Encore un verre ?!

A la base, tu étais censé travailler ce soir. Un client régulier, en plus de cela. Qui a une très belle collection de parfum. Ce n'est pas ton genre, mais... il a bien fallu faire une exception. Juste pour cette fois-ci. Juste pour Kaela. Elle t'intrigue. Tu ne l'as vu que quelques instants, pourtant, elle a su attirer ton attention. Pourtant, Dieu sait que tu n'en as rien à foutre des gens. Dieu... Petit rire ironique. Il vous a bien piétiné, ta sœur et toi. Même à terre, il a continué à vous mettre des coups de pieds.

Cette soirée, tu te promets de ne pas penser à tout ça. De laisser de côté tes p'tits problèmes, et de te concentrer sur Kaela. Peut-être qu'elle deviendra quelqu'un en qui tu peux avoir confiance, même si tu en doutes. Parce que, de toute façon, être avec toi, c'est être en danger. C'est un coup à ce qu'elle se mette les mêmes idées farfelues en tête que ta frangine. Et ce n'est pas du tout ce que tu désires. Une folle suicidaire à gérer, c'est suffisant.
Alors, pourquoi as-tu accepté d'y aller ? Tu n'en sais rien, tu dois sûrement être plus attiré par le risque que tu ne le penses. Qu'est-ce que Kaela sait de toi, ? Sam lui a t-elle déjà raconté ? Qui tu es ? Le danger que tu représentes ? Non, tu ne penses pas. Kaela n'aurait probablement pas accepté de te voir, si ça avait été le cas. A moins qu'elle soit aussi dérangée que ta frangine. Auquel cas, tu ne peux rien pour son âme, elle est déjà perdue.

Tu as décidé d'organiser ce petit rendez-vous loin des bones, loin de tout ce bordel dont tu fais parti. Le pire scénario serait que tu croises un de tes chefs, alors que tu n'es pas sur le lieu de travail. Même s'ils sont déjà sûrement au courant, mais pour ce qu'ils en ont à foutre des petites prostitués...

Attends... Tu ne t'étais pas promis de ne pas penser à tout ces petits problèmes ? C'est un peu raté Ezequiel, je ne vais pas te mentir... Mais ce n'est pas grave, tu auras essayé au moins. De toute façon, tu arrives.

Tu n'as pas pris d'initiative. Un simple trait d'eye lineur éclaire ton regard, cette chemise blanche que tu affectionnes tant, et un jean. Des doc aux pieds, des anneaux aux oreilles, les cheveux coiffés en bataille, tu te rends compte que tu es bientôt arrivé au point de rendez vous. Un p'tit bar, peu fréquenté, mais suffisamment pour que ce ne soit pas gênant en cas de gros blanc. Et surtout, un endroit loin de tout emmerde, tu l'espères. Elle n'est pas encore arrivée. Tu sors ton téléphone, et vérifies que tu n'as reçu aucun message. Rien.

Et c'est là qu'elle décide d'arriver...

"J'te jure, j'suis pas accro au tel, t'es juste arrivée au mauvais moment. "

Tu as paniqué. ça aurait fait rire Sam, c'est sûr. Ton étonnante capacité à dire n'importe quoi quand l'angoisse monte. Tu lâches un petit rire qui ressemble davantage à un soupir. Elle va te prendre pour un idiot. Si seulement tu avais un contrôle sur ton cerveau... Et qu'il ne partait pas en couille tout seul, ce serait vachement plus intéressant, et ça ne piétinerait pas ton immense charisme. Tu te reprendras rapidement, tu n'en doutes pas.

Il ne faut juste pas qu'elle fuit.

"Ew, salut."

Heureusement, tu n'as pas encore pour projet d'arrêter la cigarette. Parce que ce petit paquet t'aurait probablement fait replonger directement. Tu imagines mal ta vie sans ce tue poumon. Que feras-tu, seul dans ton appartement, sans les bouffées de fumées que tu respires régulièrement ? Tu sombrerai probablement un peu plus profond.  'fin,c'est ce que tu crois, mais ton addiction t'empêche de voir la réalité. Pour réponse, tu dégaines ton briquet. Il est simple. Mais tu y tiens. Il t'accompagne depuis si longtemps. Il ne t'a jamais lâché, il t'accompagne de partout. C'est un peu comme un p'tit animal de compagnie pour toi.

«Au plus grand malheur de mes pauvres poumons fatigués...»

Tu acceptes sa proposition, glisse tes doigts dans le petit paquet, et en saisis une. Tu attends qu'elle se serve. En bon gentleman que tu es, tu allumes en premier lieu sa cigarette, pour finir sur la tienne. Les premières bouffées se font en silence. Tu en profites pour la regarder. Non, pour l'admirer. Elle est ton exact opposé. Une jeune femme aux allures discrètes. Enfin, plus ou moins. Elle semble aussi avoir une passion farouche pour les piercings aux oreilles. Ça lui va bien. Elle a un joli regard. Tu apportes beaucoup d'importance à ce que reflète les yeux. Ils disent bien plus que les mots. Ceux de tes géniteurs, par exemple, étaient remplis de haine, de folie. Ils étaient sombres, leur malveillance se sentait à des km à la ronde.
Et pourtant, seul Sam et toi l'avaient vue, cette malveillance.

Tu penses à nouveau à eux. C'est dingue, tes pensées, ce n'est que ça. Ou protéger Sam. Des bones, et de toi.

Bref. Elle a un joli regard, qui ne reflète rien de toute les ondes négatives qui flottent constamment autour de toi. Il est simple. Il n'est pas pure, il ne reflète pas d'innocence, ni de naïveté. Elle a sûrement, elle aussi, vécu des choses. Tu peux le voir, mais ça ne l'a pas rendu folle, ou méchante. Ou alors, elle cache très bien son jeu. Surtout qu'il est compliqué de te duper.

Toutes ces pensées n'avaient occupé que quelques secondes. C'est dingue ce que tu penses vite, ça ne s'arrête jamais. Tu te décides enfin à focaliser ton attention sur le bitume grisâtre, avant qu'elle ne pense que tu la mates. Tu ne sais pas trop quoi dire, cette situation est vraiment inhabituelle pour toi. Et tu ne peux pas t'empêcher d'être sur la défensive.

« Ça m’a fait plaisir, de recevoir ton message.»
C'est simple. Mais tu as trouvé que c'est plutôt adapté à la situation. Le rentre dedans, tu sais le faire. Mais tu ne penses pas que c'est la bonne technique avec elle.
Puis, tu as beau te mentir à toi-même, tu ne veux pas que ce soit un simple coup d'un soir. Tu n'es pas dans le même état d'esprit que quand tu roules des hanches contre des habitués de bar. Tu veux qu'il y aie quelque chose, que ce soit de l'amitié, ou plus. Tu ne veux pas avoir à lui dire au revoir. Elle t'intrigue, tu veux savoir qui est Kaela.

Tu veux vraiment savoir. Elle t'a touché, avec un simple regard.

Ne voyez pas ici un texte niais, décrivant un sentiment amoureux. Ezequiel ne l'est pas. Ce que je décris, en ces quelques lignes, c'est le début d'une Renaissance. Ziel a trouvé intérêt en quelque chose de sain. En quelqu'un.
Ezequiel, ce soir-là, joue le coup d'une vie.

Aaaaaarg... Sur tout ce qu'elle pouvait répondre, il a fallu qu'elle prononce ces mots-là. "J'espère que je ne t'ai pas fait annuler quoique ce soit d'important ce soir." Si. Enfin, non, mais c'était important pour l'vieux. Puis, pour tes revenus aussi. Mais manquer un rendez-vous, ce n'est pas dramatique. Puis, il se frotte au bones, il devrait savoir que vous êtes terriblement inconstant. S’il râle, tu lui pètes les dents de toute façon.

Comment veux-tu éviter de penser à tous tes soucis si Kae t'y ramène ? Elle ne fait pas exprès, mais là-dessus, elle a fait un gros missplay. Tes doigts tapotent nerveusement sur ton jean. Tu es censé répondre quoi à ça ? Tes messages laissaient sous-entendre que tu allais devoir annuler un évènement, alors tu ne peux pas lui dire que tu n'as rien de prévu ce soir. Alors, lui dire quoi ? Tu ne fais rien de ta vie, pas d’étude, tu ne travailles sur aucun dossier. Tu n’as pas d’amis. Et, c’est peut-être ridicule, mais tu ne veux pas lui mentir, t’inventer une vie. Mais tu n’es pas non plus prêt à tout lui dire. Elle va fuir si tu lui dis directement que tu es la petite pute des bones, que tu es un poids lourd qui ne fait que sombrer, qui n’a d’autres objectifs dans sa vie que de vendre son corps. Que tu es constamment hanté par tes démons, par les traumatismes de ton passé, que tu n’arrives pas à avancer…

Attends. Si tu es là, ce soir, c’est bien que tu as fait des avancés, non ? Il y a encore quelques mois, jamais tu n’aurais accepté de voir une fille, dans le but de passer du bon temps avec elle, et de peut-être aboutir à quelque chose de sérieux. Ça ne te serait jamais venu à l’esprit, très sincèrement. Tu es véritablement heureux d’être avec elle, de sortir avec quelqu’un de ton plein gré, qui n’a rien à voir avec les bones. Même ta sœur y est liée, plus personne ne te laisse respirer à ce sujet.

« Je vais bien ! Et toi ? J’ai dû annuler quelque chose, mais je ne m’en veux pas du tout, je n’ai rien perdu au change ! Bien au contraire d’ailleurs… »

Ton regard se pose à nouveau sur elle, tandis que tes lèvres s’étirent en un sourire, simple et sincère. Une bouffée de plus, tes yeux vont contempler le ciel. Allez, ce soir, c’est ta soirée. Votre soirée ? Tu seras niai à souhait, de manière volontairement extravagante. Te moquer des romans à l’eau de rose dans la vie de tous les jours, c’est probablement dans ta liste d’activité favorite, dans le top 3, après : Faire chier Sam, lui donner des intoxications alimentaires (ça, c’est faux, mais ça arrive tellement souvent qu’on dirait que tu fais exprès.)

La cigarette se consume, les cendres se déposent petit à petit sur le bitume gris et terne, mais tout te semble si magique. Tu commences à douter de la consommation de ce que tu es en train de fumer… Les champignons de ce midi étaient normaux, pourtant.

« Tu es jolie, Kaela. Merci de m’avoir proposé cette sortie ce soir. »

C’est ce que tu aurais voulu dire. Ce sont les mots qui te brûlent la langue, menaçant de sortir au moindre petit moment d’inattention. Mais rien. Ça reste coincé. Tu ne sais pas exactement pourquoi… Mais tu espères réussir à lui dire, à un moment ou un autre. Tu te contentes donc simplement d’ajouter à tes dernières paroles, passant une main dans tes cheveux pour recoiffer les petites mèches sauvages, même si tu as totalement conscience qu’elles se redresseront au moment-même où tes doigts quitteront ta chevelure :

« Tu te souviens du moment où tu as commencé à fumer, de ta première cigarette ? »

Tu ne sais pas pourquoi tu demandes ça, peut-être veux-tu apprendre quelque chose de plus profond sur elle ?  C’est tout ce que la situation t’a inspiré. Puis, ça permet de changer de sujet… Et le fait que toi et Sam aient été en foyer n’est pas réellement un secret à garder à tout prix, si jamais elle te retourne la question.

Une histoire des plus banales, aux premiers abords. Bon nombre de personnes ont commencé à fumer à cause de l'effet de groupe. Cependant, une petite voix te glisse à l'oreille que, tout comme toi, c'est plus profond que ça. Il semblerait que vous ayez tous les deux quelques choses à cacher à l'autre. Tu as franchement hâte de découvrir tout ce que Kaela garde en elle.

Mais tu n'as vraiment pas hâte qu'elle découvre ce que toi, tu caches. Tu inspires une dernière fois, puis écrases à ton tour ta clope. Tu fourres tes mains dans tes poches, et la regarde calmement, tes lèvres conservant ce petit sourire. Lui parler du foyer, pas de soucis. Mais tu ne veux pas encore lui dire le pourquoi du comment : c'est trop tôt, bien trop tôt. Ce serait manqué de respect à Sam, c'est son amie aussi après tout. Tu n'es pas sûr qu'elle serait heureuse si elle apprenait que tu avais tout balancé à sa pote, et tu comprendrais que ça la fâche. Mais de toute façon, ce n'est pas elle qui va tenter de la draguer, si ?

Nan parce que, soyons honnête. Tu veux quelque chose de concret avec elle, tu l'as déjà dit. Mais si ça peut être un petit peu plus qu'une amitié... Tu n'es pas contre. Tu te projettes vite tout de même, mais ça fait du bien de rêver un peu, de temps en temps.

"Sam et moi avons été en foyer. Je ne l'ai pas très bien vécu, je ne me suis pas très bien entouré, alors c'est vite parti en cacahuètes... Mais je ne regrette pas vraiment d'avoir commencer, si c'était à refaire, je le referais sûrement... J'imagine mal ma vie sans ces petites tue-poumons."

Un soupir. Ton regard se perd à nouveau dans les étoiles, tandis que tu rajoutes :

"Je preshot votre question gente dame..."

Un clin d'oeil, tes yeux brillent de malice, alors que ton sourire s'étire. Allez Ez, sois toi-même.

'"Il va falloir me faire boire un peu pour que je t'explique les raisons de la présence de ma soeur et moi dans un foyer"

Tu tournes les talons, conservant ce petit sourire. Ta tête pivote légèrement en direction de Kaela, tes cheveux tombant légèrement en arrière. Dans un rire, tu rajoutes :

"Ou bien me conquérir... Tu as le choix, Kaela."

Sur ses paroles, tes doigts attrapent la poignée de la porte, l'ouvre. Tu invites Kaela à rentrer d'un geste ample de la main.

"Alors mam'zelle, défi accepté ? Si c'est le cas, sa Majesté peut entrer"

Ne t'en fais pas, Kae, tu ne seras pas la seule à jouer.

Elle est joueuse. Tu apprécies. L'avantage quand tu la joues franc jeu directement, c'est qu'il y a un risque que la personne fuie. Si c'est le cas, ça t'évite une longue soirée ennuyeuse à papoter de la pluie et du beau temps. Et c'est plutôt pas mal. Mais ce coup-ci, tu sens que tu ne passeras pas ce genre de soirée. Elle est réceptive. Alors vous allez jouer...

Tu la laisses donc passer devant toi, et refermes rapidement la porte. Ils ne chauffent pas pour l'extérieur. Elle s'arrête, regarde la carte. Tu restes blotti derrière elle.

Reflexe nerveux. Tu passes ta main dans tes cheveux. La réalité, c'est que ce qui s'est passé dehors t'a probablement plus déstabilisé toi qu'elle. Tu ne t'attendais pas à ce qu'elle soit autant receptive. Elle a même rit... Et son rire... Quel rire, un bonheur. Elle a glissé des mots au creux de ton oreille. Cette proximité avec elle t'a procuré tant de sentiment divers et variés... que tu as presque envie de la prendre dans tes bras. Mais l'angoisse est là, et elle reste plus forte que tout.

Kaela se retourne vers toi, et toute cette anxiété est immédiatement remplacé par le p'tit sourire habituel. Une blonde pour m'dame. Monsieur se prendrait bien une p'tite brune, mais ça la ferait probablement fuir... La bière ? Pourquoi vous parlez de bière ?  

"Je vais prendre comme toi, et oui, c'est parfait comme table !"

Vous vous dirigez donc vers la petite table, et vous prenez place. Le serveur ne tarde pas à arriver, et tu passes commande pour vous deux. Il se retire aussi vite qu'il est venu, sans un bruit. Commence alors un énième jeu de regard, basé sur une contemplation de l'autre. Tu finis par céder, lui offrant cette petite victoire. Tu baisses la tête, lâchant un petit rire. Tu te mordilles les lèvres, puis lâches :
"C'est moi qui ai commencé à jouer, et je me retrouve à perdre dès la première épreuve..."
Soupir. Passage de main dans les cheveux. Ton sourire s'agrandit :
"Promis, je vais me reprendre. Il faut que je t'offre un adversaire à ta hauteur.

Le serveur revient, et vous sert. Vous restez silencieux, continuant cette bataille discrète. Tu réfléchis alors à un moyen de continuer la discussion. Tu veux en apprendre davantage sur elle, sans passer par des moyens "banaux". Une idée te vient soudainement :

"Kaela, je ne vais pas te mentir, j'ai envie d'apprendre à te connaître. Mais pas de la manière conventionnelle... Une question. Chacun son tour. Pas le droit de mentir. Je te préviens juste tout de suite : pas le droit de me demander quoi que ce soit à propos de mon arrivé foyer. Tu le découvriras en temps voulu...

Certaines choses en disent plus long sur une personne que des réponses claires, formulées avec des mots. Tu n'es pas une enflure, tu ne peux pas la forcer à répondre à tes questions. Alors, comment vas-tu faire ? Doucement tornado, Ezequiel s'apprêtait à parler à nouveau :

"Je te préviens tout de suite, les questions ne seront pas banales. Je ne te demanderai pas ta couleur préférée, par exemple... Si tu ne désires pas répondre... Un gage sera alors imposé, qui peut te déplaire... Ou te plaire... A tes risques et périls, Kaela.
Tu lui tends la main, les yeux brillant de malice :
"Alors, marché conclu ?"