bu, tu n'es même pas un peu éméché, c'est embêtant. Tu es beaucoup trop rationnel pour avoir ce genre de discussion avec Sam, actuellement.

A sa proposition, tu devines aisément que l'état de Sam commence à être aux antipodes du tien. Tu lâches un rire :

"Vu l'état dans lequel tu commences à être frangine, il semblerait bien que dans tous les cas, je devrais te porter sur le chemin du retour~"

Tu ne supporteras pas de vivre une semaine chez elle. Tu as réellement besoin de ta zone d'intimité, ça t'est vital. Puis, il y a une personne qui passe un petit peu trop souvent chez ta soeur, et que tu n'apprécies pas spécialement. Tu ne pourras pas agir, tu ne pourras pas gérer tes sentiments comme tu le veux. Tu n'es pas sûr qu'elle te laissera aller casser des gueules la nuit, Sam reste quelqu'un de trop protectrice. Comme toi avec elle, au final. Vous vous inquiétez constamment trop pour l'autre. Un reste de votre enfance, tu imagines.
Tu vas la laisser gagner, sans chercher à trop te battre. Ce n'est pas du jeu techniquement, tu es conscient, réellement conscient, de tout ce qu'il se passe. Ses pas ne sont pas spécialement assurés, tu t'en voudrais de t'y mettre sérieusement, ce serait une victoire injuste. Puis, tu l'avoues, tu as envie de l'embêter. Elle va bien se rendre compte que tu fais exprès. Ouais, taquiner ta soeur, c'est ce qu'il va être le plus amusant dans ce petit jeu.

Tes pensées sont sombres. Plus sombres que tu ne l'aurais voulu en cette douce soirée, qui était censée être amusante, à la base. Tu remets ta vie en question : probablement les débuts de l'effet de l'alcool, tu ne penses pas autant en temps normal. Tu suis Sam, les mains dans les poches, les sourcils froncés. Tu aimerais bien réellement réussir à te changer les idées, au moins une fois dans ta vie...

"Allez, en garde Curtis !"

Bon. Même là, il t'en faudra un petit peu plus. Tu as déjà gagné votre pari, et de loin. C'était prévu que tu l'éclates de toute façon. Tu veux l'agacer. Même bourré, tu garderas cet objectif en tête : il faut que tu fasses en sorte de la laisser gagner, en enchainant plein de mouvements encore plus maladroits que les siens. Tu te serres un shot. Tu n'aimes pas la vodka, elle aurait franchement pu choisir mieux... Tu enchaines quelques shots, puis déposes tout l'attirail sur le côté. C'est vraiment dégueulasse. Tu grimaces, et t'armes à ton tour.

Il faut qu'un de vous deux garde au moins un petit peu les pieds sur terre, tu n'as pas spécialement envie de dormir chez sa pote, tout comme tu n'as pas envie de dormir sous un pont. Tu veux juste rentrer chez toi, ou chez elle, peu importe, afin de te reposer dans un endroit que tu connais.

La meilleure défense, c'est l'attaque. A peine le cône sur ton bras, tu lui fonces dessus en riant. Deux enfants. Compliqué de deviner que l'une se ruine à la tâche, angoisse de te retrouver mort chaque instant de sa vie, et que l'autre se prostitue, et va déglinguer la gueule à des gens chaque soir de sa minable petite vie qui est tout sauf tranquille. Deux suicidaires, vous n'êtes pas jumeaux pour rien.

Tu lui assènes un premier coup, plus fort que tu ne l'aurais voulu. A deux doigts de t'excuser. Petit saut en arrière, tu lui lances un regard plein de défis. Tu pares ta garde, et attends qu'elle attaque, patiemment.

"Eh bah l'albinos, tu es bien lente !"

Tu as parlé plus fort que tu ne l'aurais voulu, t'arrachant un énième rire.

C'est vrai que toi aussi t'es albinos ! T'avais failli oublier... Ton rôle de grand frère, tu le prends à coeur en cet instant, la laissant te balader volontairement. Tu la laisseras gagner. Tu te laisses bercer par son rire. Vous riez rarement lorsque vous êtes ensemble, il faut dire que vous vous voyez de moins en moins. Même si elle le veut de tout son coeur, tu n'acceptes pas encore de la laisser entrer de nouveau dans ta vie. Si elle était moins dangereuse, peut-être. Mais, à l'heure actuelle, elle chercherait la moindre petite faille, pour s'y engouffrer, et sombrer un petit peu plus profondément dans ses délires d'enquêtrice.

L'alcool fait son macabre travail. C'est dingue ce qu'elle est lunatique quand elle est sous son emprise. Une larme roule sur sa joue, suivie de toutes ses petites copines. Ça te refroidit, le même effet qu'une douche froide. Tu ne peux réprimer un soupir, et laisses tomber ton cône de chantier. Tu avances jusqu'à elle, débarrasses ses bras. Tu comprends ce qu'elle te reproche, sans réellement vouloir l'entendre. Au fond, tu as conscience de tout le mal que tu lui fais, que tu te fais. Tu préfères juste enterrer ses remords pour ne pas faire face à la culpabilité. Tu te confortes dans l'idée que c'est l'alcool qui lui fait perdre la tête. Tu es vraiment un p'tit con quand tu penses de la sorte, mon Ezequiel.

Tu la prends contre toi, et caresses doucement sa chevelure blanche, si semblable à la tienne. Tu ne sais pas trop quoi répondre, tu ne veux pas empirer son état. Attendre que ça passe ? Dans quelques minutes, elle devrait de nouveau avoir un petit changement d'humeur... Du moins, tu l'espères. Et si ce n'est pas le cas... Bordel, pourquoi la fuis-tu à ce point-là ? Pourquoi t'entêtes-tu à ne pas vouloir l'entendre ?

"Allez Sam, ça va aller, ton crétin de frangin est là."

Tu balayes du regard le paysage, cherchant une distraction à lui proposer, un moyen de lui changer les idées. Tu l'éloignes légèrement de toi, essuies ses larmes en caressant le haut de ses joues du bout des doigts. Tu poses ensuite tes deux mains sur son épaule, et la regardes en souriant :

"Excuse-moi de ne pas être assez présent... Mais en attendant... Chat !"

Tu pointes du doigt le félin qui vous regarde d'un air triomphant du haut de son petit muret. Il est tout blanc, ses yeux sont d'un beau bleu. Il est presque comme vous, à l'exception de la couleur de ses iris. Tu détestes les chats. Tu les trouves hautain, tu as constamment l'impression qu'ils te regardent mal.

"J'trouve qu'il a une gueule à s'appelle Jean Sébastien, je ne sais pas pourquoi. T'en penses quoi ?"

Tu poses une de tes mains sur ton menton, le caressant d'un air pensif.