Confusion
Mon miracle
Tes yeux s’ouvrent, découvre la jeune femme endormie. Les souvenirs te heurtent avec violence. Vos baisers. Vos caresses. Tu as souris hier soir, Narcisse. Et pour une fois, tu crois bien que c’était honnête. Tu as ressenti des émotions, Narcisse. Morphée berce encore Galatée. Toi, tu te redresses, tout doucement. Et autant dire que quand tu décides d’être discrète, tu ne réveilles personne. Tu vérifies que tu n’as pas de notification, et pousse un petit soupir de soulagement. Tu détestes mettre des vents à ton père, et tu sais qu’il déteste ça aussi. Il aurait fini par débarquer chez toi, et ne pas t’y trouver. Et là, ça aurait chauffer pour ton p’tit cul.
Tu te relaisses tomber sur le matelas. Ton regard se pose à nouveau sur Galatée. Qu’est-ce qu’il t’a pris ? Pourquoi tu as fait ça ? Qu’est-ce qui t’y a poussé ? Qu’est-ce qu’elle t’apporte ? Rien, franchement. Elle n’est pas intéressante pour tes affaires, et tu n’as franchement pas envie de l’y mêler. Et ça aussi, c’est bizarre. Habituellement, tu t’en fous. Tu peux bien laisser des cadavres sur ta route, tu t’en contre fiches tant que la mission est accomplie. Et elle devrait faire partie de cette catégorie de personne. Tu portes tout doucement ta main à ses cheveux et retires une mèche qui lui barre le visage avec une tendresse infinie.
Elle semble si apaisée. Elle connait un sommeil sans cauchemar. Tout ça est si loin de toi. Cette vie tranquille, tu n’y as pas le droit. Tu n’as pas le droit à une vie normale. « Tous les enfants n’ont pas eu ta chance, Galatée… » Un murmure, à peine audible. Teintée de regret. Qu’est-ce qu’il se passe, ma Narcisse ? Te laisserais-tu aller aux sentiments ? Ça ne te ressemble pas, pas du tout ma Narcisse. Mais je crois que tu n’as pas encore réalisé. Tu te laisses encore bercer par cette douce illusion, comme si tout ce qui constituait ta vie n’avait jamais existé. Tu as juste envie de profiter de ce petit moment de paix, ce bout de miracle. Galatée. Est-ce sain, tout ce que tu ressens ? As-tu le droit ? Tu ne sais pas, tu ne crois pas. Et tu la mets en danger. Il faut que tu t’en détaches. Mais tu le feras plus tard. Profiter. Juste quelques secondes, quelques minutes, encore quelques heures de répit. Repenser. Se remémorer vos rires, vos lèvres qui se frôlent, son souffle saccadé, la tendresse et la peine lorsqu’elle t’a demandé de rester avec elle, de ne pas quitter ce lit. Souffle qui s’est apaisé lorsqu’elle s’est enfin endormie dans tes bras, te laissant seule avec tes pensées. Mais elles étaient calmes, hier soir, tout semblait être en pause, hier soir. Il ne restait qu’elle, sa chaleur contrastant avec le mordant glacial de ton aura, les battements de son cœur si calmes.
Son visage, calme, endormi. Se souviendra-t-elle seulement de la raison de ta présence dans son lit à son réveil ? Au fond, tu espères que non. Vraiment, pour son bien. Toi, tu t’en fiches, ce n’est pas comme si tu t’inquiétais de ta santé, qu’elle soit mentale ou physique. Ce n’est pas comme si tu considérais avoir ne serait-ce qu’un peu de valeur, tu ne crois pas que ta vie soit spécialement importante. Tu as une mission, tu dois l’accomplir, puis tu quitteras ce monde dans lequel tu n’as jamais eu ta place.
Toutes ces pensées, tu les chasses. Tu les chasses pour te concentrer sur elle, sur ton petit bout d'espoir.